Au-delà des effets d’annonce du gouvernement

Les acquis sociaux toujours plus krazé

31 juillet 2004

Mercredi dernier, lors d’une conférence de presse, le Premier ministre a fixé le cap de la politique sociale qu’il compte mener. Apparemment, rien de bien nouveau : la casse des acquis sociaux continue tandis que l’amnistie est souhaitée pour les riches fraudeurs. Les attaques contre les 35 heures se précisent, les travailleurs payés au salaire minimum n’auront droit qu’à une augmentation symbolique, et des milliers de postes seront supprimés dans la fonction publique.

Mercredi lors d’une rencontre avec la presse, Jean-Pierre Raffarin a fait état de ses projets pour les mois qui viennent. Répondant aux questions des journalistes, le Premier ministre a ensuite abordé des problèmes concrets, qui concernent en particulier les travailleurs les moins favorisés. En premier lieu, la question du SMIC montre que les travailleurs payés au salaire minimum n’ont pas grand chose à espérer de ce gouvernement : 4% d’augmentation cette année et autant douze mois plus tard au lieu des 8% annoncés pour 2003. Dans le même temps, on reparle d’une amnistie fiscale sous forme d’une taxe libératoire de 10% à 20% des capitaux expatriés de manière illégale, ce qui est au fond un nouveau cadeau fiscal pour les nantis, mais cette fois-ci, ce sont les fraudeurs qui en bénéficieraient.
Ainsi va le gouvernement Raffarin qui, tout en faisant miroiter l’amnistie fiscale aux détenteurs de capitaux frauduleusement placés à l’étranger, se prépare donc, sous prétexte d’austérité budgétaire, à priver les smicards d’une augmentation de leur maigre revenu. Même si la décision n’est pas définitivement arrêtée, le Premier ministre a confirmé hier son intention de revenir sur l’une de ses promesses, censée refléter son ambition sociale. La loi Fillon de 2003 avait prévu d’harmoniser, au plus tard en 2005, les six SMIC engendrés par l’application des 35 heures. Cela au moyen de trois augmentations successives du SMIC horaire.

Économies sur le dos des travailleurs

Parallèlement, et pour complaire au MEDEF, de nouveaux allégements de cotisations sociales, jusqu’à hauteur de 1,7 SMIC, devaient être octroyés aux entreprises. Le 1er juillet 2005, pour la troisième et dernière fois, le taux horaire du SMIC devait donc augmenter de 3,7% (hors inflation), et les patrons devaient bénéficier en contrepartie de 2,4 milliards d’euros d’allégements de charges supplémentaires. À la recherche d’économies pour respecter leur objectif de ne pas augmenter, en volume, les dépenses de l’État en 2005, Raffarin et Sarkozy ont choisi d’étaler sur deux ans, jusqu’en 2006, ces allégements ainsi que la hausse du SMIC correspondante.
Le gouvernement va ainsi économiser 1,2 milliard d’euros sur le dos des travailleurs les moins payés, et les smicards attendront un an de plus la pleine réalisation de l’engagement pris par Fillon. Le coup est d’autant plus dur qu’il frappe, parmi l’ensemble de la population des quelque 2 millions de smicards, ceux qui, restés à 39 heures et payés à l’heure, travaillent le plus et gagnent le moins. Étrange façon de conduire la "revalorisation du travail", dont Jean-Pierre Raffarin a, paraît-il, fait une priorité.


An plis ke sa

35 heures : danger confirmé
Autre sujet abordé : la remise en cause des 35 heures. Pour Jean-Pierre Raffarin, "nous devons poursuivre l’action d’assouplissement qui a déjà été engagée". On sait que les entreprises de moins de vingt salariés connaissent un régime spécifique : au-delà de 35 heures et jusqu’à 39, les heures supplémentaires sont payées 10% en plus, au lieu de 25%.
Le rapport parlementaire aux orientations ultra libérales, rédigé par les députés Hervé Novelli et Patrick Ollier, préconise d’étendre cette disposition aux grandes entreprises. "Ce n’est qu’une hypothèse", s’est empressé mercredi d’ajouter Jean-Pierre Raffarin, alors que la veille, il vantait la qualité de ce rapport. "Les 35 heures ont tué la croissance à partir de l’an 2000", avait-il dit ce jour là à l’Assemblée.
Alors qu’en Europe certains patrons multiplient les chantages au licenciements massifs pour convaincre les salariés d’accepter de travailler plus, et donc de produire davantage, pour le même salaire, le chef du gouvernement prouve là qu’il se situe dans le même courant ultra libéral : le profit à tout prix.

Suppressions de milliers de postes
Jean-Pierre Raffarin a éludé les modalités concrètes de ces dogmes libéraux, en particulier les 8.000 à 10.000 postes qui, selon le ministre Renaud Dutreil, seraient supprimés dès 2005 dans la fonction publique. Le Premier ministre fixe le cap : "Nous baisserons de plusieurs milliards d’euros nos déficits, par la maîtrise des dépenses publiques et par la croissance et l’activité". Dans un tel contexte, le gouvernement assumera-t-il une de ses responsabilités envers les Réunionnais : garantir le rattrapage en terme d’effectifs et d’équipements dans la fonction publique ?


Quelques réactions

Les réactions aux propos tenus par Jean-Pierre Raffarin en conférence de presse dénoncent une nouvelle escalade dans la casse sociale. Par la voix de Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire aux entreprises, et Éric Besson, secrétaire à l’économie et à l’emploi, le Parti socialiste qualifie de "mesurettes aussi injustes qu’inefficaces" les annonces de Jean-Pierre Raffarin. Le PS prévoit que les mesures concernant les 35 heures ne feront "qu’amplifier la précarité du travail", dénonce les suppressions de postes dans la fonction publique et "le report d’un an de l’harmonisation du SMIC".
Le PCF, dans un communiqué, estime que le cap de la politique de Jean-Pierre Raffarin est clair : "tout pour le MEDEF, tout pour la finance, rien pour les salariés". Le PCF dénonce "le report à 2006 du délai légal pour l’harmonisation du SMIC" : "un nouveau coup de bambou au pouvoir d’achat". Il ajoute que "Jean-Pierre Raffarin taille dans les dépenses utiles en supprimant 8.000 emplois de fonctionnaires dont plus de 3.000 au sein de l’Éducation nationale".
Pour Alain Guinot, membre du bureau confédéral de la CGT, "la France d’en bas pleure" et "la France d’en haut se frotte les mains", dit-il à propos de l’étalement de la hausse du SMIC et de l’amnistie fiscale pour les capitaux fraudeurs. Jacky Bontems, secrétaire général adjoint de la CFDT, affirme que sa confédération "s’oppose fermement à la proposition d’un étalement sur deux ans de l’harmonisation des SMIC" et "rejette l’hypothèse de l’extension aux grandes entreprises des règles en vigueur dans les entreprises de moins de 20 salariés en matière de temps de travail et de majoration des heures supplémentaires".
Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU regrette "l’apologie d’une politique marquée par les coups de force, l’absence de dialogue social et les régressions qualifiées de réformes". "Cette rupture des engagements sur la hausse du SMIC augure très mal de la politique salariale du gouvernement et des négociations, à la rentrée, sur la revalorisation des salaires dans la fonction publique", précise le responsable syndical. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, estime que "si on regarde précisément tous les dossiers économiques et sociaux qui ont été abordés par le Premier ministre, on ne ressent que de l’inquiétude ou du mécontentement". Quant à Jacky Dintinger, secrétaire général de la CFTC, il relève que le Premier ministre "s’est auto délivré un bulletin scolaire avec beaucoup de bonnes notes, que les Français lui refusent".

(Source : "L’Humanité")


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