Greve dans l’Éducation nationale, le 15 mai

Le SNES et la FSU mobilisent fortement

14 mai 2008

A deux jours de la journée nationale de grève et d’action dans l’Education nationale, le plus gros du travail de mobilisation des enseignants est fait. Une réunion “inter-établissement” s’est tenue hier au lycée Jean Hinglo, au Port, pour faire le point sur les motivations à la grève dans un contexte jugé très dégradé.

Après deux mouvements nationaux auxquels ils n’ont pu se joindre pour cause de vacances, les enseignants de La Réunion - et pas seulement les syndiqués, selon ces derniers - affichent une forte motivation et attendent de la journée de mobilisation du 15 mai - qui survient après l’annonce de nouvelles suppressions de postes - un rebond vers l’espoir.
L’espoir, ce serait un système d’enseignement façonné par le gouvernement avec autre chose que les « coups de massue » actuellement assénés à tout le monde : élèves, enseignants, parents d’élèves, équipes éducatives voient arriver ce qu’on leur présente comme des « réformes » et qui se traduisent par autant de « catastrophes » dans les établissements.
« Ce qui est en train de se passer est d’une exceptionnelle gravité. Pas même à la fin des années 70, aucun gouvernement n’en est arrivé à supprimer 1 poste sur 10 », ont constaté les responsables départementaux de la FSU Hélène Dor et Philippe Azéma.
La dizaine d’enseignants réunie hier avec eux, représentant plusieurs établissements de la pointe nord-ouest de l’île - les collèges et deux écoles primaires du Port, le lycée Hinglo et le lycée Evariste de Parny (Saint-Paul) - a résumé les raisons du fort et large mécontentement qui, selon eux, traverse le monde de l’Education et devrait déboucher jeudi sur « une très forte mobilisation ». Dans l’Ouest et dans le Sud, d’où elle est partie, cette mobilisation se prépare activement depuis avril.
Les causes de cette révolte sourde ? « Cela tient aux suppressions de postes, bien sûr. Personne ne comprend comment on va faire mieux avec moins de postes. Mais cela tient aussi aux modifications introduites dans les établissements ; les “écoles ouvertes” pendant les vacances donnent un aperçu de ce que pourrait être une “externalisation” du système scolaire. D’autres éléments - touchant au statut, aux conditions d’enseignement - concourent à donner au corps enseignant le sentiment qu’il est question de démolir l’unité et l’homogénéité du système français, un système auquel ils sont attachés, non par corporatisme mais parce qu’il est démocratique », expose Philippe Azéma.

Tout le personnel est concerné

Un enseignant du lycée Evariste de Parny, où s’est tenue hier matin 1 h d’information syndicale suivie par près de 30 enseignants, explique qu’après la suppression de 50% des emplois administratifs du lycée, « beaucoup de choses ne marchent plus » dit-il. « Nous ne trouvons plus d’interlocuteur pour organiser une sortie, ou pour préparer une activité. Les enseignants ressentent cela comme une atteinte à leurs conditions de travail » poursuit-il.

Au collège Le Toullec (Port IV), une enseignante fait part de l’effarement de ses collègues devant les mesures prises pour “l’accompagnement éducatif”. « On ouvre la porte à l’externalisation de l’enseignement, mais dans un dispositif très flou. C’est du bricolage » dit-elle.
A Jean Hinglo, le responsable d’établissement a proposé aux professeurs un quota de 30 heures supplémentaires... qu’ils ont poliment refusé. « C’est énorme 30 h, on pourrait créer deux postes avec. A la place, elles vont être regroupées pour l’embauche d’un ou deux contractuels. Il y aura bien un enseignant, en situation précaire, et pas de poste ! Et c’est une situation généralisée ».
Les suppressions de poste affectent aussi l’école primaire, où disparaissent certaines qualifications : les maîtres du soutien ou les psychologues scolaires.

Mais « le système le plus dangereux du monde », selon Hélène Dor, est ce que le gouvernement appelle « l’assouplissement de la carte scolaire ». Ajouté à « l’autonomie des établissements », il constitue la pierre angulaire de ce que les enseignants dénoncent comme une déconstruction d’inspiration libérale : les chefs d’établissements sont libres de recevoir dans leur établissement, s’il a bonne réputation, des enfants dont les parents demanderont une dérogation à la carte scolaire. « C’en est fini de l’unité du système français d’éducation. De fait, il va s’opérer un tri scolaire et on va repartir vers les années sombres, avec, au bout, des émeutes d’enfants défavorisés coincés dans des ghettos scolaires » a pronostiqué Philippe Azéma. « Ce sera peut-être euro-compatible, mais l’unicité du système français est véritablement menacée et rien ne dit que les enfants en sortiront bénéficiaires », estiment unanimement les enseignants syndiqués à la FSU, « parce qu’à termes, cela va se traduire par des enseignements sacrifiés ». Avec d’autres, ils disent leur attachement aux programmes nationaux et au recrutement sur concours, comme garantie d’homogénéité et de qualité du système d’enseignement. « On nous dit que ce n’est pas “moderne” ! Mais si la “modernisation” consiste à liquider l’école républicaine, alors oui, nous sommes attachés à un système enseignant plus homogène. Et tant que cette question (quel système éducatif pour la France ? - Ndlr) ne sera pas résolue, ça va péter tout le temps. On nous impose une contraction du système éducatif qui ne correspond pas à la situation des établissements » a poursuivi le responsable syndical.
Vouloir conduire un % d’une classe d’âge au baccalauréat (80% avait dit Lionel Jospin), c’est au contraire s’inscrire dans un système en expansion et cela ne peut se faire n’importe comment. « La demande qualitative passe nécessairement par du quantitatif » ont dit les enseignants.

L’ensemble de ces facteurs de dégradation des conditions de travail dans les établissements, et l’annonce de 11.200 suppressions de postes (sur l’ensemble de la France) pour commencer - puis 18.000 à la prochaine rentrée puis encore 20.000 tous les ans - tout cela a généré un mécontentement général, qui devrait s’exprimer massivement jeudi. C’est du moins ce que promettent les syndicats enseignants, qui veulent apporter une réponse à la mesure des dégradations subies. « Nous voulons bien voir une certaine cohérence, dans l’alignement sur d’autres systèmes européens, mais la mise en œuvre est brouillonne, désordonnée, peu réfléchie. Et le pire est qu’il n’est pas sûr que le gouvernement maîtrise les conséquences des décisions qu’il est en train de prendre » a ajouté un enseignant.

P. David


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus