Le Conseil municipal des pauvres souhaite rencontrer François Chérèque

Le président de la République appuie la demande de la maire des Pauvres

7 octobre 2013

Le 4 août dernier, le premier Conseil municipal des pauvres avait adopté 5 délibérations. Elles ont été transmises au président de la République par Gilmée Vochré, la maire des Pauvres. Le courrier demandait également une rencontre avec François Chérèque, chargé de mission par le gouvernement sur la lutte contre la pauvreté. Hier, le Comité de l’Appel de l’Ermitage a annoncé une réponse favorable du président de la République à la maire des Pauvres.

Etienne Fruteau (Comité de l’Appel de l’Ermitage du Tampon), Philippe Yee Chong Tchi Kan (Comité de l’Appel de l’Ermitage), Gilmée Vochré (la maire des Pauvres), Frédérique Técher (Comité de l’Appel de l’Ermitage), Cécile Gardena (Comite de Saint-Denis de l’Appel de l’Ermitage) et Benoît Blard (Comité de l’Appel de l’Ermitage du Tampon).

Lors d’une conférence de presse, Philippe Yee Chong Tchi Kan et Frédérique Técher, porte-paroles du Comité de l’Appel de l’Ermitage, ont présenté la réponse du cabinet de François Hollande à la demande de rencontre faite avec François Chérèque, chargé de suivre le Plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, ainsi que la demande de table ronde de la députée Monique Orphée.

Philippe Yee Chong Tchi Kan s’est dit également « content » de la lettre reçue par la Maire des Pauvrés, Gilmée Vochré, indiquant la prise en compte de la demande faite pour rencontrer François Chérèque lors de sa visite. Le cabinet du président de la République a pris conscience de la situation économique, sociale et financière, actant l’importance d’une rencontre, car « la solidarité est la priorité majeure de la politique gouvernementale », note le courrier.

Le comité a dit être à la disposition du sous-préfet en charge de la Cohésion sociale, Ronan Boillot, en vue de préparer la table ronde et de rencontrer François Chérèque. Le comité souhaite également rencontrer Monique Orphé afin d’échanger sur « sa proposition de plan réunionnais de lutte contre la pauvreté ». « S’il y a une table ronde, nous souhaitons y participer », a conclu Philippe Yee Chong Tchi Kan.

Les chiffres « ne sont pas considérés sous la problématique politique »

Durant la campagne législative de 2012, « nous avons rencontré de nombreuses personnes vivant dans une extrême pauvreté. Nous nous sommes alors rendu compte que le sujet ne faisait pas partie du débat politique », a expliqué Philippe Yee Chong Tchi Kan. Ce dernier a évoqué certains cas de personnes vivant avec moins de 150 euros par mois, auquel s’ajoutent les dépenses quotidiennes, telles que les factures d’eau et d’électricité, mais également les dettes, « cela n’est pas considéré comme un problème de société ».

Frédérique Técher est revenue sur les actions menées par le Comité de l’Appel de l’Ermitage, comme des rencontres dans les différentes communes de l’île, « où des gens nous ont fait des propositions pour sortir de leur situation. Nous les avons accompagnés, car nous avions conscience que La Réunion vivait une situation hors-norme, confirmée par l’INSEE », a indiqué Philippe Yee Chong Tchi Kan.

Ce dernier a évoqué les 340.000 personnes vivant sous le seuil de pauvreté, dont 60% sont des enfants en âge d’être scolarisés ; les 166.000 demandeurs d’emploi, les 120.000 illettrés, mais aussi les 23.000 demandes de logement et les 10.000 bacheliers « qui viennent gonfler les chiffres du chômage ». « Les chiffres sont considérés, mais ils ne sont pas considérés sous la problématique politique. La pauvreté est anxiogène*, elle génère des maladies, du stress, des douleurs, de la dépression, mais aussi des pathologies cardiaques et des syndromes métaboliques », a expliqué Philippe Yee Chong Tchi Kan.

Réduire la pauvreté est possible

« Les pauvres ne voient pas d’avenir, mais le désespoir de leur situation, car rien de positif n’arrive. Ce n’est pas une problématique politique, on peut être pauvre et heureux, mais ce n’est pas le cas. La situation des pauvres à La Réunion n’est pas heureuse, face au manque de logement, d’emploi, à la baisse du pouvoir d’achat », a expliqué le porte-parole du Comité de l’Appel de l’Ermitage. Ce dernier a indiqué que « rien n’est fait pour résoudre la pauvreté à La Réunion ».

Dans un contexte mondial désireux d’éradiquer l’extrême pauvreté dans le monde d’ici 2015, en l’an 2000, les 193 États membres des Nations unies se sont engagés à atteindre huit objectifs, notamment « Réduire l’extrême pauvreté et la faim ». Cet objectif est quasiment atteint dans les pays en voie de développement, selon le dernier rapport 2013 de l’ONU. L’objectif a été atteint, « mais 1,2 milliard de personnes continuent de vivre dans l’extrême pauvreté ». De plus, « les taux de pauvreté ont été réduits de moitié, et en 2010, environ 700 millions de personnes en moins vivaient dans des conditions d’extrême pauvreté qu’en 1990 », note le récent rapport.

« Les chiffres sur lesquels les chefs d’État se sont engagés ont été les raisons d’un nouvel appel lancé le 25 septembre », a indiqué Philippe Yee Chong Tchi Kan. Ce dernier a expliqué que les chiffres (voir encadré) « montrent qu’il est possible d’éradiquer l’extrême pauvreté, car il s’agit d’une volonté politique, d’une ambition et d’une question de méthode ». Il a posé : « Pourquoi la pauvreté s’améliore partout dans le monde, mais pas à La Réunion ? ».

Pour un plan spécifique

La députée Monique Orphé a demandé le 1er octobre la mise en place d’un plan spécifique à La Réunion pour les 15 prochaines années. Cette dernière a d’ailleurs déclaré lors d’un point presse : « Il ne faut pas calquer le plan de lutte national à La Réunion et tenir compte de nos spécificités ». Une proposition que le Comité de l’Appel de l’Ermitage a accueillie positivement. « Nous sommes contents que la Sénatrice Monique Orphé ait demandé un plan de lutte contre la pauvreté. Elle a d’ailleurs demandé à François Chérèque une table ronde pour un plan réunionnais et non une adaptation au plan français. On réclame aussi ce plan réunionnais et demande un rythme différent du plan pluri-annuel », a expliqué Philippe Yee Chong Tchi Kan.

A la proposition de Monique Orphé pour 2017-2020, « on pense que c’est une bonne méthode. Il faut de l’ambition pour éradiquer l’extrême pauvreté. On a réussi au niveau mondial, on peut le faire à La Réunion. Il y a une méthode à suivre avec une date fixe et obligatoire. Il faut également faire consensus entre toutes les organisations afin de s’accorder sur des points essentiels », a indiqué le porte-parole.

*Anxiogène : qui provoque de l’anxiété.

 Céline Tabou 

« La pauvreté est anxiogène »


Dans une tribune, Philippe Yee Chong Tchi Kan a expliqué qu’au-delà des aspects économiques et financiers, « la pauvreté est anxiogène. Elle engendre des maladies liées au stress : les maladies somatiques, les pathologies cardiaques et musculo-squelettiques, les syndromes métaboliques, ainsi que les troubles digestifs. Et lorsque rien ne permet d’entrevoir une issue positive à une éternelle recherche d’emploi, aux demandes incessantes de logement, à un soutien alimentaire ou vestimentaire sans fin, alors s’installe le désespoir.

Le risque devient alors grand que la conjonction de l’anxiété et du désespoir ouvre la porte à quelques permissivités : le respect de la société, le respect d’autrui, voire le respect du sacré même disparaît. La violence, déjà sous-jacente à notre société post-esclavagiste qui n’a pas fait le deuil de son histoire, trouve là un terreau à son expression pernicieuse. La prostitution apparaît comme une solution tolérable d’activité rémunératrice. La xénophobie devient admise et fonde la pensée et l’action. C’est là, à mon sens, le véritable enjeu politique, pour qui veut véritablement œuvrer pour une société meilleure ».

Des origines différentes de la pauvreté


Pour le Comité de l’Appel de l’Ermitage, les origines de la pauvreté à La Réunion sont différentes de celle de la France. « Au moment où le gouvernement lance un plan pluriannuel pour lutter contre la pauvreté, et compenser les effets négatifs des crises économiques successives, à La Réunion, la pauvreté vient d’un choix politique historique qui a aujourd’hui des conséquences », a expliqué Philippe Yee Chong Tchi Kan.

Ce dernier a rappelé l’Histoire de La Réunion, lorsque Sarda Garriga en 1848 a décidé d’indemniser les esclavagistes (750 francs par esclaves), mais « pas les futurs affranchis qui sont libres, mais condamnés à revenir travailler pour rien auprès de leurs maitres. Dès 1848, alors que la population avait le pouvoir de transmettre des richesses, la majorité de la population a transmis la pauvreté ».

La situation aurait pu être corrigée lors du vote de la loi du 19 mars 1946, mettant fin au statut de colonie aux Départements d’Outre-mer. « C’était l’occasion historique de mettre en place l’égalité en plus de l’abolition de l’esclavage, mais il aura fallu plus de 50 ans de lutte pour obtenir l’égalité ». D’ailleurs, « en 2001, le dernier rattrapage a été effectué entre les Français et les Réunionnais », a-t-il ajouté.

Les 5 délibérations du premier Conseil municipal des Pauvres


Voici les propositions du Conseil municipal des pauvres qui ont été transmises au président de la République.


Délibération n°1 :

Abolir l’extrême pauvreté avant 2015


Le Conseil municipal des Pauvres demande à toutes les collectivités de La Réunion d’inscrire en priorité de leur prochaine assemblée l’abolition de l’extrême pauvreté à La Réunion, avant 2015.

Délibération n°2 :

Abolir les privilèges financiers des élus


Le Conseil municipal des Pauvres demande à toutes les collectivités de La Réunion d’abolir les indemnités des élus ; et de transférer l’équivalent de ce budget dans un fonds pour la création d’activités en faveur des plus les pauvres.

Délibération n°3 :

Représentativité sociale : les pauvres sur les listes électorales


Le Conseil municipal des Pauvres demande que la représentation sociale soit respectée lors de la constitution des futures listes électorales municipales ; c’est-à-dire que la moitié des candidatures soient des pauvres.

Délibération n°4 :

Création d’un centre communal d’activités génératrices de revenus


Le Conseil municipal des Pauvres demande à toutes les Communes de La Réunion de créer un Centre Communal d’Activités Génératrices de Revenus.

Délibération n°5 :

L’accueil des services publics en créole


Le Conseil municipal des Pauvres demande à toutes les administrations d’organiser l’accueil et les services au public également en créole.

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