Le rapport Virville à nouveau sur le devant de la scène

Le Droit du travail confié aux soins des partenaires sociaux ?

24 avril 2004

Le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Cohésion sociale travaille actuellement sur son plan de « cohésion sociale » dont les ramifications sont nombreuses : l’exclusion et le logement d’un côté, l’emploi de l’autre. Et là, il est question du dossier de l’indemnisation du chômage, du “plan pour l’emploi”... et du rapport Virville, dont la philosophie est de laisser plus de champ au “dialogue” entre partenaires sociaux. Ce qui serait une forme de désengagement de l’État. Et dans le même temps, le gouvernement tergiverse dans le dossier des “recalculés” de l’UNEDIC, comme s’il souhaitait laisser ces mêmes partenaires sociaux résoudre, par eux-mêmes, la question.

Le MEDEF continue son offensive et maintient ses pressions sur le gouvernement. Lors de ses rencontres avec la presse, en France métropolitaine comme aux Antilles, Ernest-Antoine Seillières affiche clairement la couleur et enfonce le clou sur le constat gouvernemental et les “dysfonctionnements” de la société française.
Tout comme il met en lumière les atteintes portées aux “négociations sociales”. Allusion très claire aux décisions de justice concernant les “recalculés” de l’ASSEDIC.
Jean-Louis Borloo, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Cohésion sociale, doit travailler dans l’urgence. Non seulement parce qu’il doit remettre au Premier ministre son plan de "cohésion sociale" au plus tard mi-juin, mais parce qu’il se trouve en face de dossiers “chauds”, nécessitant des réponses rapides. Comme l’indemnisation du chômage et plus généralement l’avenir du régime d’assurance chômage.
Première interrogation : le gouvernement peut-il rester “en dehors” de ce dossier et laisser les partenaires sociaux gérer la crise eux-mêmes ? Si du point de vue “juridique”, c’est possible, du point de vue “politique”, cela l’est beaucoup moins.

Quelle cohésion ?

À la tête d’un ministère d’une très grande ampleur, Jean-Louis Borloo doit avant tout élaborer son plan de "cohésion sociale". Et, à l’issue des rencontres qu’il a eues avec les partenaires sociaux (organisations salariales et patronales), il s’avère que sa priorité est, pour l’instant "l’exclusion, le logement ou la politique de la ville".
L’impasse est, semble-t-il, faite sur le secteur de l’emploi. Il est bien évident que la "cohésion sociale" n’est pas composée d’une seule facette. Mais peut-on réellement parler de "cohésion sociale" en “oubliant” que près de 10% de la population française (et 30% au moins de la population réunionnaise) est exclue du monde du travail ?
Est-ce un choix philosophique ? Est-ce un choix politique ? Est-ce une tactique ? On peut s’interroger sur les raisons qui ont fait que Jean-Louis Borloo ait fait l’impasse sur la question de l’emploi.
À moins qu’il ne préfère laisser son “adjoint”, le ministre délégué aux “Relations du travail”, Gérard Larcher, s’occuper du dossier. Au passage, on notera l’ambiguïté de l’appellation de ce ministère. Ce serait donc Larcher qui déciderait s’il faut reprendre - et comment - les projets de François Fillon. Et quel sort il convient de donner au fameux rapport Virville.

Désengagement ?

L’immense majorité des propositions de ce rapport Virville sont inacceptables : dessaisissement du Parlement de ses prérogatives législatives, mise sous tutelle des juridictions du travail, immunité patronale en cas de délit ou d’infraction, subordination de la loi au contrat, généralisation de la flexibilité et de la précarité des salariés. En guise de “toilettage” du droit du travail, le rapport Virville vise ni plus ni moins sa destruction.
Si avant le 28 mars, le gouvernement avait “les coudées franches”, les résultats des élections ont - un peu - modifié le jeu. Les déclarations de Chirac sont à prendre pour ce qu’elles sont. Tout comme celles de Raffarin. La décision que celui-ci prendra, notamment pour la question du transfert - ou du non transfert des TOS -, permettra d’éclairer de façon certaine la “volonté sociale” du gouvernement.
Si le Premier ministre maintenait, contre la volonté d’une part des syndicats, d’autre part des présidents de Région, sa décision de “transfert” des personnels TOS, de l’équipement, des affaires sociales etc., on pourrait donc s’attendre à ce qu’il poursuive la “feuille de route” précédemment élaborée.
Dès lors, il pourrait très facilement embrayer sur la “modernisation du code du travail”. Donc la reprise des propositions du rapport Virville. Ce qui pourrait être fait au moment de l’élaboration de la loi sur l’emploi.
La “logique” du rapport Virville étant, pour ses concepteurs, d’accorder une plus grande place aux acteurs sociaux dans tous les domaines du champ social, le gouvernement aurait là, une nouvelle possibilité de se “désengager” d’un nouveau champ. Celui du droit du travail.

D. B.


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