Écouter les revendications des salariés

Le dialogue social : une des conditions du développement

13 août 2007, par Manuel Marchal

À La Réunion, la hausse de l’activité économique et les gains de productivité doivent prioritairement servir à créer des emplois et à donner les moyens aux salariés de faire face à la vie chère, pas à gonfler des profits qui peuvent être transférés dans d’autres pays, et ne sont donc pas investis à La Réunion.

Grèves à REP, à la Brinks, à Rhums-Réunion : trois conflits illustrant la difficulté du dialogue social à La Réunion. Dans les trois cas, la base des revendications est une augmentation de salaires. Et si à REP et à la Brinks, une semaine de lutte a permis d’arracher des avancées, la situation est toujours bloquée à Rhums-Réunion depuis 3 semaines.
La semaine dernière, toute La Réunion a été touchée par une accentuation de la vie chère. De nombreuses hausses ont pour résultat de rogner le pouvoir d’achat. Les plus touchés sont les plus bas salaires, les travailleurs privés d’emploi et ceux qui n’ont droit qu’à un minimum social pour vivre. Car, dans le même temps, les hausses de revenus pour la grande majorité des Réunionnais ne suivent pas cette inflation.
Parallèlement, du fait de plusieurs facteurs dont notamment l’élévation du niveau de qualification des salariés, la productivité est en hausse. La Réunion est même dans le peloton de tête des régions dans ce domaine. Paradoxalement, c’est à La Réunion, là où la productivité est la plus importante, là où la croissance est la plus élevée, que le chômage est le plus important et que le pouvoir d’achat des classes laborieuses est le plus faible.
Cette donnée est une spécificité réunionnaise. Or, force est de constater qu’elle n’est pas prise en compte par tous les acteurs du dialogue social.
Car, dans ces trois conflits, une des revendications est de préserver le pouvoir d’achat des salariés. À la Brinks, pendant une semaine, les travailleurs se sont heurtés à un mur : la Direction ne voulait céder que sur une augmentation annuelle identique à celle de Métropole, c’est-à-dire l’application mécanique de ce qui se fait en France.

Refus d’écouter les salariés

À REP, c’est la question de la répartition des richesses qui était au cœur du combat. Les travailleurs ne pouvaient que constater qu’alors que la productivité augmente, les salaires stagnent au plus bas.
Quant à Rhums-Réunion, c’est aussi cela qui est en question. La croissance de l’activité a débouché sur des créations d’emplois. Mais des créations qui n’ont pas suffi à compenser une hausse de la charge de travail. En clair, les salariés travaillent plus, mais ne voient pas leurs efforts récompensés par une hausse de leurs revenus correspondant à la part de richesses qu’ils apportent à l’entreprise.
À REP et à Rhums-Réunion, les travailleurs ont dû faire cesser l’activité de l’entreprise pendant une semaine pour que leurs revendications soient entendues. Leurs sociétés, intégrées à des grands groupes internationaux, ont fini par céder. Sous la pression des travailleurs, elles ont dû donc procéder à une répartition des richesses crées par les salariés plus juste envers ce dernier. Or, sans la grève, cela n’aurait pas été obtenu, alors que contrairement aux arguments des Directions, une augmentation des salaires est possible. Pourquoi alors avoir obligé des salariés à cesser le travail pour finir par accepter ce qui était prétendument irréalisable ?
C’est la traduction d’un dialogue social en panne, où les demandes des salariés affrontent une logique qui vise à céder le moins possible pour augmenter les profits réalisés sur les fruits du travail des Réunionnais.

Pour le développement du pays

À Rhums-Réunion, l’URSO-CGTR voit dans le prolongement de la grève une volonté patronale de ne rien lâcher, de crainte que les avancées obtenues par les travailleurs donnent des idées à ceux qui estiment qu’ils ne sont pas rémunérés à la hauteur de la richesse qu’ils apportent à l’entreprise.
Ce n’est pas en fermant le dialogue social que pourra s’instaurer un climat favorable à l’épanouissement des salariés, et donc à des gains de productivité qui bénéficieront à la création de richesses dans l’entreprise. De nouvelles richesses qui sont synonymes de créations d’emplois et de hausses de salaires qui permettent au moins de maintenir le pouvoir d’achat.
Face aux défis auxquels La Réunion est confrontée, il est essentiel que les demandes légitimes des salariés soient entendues et concrétisées dans un dialogue social serein. Il ne serait pas compréhensible que la croissance continue de l’activité économique, permise notamment grâce à l’importance de la commande publique, serve en priorité à gonfler des bénéfices qui, par ailleurs, ne sont pas systématiquement investis dans le développement du pays.
Pour relever le défi du développement, les fruits de la hausse de l’activité économique et des gains de productivité doivent avant tout favoriser les créations d’emplois et donner aux salariés les moyens de vivre dignement à La Réunion.

Manuel Marchal


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