1er Mai unitaire : au cœur des inquiétudes des travailleurs

« Les droits sociaux que nous avons aujourd’hui, les aurons-nous demain ? »

30 avril 2007

Demain, mardi 1er mai, l’Intersyndicale CGTR-CFDT-CFTC-UNSA-Solidaires sera à 9 heures au Petit Marché de Saint-Denis, point de départ de la marche annuelle des travailleurs jusqu’à la Préfecture. Après 5 années de réformes sociales engagées au forceps, le scrutin présidentiel et l’éventuelle poursuite de cette politique de casse sociale suscitent les plus vives inquiétudes.

Mêmes revendications, même combat pour la défense des intérêts des travailleurs : ce 1er mai sera encore marqué cette année à La Réunion par une mobilisation quasi unitaire des syndicats. Défense du travail, du service public, des salaires, des retraites, du congé solidarité... : une Fête du travail marquée par de nombreuses revendications pour lutter contre la remise en cause des acquis sociaux.

Plus de justice et d’égalité sociales

La réforme de l’Ecole marquée par la loi Fillon et le CPE ; celle de la Sécurité sociale visant à « responsabiliser » les usagers alors que le budget d’exonération de charge patronale a été transféré sur les comptes de la Sécu ; le rallongement des annuités de travail pour financer les retraites au détriment de la création de nouveaux postes ; le nouveau régime de financement du chômage avec objectifs chiffrés et réduction des listes de demandeurs d’emploi ; les intermittents, la loi de Finances et la non reconduction d’un poste de fonctionnaire sur deux... les réformes qui ont conduit les travailleurs comme l’ensemble de la population dans les rues sont nombreuses.
Alors non, les syndicats ne donnent pas de consignes de vote, mais suggèrent simplement de se méfier des discours de fin de campagne pour se référer aux faits, dresser le bilan de la mandature sortante et s’interroger sur le modèle de société à défendre pour demain, celui qui favorisera plus de justice et d’égalité sociales. Ivan Hoareau, Secrétaire général CGTR, souligne qu’il n’existe pas aujourd’hui une crainte majeure, mais un faisceau de craintes qui laissent augurer « la poursuite et l’aggravation de la politique d’inégalités sociales, de casse sociale en France ».

« 2007-2008 risque d’être l’année de tous les dangers... »

« Pendant 5 ans, les gens, les travailleurs ont eu à souffrir d’une politique sociale particulièrement difficile (...). L’Intersyndicale craint la continuité de cette politique anti-sociale », soutient également Jean-Louis Belhôte, Secrétaire régional CFDT.
Les propositions et perspectives d’un service public minimum, de contrats type CPE, alors que le CNE est toujours en place, le non remplacement des départs à la retraite dans la fonction publique... l’avenir social de la France s’annonce sous de sombres hospices. « 2007-2008 risque d’être l’année de tous les dangers au niveau social avec, en 2008, la question des retraites remise sur la table, poursuit le syndicaliste. Quel que soit le résultat des élections, mais si d’un candidat à l’autre les choses ne seront pas pareilles, nous resterons vigilants ». Et en premier lieu sur le congé solidarité, un chantier que l’Intersyndicale compte bien aborder de nouveau et rapidement. « Dans une société qui favoriserait le tout économique, l’ultra-libéralisme, il faudra chercher un bouc émissaire, avance pour sa part Armand Hoarau, Secrétaire régional de l’UNSA. Ce sera le Code du Travail, les Prud’hommes, les 35 heures et après, le droit de grève. Les droits sociaux que nous avons aujourd’hui, les aurons-nous demain ? (...). Pour certains candidats, le contrat de travail est un frein : c’est inquiétant... Nous avons autre chose à faire que de défendre les acquis, il y a tellement de nouveaux droits à conquérir ».

L’avenir avec Sarkozy ?

Christian Picard, Secrétaire départemental de la FSU, rappelle que de plus en plus de gens vivent en dessous du seuil de pauvreté, mais « on ne parle pas de ces familles qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts, car ce ne sont pas elles, ce ne sont pas les jeunes, l’individu qui sont au centre de la politique, mais le capitalisme (...). Depuis 5 ans, on n’a pas cessé d’être dans la rue pour dénoncer la casse du service public, la situation des travailleurs, la casse sociale : nos craintes sont là. Je ne reviens pas sur le transfert des TOS, la baisse du pouvoir d’achat. Et l’on nous propose de remettre en place une personne de ce gouvernement qui a voulu l’intrusion de la police dans les établissements scolaires, la chasse aux enfants d’immigrés ! Et les chiffres du chômage trafiqués, la privatisation de l’ANPE...? On voit bien l’avenir avec ce qu’on nous propose, l’avenir avec Sarkozy. Réserve ou pas, il faut dire les choses comme elles sont ».

Stéphanie Longeras


L’unité syndicale est en marche

Une nécessité, un défi, un espoir

123 ans après la promulgation de la loi qui autorise les syndicats professionnels, le 11 mai 1884, la représentativité syndicale en France est encore à créer. Les menaces qui pèsent sur les droits des travailleurs sont d’autant plus grandes que la peur de perdre son travail bâillonne toute tentative de revendication. A La Réunion, les mobilisations unitaires de ces derniers mois redonnent pourtant un vrai élan de confiance aux travailleurs. L’unité syndicale est-elle devenue indispensable ? Va-t-elle se poursuivre ? Réponses des composantes de l’Intersyndicale réunies autour du 1er mai.

Jean-Louis Belhôte, CFDT :

« Un vrai défi à relever »

Au-delà de l’unité lors de manifestations, il y a depuis quelque temps, et particulièrement à La Réunion, une montée de la cohésion intersyndicale. Depuis plusieurs mois, sous l’égide de la Direction du Travail, sont également organisées des réunions sur le dialogue social auxquelles participent la plupart des confédérations, mais dont on parle peu. Nous essayons d’avoir un point de vue convergeant, notamment pour aller vers des accords professionnels de branches, et peut-être plus loin, vers des élections de branches si l’on veut que tous les travailleurs soient entendus. En 2002, on a assisté à un très fort taux d’abstention aux élections prud’hommales ; on verra en 2008. La faible représentativité syndicale, compte tenu du tissu économique local avec 98% des entreprises qui comptent moins de 10 salariés, moins de 9% de salariés syndiqués dans la population active en France : c’est une véritable plaie alors que les travailleurs ont de plus en plus besoin d’être défendus. C’est un vrai problème, un vrai défi à relever. La manifestation de novembre sur le congé solidarité était le fruit d’un long travail en intersyndicale, comme sur la question du dialogue social que l’on ne voit pas. Je ne sais pas si ces 5 années auront été un déclencheur, mais si vous comparez avec la Métropole, on a presque plus une tradition d’intersyndicale ici. Là-bas, les 1er mai sont dispersés.

Armand Hoarau, UNSA :

« Nous sommes obligés de nous donner la main »

Je pense que l’unité syndicale de ces 2 dernières années va se renforcer à partir du moment où les attaques à l’encontre des travailleurs seront plus fortes. Système de santé, revenu, sécurité de l’emploi... nous sommes obligés de nous donner la main, les attaques portent sur l’essentiel. La fonction publique assure la mixité sociale, l’égalité sociale. Si on enlève ça, on aura plus cette France forte (...).
Plus que de parer les coups, nous voulons engager des combats pour améliorer la situation des travailleurs car la souffrance au travail est vraiment terrible allant jusqu’à pousser certains à laisser leur travail, quitte à se retrouver dans la précarité plutôt que de souffrir, de ne pas pouvoir s’exprimer, revendiquer. Et tant que nous aurons l’accord minoritaire au sein des entreprises, les salariés connaîtront beaucoup de souffrance. Pour les négociations salariales annuelles, les horaires, les conditions de travail, quand un accord doit être signé avec le patronat, il faut tenir compte de l’ensemble des voix. N’oublions pas que la réforme des retraites s’est faite sur la base d’accords minoritaires. Si l’on veut une vraie réforme en faveur de la démocratie sociale, il faut faire en sorte que la règle majoritaire soit adoptée.

Ivan Hoareau, Secrétaire général de la CGTR :

« Plus que jamais, il y a nécessité de s’unir »

Compte tenu de la situation, de l’ampleur des dégâts sociaux, plus que jamais, il y a nécessité de s’unir pour faire front. Quel que soit le résultat du scrutin, le tropisme, l’ultra-libéralisme nous conduisent à privilégier la concertation. C’est un espoir d’autant que les attaques sont telles que l’on ne peut pas faire autrement.

Christian Picard, Secrétaire départemental adjoint FSU :

« L’unité des travailleurs doit être de mise sinon on y arrivera pas »

Plus que jamais, l’unité des travailleurs doit être de mise sinon on y arrivera pas. Cette unité syndicale que l’on a pu consolider, il faut encore la renforcer, l’élargir au maximum, même au niveau des petits syndicats, car pour tous, c’est l’intérêt des travailleurs qui est au centre de nos revendications. On culpabilise les travailleurs, ces privilégiés qui ne travaillent pas assez, puis les chômeurs payés à ne rien faire : on veut monter les Français les uns contre les autres, mais ça ne marchera pas. Il faut une unité syndicale forte, car privé ou public, salariés ou sans emplois, c’est le même combat.

(NDLR : Nous ne sommes pas parvenus à joindre le syndicat Solidaires)

Propos recueillis par SL


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