« Les caisses sont vides » ?

Voici pourquoi...

30 mai 2008

Ce discours mesquin tenu par nos dirigeants devient de plus en plus insupportable quand on sait que, chaque année, 90 milliards de recettes fiscales échappent à nos finances publiques et que, contre cela, le gouvernement se garde bien d’agir.

Tout juste fait-il semblant (comme il fait semblant de lutter contre le chômage) : au lieu de s’en prendre à la grande fraude fiscale et sociale qui représente quelque 40 milliards d’euros de perte annuelle pour l’Etat, il focalise sur la petite fraude aux prestations sociales - CAF, Sécu, Assedic - qui n’en représente que 1,5 milliard maximum (et au lieu de contraindre les employeurs qui sous-paient, précarisent et licencient, il préfère contraindre les privés d’emploi) !

Pourquoi ? Parce que la stigmatisation des faibles est un précieux écran de fumée qui sert à détourner les regards du déséquilibre croissant - et organisé - de la répartition des richesses : comme le chômage profite aux entreprises et à leurs actionnaires, la fraude fiscale et sociale profite à une élite qu’il n’est pas question d’incommoder.

Fraude aux prestations sociales. Dans le détail, selon “Alternatives Economiques” :

- fraude à la CAF = 35 millions en 2006

- fraude à l’assurance-chômage = 140 millions en 2006

- fraude à l’assurance-maladie = 116 millions en 2007
En admettant que ces organismes n’identifient qu’une part limitée de la fraude et que celle-ci s’élève à deux, voire trois fois les montants détectés, on n’atteindrait pas le milliard d’euros, note Philippe Frémeaux. Un montant à rapporter aux 500 milliards (25% du PIB) redistribués chaque année par l’ensemble des régimes sociaux, dont on rappelle qu’ils font partie de notre système de protection sociale par répartition : ils ne sont pas financés par l’impôt et n’ont rien à voir avec lui.

Fraude fiscale et sociale. Dans le détail, selon les estimations du rapport de février 2008 du Conseil des prélèvements obligatoires :

- fraude à l’Urssaf = 13,1 milliards

- fraude à la TVA = 12,4 milliards

- fraude à l’impôt sur les sociétés = 4,6 milliards

- fraude à l’impôt sur le revenu = 4,3 milliards

- fraude à l’ISF = 2,8 milliards

- fraude aux impôts locaux = 1,8 milliard
Selon le Syndicat National Unifié des Impôts (SNUI), l’étendue de ces détournements monterait même à 50 milliards. Il y a de quoi faire, non ?

Pourtant, ce n’est pas de cela dont parle Nicolas Sarkozy quand il annonce engager un « gigantesque plan contre la fraude » : il n’entend s’attaquer qu’aux allocataires de prestations sociales, chômeurs et érémistes en tête, c’est-à-dire aux victimes du système économique inégalitaire qu’il prône.

Voyez, aussi, l’exemple des 359 niches fiscales que Christine Lagarde, à la demande de la députée UMP Chantal Brunel, devait réviser. Là aussi, on évalue le manque à gagner à 50 milliards par an pour l’Etat, soit l’équivalent de son déficit public 2007 ! Tout ça pour qu’une poignée de riches contribuables échappent à l’impôt. Eh bien, sur ce projet aussi juste qu’ambitieux, la ministre de l’Economie a reculé !!! Est-ce bien étonnant de la part d’un gouvernement qui s’est empressé de voter un "paquet fiscal" (15 milliards d’euros aux plus aisés alors que « les caisses sont vides ») et son "bouclier" magique afin de protéger les nantis de la solidarité nationale ?

Donc, parce que « les caisses sont vides » et qu’« il faut réduire les dépenses publiques », on va supprimer un poste de fonctionnaire sur deux. Pour 22.700 emplois sacrifiés en 2008, l’économie réalisée pour l’Etat sera « de 700 à 800 millions d’euros en année pleine », selon le ministre du Budget, Eric Woerth. Autrement dit, une paille ! S’il faut se battre pour tenter de sauver le service public et ses emplois des assauts d’un Etat-employeur qui se comporte comme le pire des patrons, il vaut beaucoup mieux combattre le mal à la racine. Et les racines du mal se cachent - entre autres - dans les politiques fiscales.

Mais, au-delà de cette fraude fiscale et sociale qui nous ronge, un autre phénomène beaucoup plus grave sévit à échelle mondiale : la fraude internationale qui prospère par le biais de 72 paradis fiscaux. Le coût total estimé de ces évasions s’élève à 11.000 milliards de dollars pour les richissimes particuliers (comme Johnny Hallyday ou les Rolling Stones), au moins autant pour les florissantes sociétés (dont Mittal) qui font appel à leurs "services", avec la complicité des banques et des avocats. Si le système perdure, les pays en voie de développement auront du mal à émerger, tandis que les pays développés auront du mal à maintenir très longtemps le niveau de leurs dépenses publiques.

Correspondant

Source : Actuchomage.org


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