R.M.A.

« Le plus difficile est à venir »

Le témoignage de Jacques Técher

3 décembre 2003

Toujours à l’écoute de la population du cirque et ayant gardé toute sa fibre sociale, le responsable communiste de Cilaos est très pessimiste quant à la mise en application du R.M.A. et de ses conséquences. « Le plus difficile est à venir », affirme Jacques Técher, très inquiet au sujet des effets négatifs de cette mesure sur la vie de dizaines de milliers de familles réunionnaises.

L’ancien maire de Cilaos estime en effet que « le patronat va profiter à mort de l’effet d’aubaine que fournira le RMA ». À partir de ce qu’il a déjà entendu, sur la base de sa connaissance du Cirque et de ses habitudes, Jacques Técher cite de nombreux exemples. Ainsi, dans certaines petites entreprises ou certains commerces, on emploie souvent une ou deux personnes pour faire du rangement. Ce personnel, payé à plein temps, est généralement utilisé de manière irrégulière, de temps en temps, selon les besoins. « Ce personnel là, il sera très rapidement mis à la porte et on embauchera à sa place des érémastes », dit Jacques Técher.

Une aubaine pour certains employeurs

La vie dans tout le Cirque est rythmée par les activités touristiques. Celles-ci sont saisonnières. Dans plusieurs établissements, on utilise des femmes de ménage à temps partiel. « Je suis persuadé que parmi elles, beaucoup ne sont même pas déclarées. Eh bien, avec le RMA, plusieurs employeurs vont trouver leur compte : ils vont débaucher pour reprendre du personnel neuf, pour lequel ils n’auront qu’à débourser 183 euros par mois », dit l’ancien maire de Cilaos.
Telle autre entreprise, qui offre des prestations chez les particuliers, a déjà envisagé de licencier le seul ouvrier qu’elle employait. Elle va recruter 3 à 4 érémastes. Elle estime que ce qui lui rapportera le travail effectué par un seul d’entre eux va lui permettre de payer tout son personnel, le reste étant du bénéfice à 100%.
« Le érémaste ne peut pas être employé chez un particulier. Mais rien ne m’empêche de créer une association, d’embaucher des érémistes et de les mettre à disposition de telle ou telle famille. On peut donc contourner la loi et avoir ainsi du personnel domestique à bon marché », prédit Jacques Técher. Ce dernier ajoute : « on connaît comment fonctionne les entreprises de transport de marchandises ou de voyageurs. Il y a, dans le personnel, beaucoup de va-et-vient. Le RMA s’annonce comme une véritable aubaine pour ce genre d’employeurs ».

« Fausses illusions »

« Il ne faut pas croire qu’il n’y a pas de fausses illusions chez les érémistes. Au vu de ce qu’ils entendent ou lisent ici et là, certains pensent que leurs allocations vont être augmentées de 183 euros à partir du 1er janvier et ils nous demandent comment faire pour les récupérer », note le responsable communiste de Cilaos. Il ajoute : « S’il est vrai que la population érémiste est généralement peu formée, elle compte cependant dans ses rangs des jeunes filles et des jeunes gens qui ont des diplômes, des brevets voire des permis de transport en commun ou autre. Ces gens estiment qu’ils doivent être servis en premier. Je connais des jeunes qui ont le permis pour conduire des camions et qui se sont déjà positionnés auprès des sociétés de transport du cirque », dit Jacques Técher. Ce dernier estime donc qu’il y a encore un gros effort de communication à faire pour faire taire certaines désillusions.

Rassembler pour dire non

L’ancien maire de Cilaos fait remarquer que la plupart des érémistes qu’il a rencontrés ne savent pas encore qu’ils vont être perdants avec le RMA et qu’ils vont gagner moins.
Pour Jacques Técher, l’accumulation des réformes a pour effet de développer une sorte de sentiment de défaitisme : « les gens ont peur, ils sont inquiets mais en même temps ils ont le sentiment qu’on ne pourra rien y faire. C’est là justement que nous communistes pouvons agir et être efficaces ». Il conclut : « Nous devons, d’une part, apporter le maximum d’informations. Puis dire que si nous sommes rassemblés pour dire non, nous pouvons le faire. Les élections de mars prochain sont une occasion de le faire. Ensuite, il nous revient aussi de pousser à la recherche de solutions. »

R.M.A., A.R.A., P.I.J. ... : où est la cohérence ?
Dans son intervention à l’Assemblée Nationale sur la création du RMA, Huguette Bello s’inquiétait : « La mise en place d’un nouveau dispositif - doté de caractéristiques aussi régressives - oblige à s’interroger sur la place qu’il occupera par rapport aux dispositifs existants ».
« Croyez-vous, Monsieur le Ministre, que l’application du RMA soit vraiment nécessaire à La Réunion, où les lois d’orientation, puis de programme pour l’Outre-mer ont déjà créé plusieurs dispositifs pour les allocataires du RMI ? », interrogeait la députée de la deuxième circonscription.
Si l’on prend en considération la seule loi d’orientation pour l’outre-mer (LOOM) votée en décembre 2000, plusieurs meures ont été prises pour la création d’emplois en faveur des jeunes et plus particulièrement des exclus. Ce sont des dispositifs comme le P.I.J. (projet initiative jeune), ou le développement des formations en alternance avec tutorat, mais surtout l’allocation de retour à l’activité (A.R.A.).
Cette dernière mesure avait pour objectif de favoriser le retour à l’activité des bénéficiaires des minimas sociaux. L’ARA est une allocation de 1.500 francs mensuels, versée par l’État pendant 2 ans. Elle vient s’ajouter aux revenus que les intéressés se procurent au titre d’une activité rémunérée dans une entreprise ou chez un particulier.
Aucun bilan de l’ensemble de ces mesures n’a été fait avant d’étendre le RMA aux DOM. La nouvelle mesure sera appliquée sans même que l’on sache si elle est cohérente avec toutes celles précédemment décidées et mises en œuvre.

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