Association Agir pou nout tout

Le Revenu de Solidarité Active, inadapté à l’urgence sociale de la Réunion

14 octobre 2008, par Edith Poulbassia

Le Revenu de Solidarité Active devrait remplacer les minima sociaux, dont le Revenu minimum d’insertion, en 2010 à la Réunion. Objectifs, simplifier le dispositif d’insertion, inciter à la reprise d’emploi, et lutter contre la pauvreté au travail. L’association Agir Pou Nout Tout est chaque jour au contact des chômeurs, des allocataires de minima sociaux, et des travailleurs en situation de précarité. Pour Jean-Hugues Ratenon, l’Etat a tout faux avec le RSA.

Quel regard portez-vous sur plus de 25 ans de politique d’insertion à la Réunion ?
- On peut constater qu’en 20 ans, le nombre de demandeurs d’emploi n’a cessé d’augmenter, le chômage de masse s’est installé depuis 20 ans. Aujourd’hui, aucune perspective n’est annoncée par le gouvernement, il n’y a aucune visibilité de la part des acteurs locaux.
L’Etat a mis en place un certain nombre d’outils, comme le Revenu minimum d’insertion, ce qui a permis à des personnes de sortir de la misère, d’envoyer leurs enfants à l’école, de vivre dans la dignité. Nous sommes conscients de cet aspect positif pour la société. Mais en même temps, nous n’avons pas réglé le problème des 70.000 érémistes, soit un tiers de la population avec les ayant droit.

RMI, API(allocation parent isolé), contrats aidés, et maintenant RSA et CUI(contrat unique d’insertion). A votre avis, la réforme constitue t-elle une vraie rupture avec cette politique d’insertion ?
- Non. Nous restons dans la continuité de la politique d’insertion. C’est dommage d’en arriver à ce constat. On peut dire d’emblée que le Revenu de Solidarité Active va échouer, même s’il va améliorer le pouvoir d’achat de ceux qui accéderont à un emploi.
A la Réunion, le problème du travail n’est pas celui de l’incitation mais du manque d’emplois. L’économie n’arrive pas à absorber la masse de chômeurs, et la population active qui augmente chaque année avec les jeunes diplômés ou non.
On peut se demander si le gouvernement est prêt à appliquer un Revenu de solidarité spécifique à notre situation, sans faire de copier-coller comme il le fait actuellement avec le CUI, ou encore le RMA (revenu minimum d’activité).

Le RSA ne vous semble donc pas adapté à l’urgence sociale de la Réunion : 52% de la population en dessous du seuil de pauvreté et contexte de vie chère ?
- La situation économique de la Réunion est difficile. Notre niveau de croissance est déjà très élevé, pourra t-on aller plus haut ? Des milliers de jeunes arrivent sur le marché de l’emploi chaque année. Dans ce système, le RSA ne fonctionnera pas. L’économie marchande ne crée pas suffisamment d’emplois. Mais il y a des pistes à creuser. Je pense aux services à la personne, au développement durable, à l’élimination et la gestion des déchets. Aux politiques de voir comment répondre à ces besoins. On ne doit pas tourner le dos à l’emploi dans le secteur non marchand.
Nous avions proposé de mettre en place une Conférence permanente pour l’emploi, afin d’établir un plan réunionnais avec toutes les volontés politiques.

Le RSA se fixe 3 objectifs : simplifier le dispositif, inciter à la reprise d’activité, et lutter contre la pauvreté au travail. L’Etat n’entretient-il pas ainsi les bas salaires et les temps partiels imposés ? Ne permet-il pas au système de perdurer en exemptant les entreprises de ses obligations : offrir un travail décent, et donc un salaire décent, à leurs employés ?
- Nous ne pouvons qu’être d’accord avec ces objectifs affichés. Mais nous savons très bien qu’ils ne correspondent pas tous avec la réalité réunionnaise. Nous l’avons dit, il s’agit surtout d’une pénurie d’emploi et non d’un besoin d’incitation financière.
La lutte contre la pauvreté passe en effet par la garantie d’un salaire satisfaisant, grâce à une politique de partage des richesses. Il est de la responsabilité de l’Etat de créer les conditions de ce partage au sein de l’entreprise. L’Etat doit se donner les moyens de contrôler les bénéfices des entreprises. Dans une société comme la Réunion, il y a la pression de l’offre et de la demande. Les employés ne sont pas en position de force pour exiger des patrons des salaires décents.
Si l’Etat veut véritablement éviter qu’il y ait des travailleurs pauvres, il n’a qu’à mener une politique pour la hausse du pouvoir d’achat. D’abord, en garantissant la transparence de la formation des prix, et en sanctionnant les abus. Ensuite, en augmentant le Smic, et les autres salaires suivront.

Application du RSA seulement en 2010 à la Réunion, au lieu de juin 2009 comme en métropole. Qu’en pensez-vous ?
- La Réunion est un département français. Sur ce principe, je ne vois pas pourquoi le RSA serait appliqué plus tard chez nous. Mais, si l’on tient compte de notre spécificité, je crois que le RSA ne doit pas être appliqué de façon identique pour atteindre ses objectifs.

EP

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Messages

  • Il y a toujours eu un problème de chômage à la Réunion, ce n’est pas nouveau à ce jour ---oui, mais voilà autrefois c’était pendant l’inter campagne sucrière. Pendant cette période les salariés à la recherche d’un emploi trouvaient à s’employer dans d’autres stuctures locales, d’autres services ou encore d’autres occupations diverses.

    Or aujourd’hui et surtout depuis la création du RMI la situation n’a fait qu’empirer, même pendant la campagne sucrière les Employeurs ont du mal à trouver de la main-d’oeuvre disponible. Incroyable...et pourtant...

    Ici, dès que quelqu’un émet une solution pour tenter de résoudre ce problème crucial type RSA(Revenu de Solidarité Active) RMA (Revenu Minimum d’Activité), on sort tout de suite l’Artillerie lourde, le Bazooka genre ; Spécificité de notre situation, cela ne marchera pas, il n’y a qu’à....il faut qu’on...on aurait dû....etc...etc...etc

    Alors, que faire ? quoi faire ?? sinon attendre...attendre, toujours attendre, pour ceux qui croient encore...aux Miracles.


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