Quand le premier magistrat du berceau du syndicalisme réunionnais marche sur les combats de la CGTR

Le maire du Port pour le travail le 20 décembre : 70 ans de luttes remis en cause

30 septembre 2020, par Manuel Marchal

En soutenant la demande de patrons voulant obliger leurs salariés à travailler un 20 décembre, jour férié à La Réunion, le maire du Port s’attaque à la seule fête réunionnaise du calendrier, celle qui commémore le jour où tous les Réunionnais ont accédé au statut d’être humain. Souhaitons que cette proposition tombe dans les poubelles de l’histoire. Nul doute que les Réunionnais pourront compter sur des syndicalistes et des militants politiques pour rappeler Olivier Hoarau à ses devoirs de maire du Port.

A La Réunion, la dernière abolition de l’esclavage date du 20 décembre 1848. La totalité de la population de La Réunion accédait au statut d’être humain, et la classe dominante n’étaient plus esclavagistes. L’anniversaire de cette journée a été souvent un moment de luttes. Ainsi en 1948, malgré l’interdiction du maire de Saint-Denis, plusieurs dizaines de milliers de travailleurs avaient convergé dans la capitale et défilé pendant des heures à l’appel de la CGT pour commémorer le centenaire de l’abolition de l’esclavage.

Combats de la CGTR et des communistes

Les communistes et la CGTR ont fait de la célébration du 20 décembre un point très important. Ils se sont battus pendant des décennies pour que l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage à La Réunion soit un jour férié, chômé et payé.
Ce combat s’est fait dans un contexte de forte répression. La Fête de Témoignages était un des rares moments où le 20 décembre pouvait être célébré malgré tout au grand jour. Ailleurs, la clandestinité était de mise pour échapper à la répression.
En 1971, des listes de rassemblement incluant le PCR remportèrent les municipales à La Possession au Port et à Saint-Louis. Ces communes organisèrent alors des célébrations officielles. Ailleurs dans l’île, des Sections communistes faisaient sortir le 20 décembre de la clandestinité. Toute cette lutte contraint le gouvernement français à faire du 20 décembre un jour férié à La Réunion, malheureusement pas chômé et payé comme le 1er mai.

Répression et oppositions des réactionnaires

Cette mesure a rencontré une forte résistance venant des réactionnaires. C’est ainsi qu’un maire de Saint-Denis organisa un 20 décembre une « Fête des letchis » pour mieux passer sous silence la commémoration de l’abolition de l’esclavage.
Pendant ce temps, des patrons refusaient de baisser le rideau. Cette situation a été à l’origine de bien des mobilisations de la CGTR pour faire respecter le 20 décembre en tant que jour férié. Avec l’importation à La Réunion de la société de consommation occidentale, le 20 décembre est une date située en plein coeur de la période des Fêtes, où des entreprises réalisent une bonne partie de leur chiffre d’affaires annuel.
Dans ces luttes, la population du Port a été au premier plan. En 1971, elle avait élu Paul Vergès comme maire. Le secrétaire général du PCR mettait en œuvre la politique de son parti, visant au respect de l’identité du peuple réunionnais.

Un maire ambassadeur de la grande distribution

Lundi lors du conseil communautaire du TCO, Olivier Hoarau, bien que maire du Port, s’est fait le relai d’une demande du Groupe Bernard Hayot et d’autres commerçants du plus grand centre commercial de l’Ouest. Ces derniers exigent de faire travailler leurs salariés le 20 décembre pour gonfler leurs profits. Ils ont trouvé en Olivier Hoarau un allié précieux, capable de marcher sur l’héritage de ces prédécesseurs depuis 1971, qui étaient eux communistes, pour se faire l’ambassadeur des pourfendeurs du 20 décembre reconnu en tant que jour férié.

Rappeler au maire du Port ses devoirs

Si ces patrons veulent un jour férié supplémentaire, pourquoi le maire du Port n’a-t-il pas proposé à GBH et aux autres une commémoration qui n’est pas liée à l’histoire du peuple réunionnais. Les dates ne manquent pourtant pas entre la fête nationale française et les commémorations des guerres victorieuses de la France. Ce choix de s’attaquer à la seule fête réunionnaise du calendrier montre les dégâts de l’assimilation.
Fort heureusement, la demande du maire du Port n’a pas eu encore de suite. Face à l’opposition de la maire de Saint-Paul ainsi que d’un nombre important de conseiller, cette demande a été retirée de l’ordre du jour ce qui a permis au maire du Port d’éviter d’ajouter l’humiliation d’un vote contre sa proposition.
Souhaitons que cette proposition tombe dans les poubelles de l’histoire. Nul doute que les Réunionnais pourront compter sur des syndicalistes et des militants politiques pour rappeler Olivier Hoarau à ses devoirs de maire du Port.

M.M.

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