Troisième conférence de l’Appel de l’Ermitage

Les activités génératrices de revenus

9 septembre 2013, par Céline Tabou

Le Comité de l’Appel de l’Ermitage a tenu dimanche 8 septembre à Trois-Bassins, près de la montée Panon, sa troisième conférence sur la pauvreté et les solutions possibles pour sortir les 42% de Réunionnais vivant sous le seuil de pauvreté.

Hier à Trois-Bassins, la dernière conférence intitulée "Les AGR pour sortir de la pauvreté" a mis en avant les possibilités pour les Réunionnais de créer leur activité. Les Activités génératrices de revenus (AGR) peuvent permettre aux pauvres, mais aussi aux jeunes et aux personnes sans emploi de créer leur emploi et ainsi leur ressource.

Un comité actif contre la pauvreté

Des personnes « démunies et non pauvres », comme l’a précisé Laurent du Port, sont venues de toute l’île pour échanger et partager leurs expériences. La première réunion a eu lieu à l’Ermitage-Saint-Paul, à la veille du 20 décembre 2012, afin de « lancer un appel en faveur de l’abolition de l’extrême pauvreté à La Réunion, avant 2015 » .

Conformément aux engagements de la France à adopter les Objectifs du Millénaire pour le Développement 2015, à l’ONU en l’an 2000, le Comité demande l’abolition de l’extrême pauvreté, à l’instar de l’abolition de l’esclavage.

Dans un appel, le Comité met en avant six points essentiels pour réduire la pauvreté : procurer un « reste à vivre » supérieur à 10 euros par jour à chaque Réunionnais, soit 300 euros mensuels, nets de charges ; effacer la dette des plus pauvres ; proposer à chacun un logement adapté, digne et décent ; supprimer la loi qui oblige les enfants à rembourser l’allocation vieillesse des parents ; assurer à chacun une activité de proximité qui leur permettra d’avoir une retraite décente ; et sortir de la pauvreté par le développement des AGR.

Depuis sa création, plusieurs comités locaux ont été créés dans l’île, de Saint-Paul (ville) à Trois-Bassins en passant par Plateau Caillou (Saint-Paul), Le Port, Saint-André, Saint-Pierre et Le Tampon. « La création de quatre autres comités est programmée d’ici à fin septembre », a précisé l’un des responsables du Comité. De plus, le 19 mars 2013, le Comité a déposé à la Préfecture un courrier pour le Président de la République, afin qu’il prenne « six décisions politiques primordiales » pour l’abolition de l’extrême pauvreté d’ici 2015.

Parmi les actions du Comité, 3.000 signatures ont été remises aux Député européen Younous Omarjee pour « protester contre la réduction du Fonds européen d’Aide aux plus Démunis, le 04 juin 2013 ». Le Comité a participé, avec 13 autres associations, à « la revendication du maintien du RSTA et la tenue d’une table ronde sur le sujet, le 10 juin 2013 » et réuni le 1er Conseil municipal des Pauvres, qui a adopté 5 délibérations, le jour du 4 août 2013, et élu Gilmée Vochré maire des Pauvres.

Six conférences pour « former et informer » la population

Le cycle de conférences, nommé “Après l’abolition de l’esclavage, abolissons l’extrême pauvreté à La Réunion, avant 2015 !”, s’est déroulé dans plusieurs communes de l’île, afin de « former et d’informer les pauvres sur les moyens d’abolir l’extrême pauvreté à La Réunion, avant 2015 ». La première conférence sur “L’extrême pauvreté, et la revendication d’un ‘reste à vivre’ de 10 euros par jour par Réunionnais” s’est déroulée le 20 juillet 2013 au Comité du Port. À cette occasion, le Comité a appelé « les pauvres à prendre le pouvoir pour abolir l’extrême pauvreté ».

Ensuite, le 17 août 2013, au Tampon, les débats sur la “Solidarité générationnelle, et la suppression de la loi qui oblige les enfants à rembourser l’allocation vieillesse de leurs parents” a mis en avant « la détresse des pauvres qui ont eu un jour l’espoir de transmettre un petit patrimoine à leurs enfants ». En effet, « la loi prive leurs descendants du fruit de leur vie d’efforts, ou les contraint à vivre dans la plus grande misère ».

Ce dimanche 8 septembre, à Trois-Bassins, la conférence sur “Les AGR pour sortir de la pauvreté” a réuni de nombreuses personnes venues écouter les témoignages de l’association Femmes Solidaires pour l’emploi et de l’association Déclic Solidarité Krénos.

Selon les organisateurs, deux autres conférences seront prévues jusqu’à décembre 2013 sur "Un logement décent pour tous et pour chacun" et sur "L’effacement de la dette des pauvres".

Fait le plus marquant de ces actions, la tenue du premier Conseil municipal des Pauvres, qui a adopté 5 délibérations, lues par Raïssa Noël ce dimanche. Le Conseil municipal des Pauvres demande « à toutes les collectivités de La Réunion d’inscrire en priorité de leur prochaine assemblée l’abolition de l’extrême pauvreté à La Réunion, avant 2015 », « d’abolir les indemnités des élus et de transférer l’équivalent de ce budget dans un fonds pour la création d’activités en faveur des plus les pauvres ».

Le Conseil municipal des Pauvres demande également que « la représentation sociale soit respectée lors de la constitution des futures listes électorales municipales, c’est-à-dire que la moitié des candidatures soient des pauvres » et « de créer un Centre communal d’Activités Génératrices de Revenus ».

Enfin, le Conseil municipal des Pauvres demande « à toutes les administrations d’organiser l’accueil et les services au public également en créole ».

Correspondant

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Tirer les leçons des témoignages

« Les pauvres ne veulent plus pleurer sur leur situation. Nous nous rassemblons. Nous recherchons ensemble des pistes de solutions. Ensemble », ont indiqué Raïssa Noël et Frédérique Técher, qui ont rappelé les objectifs fixés par le Comité de l’Appel de l’Ermitage. « Nous allons définir un cadre de référence pour la création et l’évolution des AGR en faveur des chômeurs et des pauvres », ont-elles affirmé. Ce cadre devra « être souple et facile à mettre en œuvre » à partir d’un « modèle de référence : chômeur, pauvre et illettré ».

Les deux jeunes femmes ont rappelé que « si nous sommes dans cette situation, c’est qu’au moment de l’abolition de l’esclavage, les propriétaires d’esclaves ont eu des indemnités. Les esclaves n’ont rien eu, ni argent, ni terre, ni logement ». « Obligés de retourner chez le maître, l’esclave et sa famille étaient à son service. Pour s’occuper du maître et de sa famille, il fallait de la force, du courage et du talent. Les esclaves pauvres et illettrés avaient beaucoup de qualité... pour les autres, mais pas pour eux ».

Le Comité a demandé un rendez-vous à François Chérèque, missionné sur la pauvreté, en présence de Gilmée Vochré, afin de lui « apporter nos propositions. Si possible, nous invitons tous les partenaires de la lutte contre la pauvreté à agir ensemble. Tout le monde n’est pas obligé d’être d’accord avec ce que nous proposons pour abolir la pauvreté, mais c’est la démarche qui compte ».

Pour conclure cette conférence, « nous demandons aux institutions actuelles, qui ont montré leurs limites, car elles ne peuvent plus répondre aux besoins élémentaires des chômeurs, des pauvres et des illettrés... de ne pas bloquer les initiatives citoyennes ». Raïssa Noël a indiqué que « nous disons aux personnes qui ont enlevé 13 emplois aux femmes de l’association Déclic de Trois-Bassins d’arrêter leurs nuisances ». Cette dernière a pointé du doigt un « pouvoir dérisoire » équivalent à celui « que les esclavagistes avaient sur les esclaves, pauvres et illettrés » .

Les deux jeunes femmes ont affirmé : « Nous, nous sommes solidaires de Simone Yee Chong Tchi Kan qui a été trainée au tribunal pour diffamation, pour avoir aidé les treize femmes à retrouver leurs emplois. Les juges ne se sont pas trompés : aucune charge n’a été retenue contre elle ». « Pourtant, le maire de Trois-Bassins et sa première adjointe ont fait appel de la décision du tribunal. Ne soyez pas complices des privilégiés qui construisent des digues administratives pour protéger leur peur de perdre leur petit pouvoir dérisoire. L’un des objectifs des OMD pose justement les bases d’un État de Droit et le respect des règles démocratiques », ont-elles conclu.

Exemple de la SCOP Koud’Mains Services

Juan Lugdamis a expliqué que « le projet de création de cette entreprise de services à la personne repose sur trois constats majeurs ». Tout d’abord, « la nécessité d’apporter une réponse alternative aux besoins des particuliers à domicile » , ensuite la « complémentarité de compétences individuelles spécifiques associée au goût partagé dans les diverses activités de services à la personne a fortement contribué à la retenue de ce projet », et enfin, la mise en place d’une « passerelle de solidarité entre deux populations : l’une à cause de ses attentes et besoins, et l’autre à cause de sa précarité et correspond à la fois aux centres d’intérêt du groupe et à un réel marché ».

Pour le jeune homme, « faire le choix d’une SCOP, c’est avant tout faire le choix du partage et de la confiance aux salariés », car il s’agit d’une « entreprise comme les autres, avec les mêmes impératifs de rentabilité. La grande différence, c’est que ses actionnaires sont également ses salariés ». Cette entreprise est basée sur le principe « une personne = une voix ». « Des emplois pérennes, c’est possible. Des exemples, il n’en manque pas, notamment à travers l’environnement », a-t-il indiqué.

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