Le Rectorat déloge les précaires

21 février 2008, par Edith Poulbassia

Les précaires ne se lassent pas. Ils ont mené hier une opération coup de poing avec les syndicats SGPEN-CGTR et FSU au Rectorat. Des tentes installées dans le hall du siège de l’Académie pour rappeler au recteur les promesses de Martin Hirsch. Mais le Rectorat continue à clamer son impuissance, notamment pour les TOS.

Les manifestants ont été délogés par les forces de l’ordre vers 11 heures. Pas de blessés, mais quelques personnes malmenées, dont une femme.
(photo Imaz Press Réunion)

Le hall d’entrée du Rectorat avait un air du Canal Saint-Martin. À peine le portail ouvert hier matin, à 7 heures, les précaires ont investi les lieux et installé 6 tentes rouges, couleur de la colère, de la révolte. Un clin d’œil au Haut commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté, Martin Hirsch, qui, le 11 février, a promis des CUI aux précaires. Un “Don Quichotte à la réunionnaise”, une opération coup de poing de la FSU et de la SGPEN-CGTR qui a surpris le Rectorat.

À l’arrivée du syndicaliste Patrick Corré, lequel n’a pas hésité à passer en force, l’accès au bâtiment a été définitivement interdit aux nouveaux arrivants, c’est-à-dire aux manifestants, et, fait nouveau, aux journalistes. Les précaires ont été reçus par Eugène Krantz, le Secrétaire général du Rectorat, avant d’être délogés par les forces de l’ordre vers 11 heures.

Pas de blessés, mais quelques personnes malmenées, dont une femme. « Zot i jèt a nou kom la mèrd, kom in kleenex. Regard mon bra koman lé rouge », déclarait-elle une fois à l’extérieur. Les services du Rectorat ont cessé de fonctionner. Les manifestants ont ensuite tenté de bloquer la circulation avenue Georges Brassens face à une quarantaine de CRS.

« Nous sommes venus bousculer ce beau monde »

Une trentaine à l’intérieur du Rectorat, une dizaine à l’extérieur. Les précaires, agents administratifs et TOS confondus, venus de Saint-Louis, Saint-Denis, Saint-André, n’ont pas voulu se contenter des déclarations de Martin Hirsch. « Malgré les engagements de Martin Hirsch, rien ne bouge. Nous sommes venus bousculer ce beau monde et mettre l’accent sur la précarité, dire que nous en avons marre », explique Patrick Corré (SGPEN-CGTR). En l’absence de Paul Canioni, Recteur de l’Académie, sur le départ pour Madagascar, une délégation de 7 personnes a obtenu une entrevue d’une demi-heure avec le secrétaire général.

Une fois de plus, rien de concret. « L’entretien s’est déroulé en deux temps, raconte Christian Picard. Nous avons d’abord évoqué ce que le secrétaire général a appelé les cas marginaux. Une dizaine de personnes certes, mais pour nous, ce sont des pères ou mères de famille qui ont perdu leur emploi. Il s’agit de personnes qui ont droit à la reconduction de leur contrat, mais qui subissent une décision arbitraire des chefs d’établissement ».

Allusion aux remplacements des CAV en poste par de nouveaux précaires. « Le Rectorat a envoyé un courrier aux chefs d’établissement pour leur demander de recruter de nouvelles personnes, alors qu’il est possible de garder les personnes déjà en poste, en attendant le CUI », explique Christian Picard. « Nous avons discuté des agents administratifs, comme les secrétaires qui travaillent depuis 10 ans, vacataires de droit public, qui bénéficient d’un niveau de compétence. Nous demandons à ce qu’ils réintègrent leurs postes. Puis, nous avons parlé de la mise en place de nouveaux contrats pour ceux qui ont le Bac. Ce sera fait aujourd’hui, nous a-t-on dit ».

Les syndicats ont ensuite abordé les promesses de Martin Hirsch. « Le secrétaire général a déclaré ne pas être au courant des 100 contrats pour l’Education nationale. Et pour la dérogation qui permettrait aux CAE de prétendre au CUI, il nous a dit que ce n’est pas possible. Enfin, nous avons exigé la reprise de toutes les personnes restées sur le carreau », conclut Christian Picard (FSU).

Edith Poulbassia


Témoignages

Monique*, 8 ans de précarité

« Nassimah Dindar m’a appelée personnellement un dimanche pour me promettre un poste »

Elle est au chômage depuis le 31 janvier 2008. Monique a derrière elle 8 années de travail précaire dans un collège. Elle nous raconte alors son raz le bol. Les promesses, elle en a plus qu’assez. L’année dernière, elle a vite déchanté.

« C’était un dimanche, la présidente du Conseil général m’a appelée en personne sur mon portable pour me promettre un poste. Je n’en revenais pas qu’elle prenne la peine de m’appeler comme ça. “Ce sont des petites choses que l’on peut régler par téléphone”, m’a-t-elle dit. Et j’y ai cru, nous confie la jeune femme.

Deux jours avant les élections législatives, c’est au tour de Jean-René Dreinaza de m’appeler. Il me dit : “Ou lé titulaire de out poste, moin mi mens pas. La présidente l’a écrit dessus le dossier” ». Monique poursuit : « Mais il m’a demandé de trouver des gens pour voter ».

Monique s’est quand même présentée au Conseil général lors des recrutements des TOS, en vain. « L’employé m’a expliqué que la décision ne dépendait pas que d’une personne. J’ai dû rappeler une centaine de fois Jean-René Dreinaza, mais il m’a répondu qu’il ne faisait pas partie du service de l’emploi ».

Depuis 8 ans, Monique tente de passer le concours de TOS en interne, mais sa candidature est refusée. Même sa demande de stage a été vaine. « Il nous reste les Prud’hommes pour obtenir gain de cause », conclut-elle.

EP

* Monique est un prénom d’emprunt


Lycée Sarda-Garriga à Saint-André

Le proviseur adjoint fait le service à la cantine

Quand le manque de personnel se fait sentir à la cantine, que faire ? Quand les 3 agents de restauration titulaires sur les 4 que compte le lycée sont en congés maladie et que les 3 autres agents précaires n’existent plus ?

« Le proviseur adjoint a servi les élèves à la cantine, puisque les 3 TOS précaires ont été remerciés. Les titulaires en congés maladie sont exténués par le travail en restauration et à l’entretien depuis qu’il y a 50% de personnel en moins dans le service », raconte un agent du lycée. « Pourtant, poursuit-il, le proviseur était au courant de l’absence des agents depuis 8 heures du matin. Il aurait pu prendre du personnel dans un autre service, je sais pas moi, à l’espace vert ou à la maintenance.

Ou alors, il aurait pu demander des repas froids et dire qu’il ne pouvait pas assurer le service à la cantine. Mais non. Tout s’est fait sans respect des règles d’hygiène et de sécurité. Il n’avait pas le matériel adéquat, il n’a pas passé de visite médicale pourtant obligatoire pour être agent de restauration ».

EP


Billet

La presse coupée en deux

Le Rectorat n’a vraiment pas apprécié cette opération surprise. Les journalistes en ont fait les frais. Ceux qui, très tôt le matin, avaient pu s’introduire avec les premiers manifestants sur place ont échappé à l’interdiction d’exercer leur métier. Les autres, “Témoignages” compris, le “JIR”, un des journalistes d’Antenne Réunion et RFO radio, se sont heurtés à un refus catégorique, ou plutôt à des refus, car ce n’est pas faute d’avoir insisté. « Nous avons reçu des ordres », jettent les gardiens devant ma carte de presse.

Prétexte avancé : vos collègues ont sauté les grilles. Et comme si cela ne suffisait pas, mon collègue du “Quotidien” a été accusé d’avoir ouvert le portail au syndicaliste Christian Picard, alors que nous ne faisions que discuter ensemble à travers les grilles. Une fois le Rectorat évacué, le secrétaire général nous invite à le rejoindre pour une interview. Refus, cette fois des précaires. Ah, la liberté de la presse, le droit à l’information !

EP

Luttes pour l’emploi

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Messages

  • je le dis et redis, un galet, une boite de lait concentré...cela aura quand même plus d’effets dans les médias nationaux. la forme parfois, a plus d’impact que le fonds ! à méditer...


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