Extension aux fonctionnaires d’un régime général obligeant à cotiser le plus longtemps possible

Le droit à une retraite décente bientôt impossible pour les Réunionnais ?

11 octobre 2018, par Manuel Marchal

Les différentes remises en cause des acquis obtenus pour les retraites rendent de plus en plus illusoire le droit à une retraite décente pour les travailleurs du privé à La Réunion. Le projet du gouvernement prévoit d’étendre cette précarité à tous, avec l’objectif d’aligner les fonctionnaires sur le régime général. Il compte également pénaliser ceux qui partiront en retraite à 62 ans. Cela entraînerait un appauvrissement sans précédent des retraités à La Réunion, et un nouvel obstacle dans la lutte contre le chômage car l’accès des jeunes à l’emploi serait encore plus limité, avec pour conséquence une diminution de leurs droits à la retraite.

Les retraités déjà majoritairement pauvres. (photo Toniox)

Dans son édition d’hier, l’Humanité donne la parole à la CGT au sujet des propositions possibles du gouvernement sur la modification du système des retraites : « L’idée du gouvernement, c’est de faire en sorte que la durée que l’on passe en retraite ne s’allonge pas, et donc de reculer pour cela l’âge de départ, de façon à ce que la totalité des gains d’espérance de vie soient consacrés au travail et non à la retraite », observe le conseiller confédéral sur les retraites à la CGT, Gilles Oberrieder.
En effet, si l’âge légal à partir duquel il est possible de faire valoir son droit ne bouge pas, 62 ans, il sera en pratique repoussé de plusieurs années. C’est en effet un système de décote et de surcote autour d’un « âge pivot » fixé à 63 ans. C’est l’application au régime général de ce qui existe déjà dans les retraites complémentaires, un changement obtenu grâce à l’accord de la CFDT malgré le refus de la CGT et de FO. « Ceux-ci prévoient l’application d’une décote (appelée « coefficient de solidarité ») de 10 % pendant trois ans si le salarié fait valoir son droit à la retraite dès qu’il a rempli les conditions du taux plein, cette décote s’annulant s’il accepte de repousser ce départ d’un an, une surcote s’appliquant ensuite pour ceux qui décaleront leur départ de deux, trois, voire quatre ans. Dans les faits, cela revient à inciter les salariés qui pourraient partir à 62 ans à reporter leur retraite à 63 ans, voire davantage », indique l’Humanité.

Les retraités déjà majoritairement pauvres

Étendu au régime général, cette règle signifierait donc que si un salarié voulait partir en retraite à 62 ans, il ne toucherait la pension à laquelle il a droit qu’à partir de 63 ans. Par contre, si un salarié décidait de poursuivre son activité au-delà de cet âge pivot, il pourrait alors bénéficier d’une revalorisation de sa pension. Autrement dit, c’est encourager les travailleurs à garder leur emploi jusqu’à 67 ans, qui est devenu l’âge limite de départ à la retraite au fil des attaques successives contre ce système hérité des luttes syndicales et politiques.
Le projet du gouvernement ne prévoit pas de revenir sur la durée de la cotisation permettant de toucher une retraite à taux plein : 172 trimestres, soit 43 ans ! À La Réunion, où le taux de chômage est largement supérieur à 20 % depuis plus de 40 ans, rares sont les travailleurs qui peuvent justifier d’une durée d’assurance aussi longue. Cela explique pourquoi dans notre île, la majorité des retraités survivent en dessous du seuil de pauvreté. Pour empêcher l’État de déshériter leurs enfants, ils sont des milliers à se contenter d’une retraite bien inférieure à 500 euros par mois plutôt que de demander l’allocation complémentaire leur permettant de toucher le minimum vieillesse. En effet, ce complément sera remboursé sur la succession du bénéficiaire.

Précarité à vie pour les jeunes ?

Actuellement, plus de la moitié des jeunes de moins de 25 ans ayant quitté l’école sont au chômage. Ils n’ont donc aucun espoir de cotiser suffisamment longtemps pour avoir droit à une retraite complète. Ils seront donc obligés de se tourner vers un système complémentaire par capitalisation afin d’avoir un complément pour leur pension, uniquement s’ils ont les moyens. Le durcissement des conditions pour une retraite pleine ne pourront que pousser les travailleurs à garder le plus longtemps possible leur emploi. Cela réduira d’autant la possibilité d’embaucher des jeunes, ce qui maintiendra ces derniers dans la précarité.
L’autre nouveauté du projet du gouvernement est d’aligner tous les régimes de retraite sur le régime général. À La Réunion, cela signifierait un important recul pour les futurs retraités de la fonction publique. Le montant de leur pension est calculé en fonction des 6 dernières années de leur carrière, qui sont les plus rémunératrices. Dans le régime général, le calcul se base sur les 25 meilleures années. La perte est évidente.
Par ailleurs, dans le régime actuel, trois années de cotisation valent quatre années pour un fonctionnaire en poste à La Réunion. Ce qui fait qu’il est possible d’atteindre 43 années de cotisation en moins de 35 ans de service. Mais avec l’alignement sur le régime général, ce bonus sera remis en cause, ce qui rendra bien plus difficile le droit à une pension complète. C’est donc un appauvrissement sans précédent des retraités de la fonction publique que le gouvernement prépare pour La Réunion.

Question de responsabilité

Tous ces faits plaident à nouveau pour une prise en compte de la situation de La Réunion sur un sujet aussi sensible. Pour que le droit à une retraite décente soit une réalité pour tous les Réunionnais, il est nécessaire de mettre en œuvre des mesures spécifiques qui passent par une diminution drastique de la durée de cotisation, et une plus grande solidarité envers ceux qui ont été durant toute leur vie active abandonnés par le système dans la précarité.
C’est une donnée sans doute à inscrire dans un plan global conçu par les Réunionnais et destiné à être une base de négociation avec Paris. Cela pose une nouvelle fois la question de la responsabilité.

M.M.

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