9 heures au Jardin de l’Etat : la fonction publique manifeste

Les fonctionnaires contre-attaquent

8 février 2007

Jean-Pierre Raffarin avait donné la couleur : le démantèlement du service public aura bien lieu. Dans toutes les fonctions publiques, les administrations, le statut, le salaire et les missions des fonctionnaires sont remis en cause. L’Etat nouveau licencie, précarise, flexibilise, réorganise, privatise, libéralise, européanise, mondialise... Aujourd’hui, en Métropole comme à La Réunion, les fonctionnaires seront dans la rue pour défendre l’emploi public, donc le service public.

Au niveau national, les organisations de fonctionnaires CGT-FO-FSU-UNSA Solidaires, rejointes par la CFDT, se sont unies en Intersyndicale pour exprimer leurs revendications par la grève et la manifestation. Localement aussi (la CFTC en renfort), les salariés des 3 fonctions publiques (Etat, territoriale, hospitalière) battront le pavé pour défendre leur statut.

2000-2006 : prix en hausse de 14% à La Réunion

Même si l’Union départementale FO n’a pas adhéré à la plate-forme proposée par l’Intersyndicale locale*, préférant se baser sur les strictes revendications de l’appel national, elle défilera bien aujourd’hui à ses côtés. « La question salariale, la défense du pouvoir d’achat sont prioritaires pour Force Ouvrière, aussi bien pour les salariés du public que pour ceux du privé », soutient Bruno Lorigny, membre du bureau, délégué FO-Fonction publique et, à titre indicatif, salarié de l’INSEE.
Selon les sources même de l’Institut, disponibles sur le Net, on constate que du 1er janvier 2000 au 1er décembre 2006, les prix ont augmenté de 14% à La Réunion, alors que le salaire des fonctionnaires, comme de l’ensemble des salariés, n’a pas évolué dans la même proportion que l’inflation. « Pour un agent de catégorie C qui touche 1.500 euros, si son point d’indice avait été actualisé en fonction du coup officiel de la vie, son salaire devrait être aujourd’hui supérieur de 120 euros, explique Bruno Lorigny. Il suffit d’un simple calcul pour se rendre compte que c’est énorme ». Alors, sur la base de l’appel national, FO estime que depuis 2000 et les dernières négociations salariales, le contentieux doit être remis sur la table des discussions, la grille des salaires révisée, ainsi que le niveau des pensions. Et parce que « la population réunionnaise a besoin de fonctionnaires dans l’enseignement, les hôpitaux, les bureaux de postes, les administrations... », le maintien d’un service public, d’une fonction publique, à même d’apporter les réponses que la population est en droit d’attendre, sera assurément en tête de banderole.

Pour une politique d’emploi public statutaire

Ce sont les TOS qui, les premiers, ont expérimenté le désengagement de l’Etat, ont été victimes des transferts, de la bivalence, de la précarité, du manque d’effectif, de la baisse de pouvoir d’achat. C’est aujourd’hui l’ensemble de la fonction publique qui subit l’assaut. « Attaqué par tous les bouts, notre statut est en danger, soutient Bruno Lorigny. Chacun, dans son coin, subit différentes réformes. La diminution des salaires, des effectifs, ces attaques systématiques conduisent à la démotivation, démoralisation des salariés ». A quelle sauce la fonction publique va-t-elle être mangée ? La réforme ronge les esprits des agents, au travail, mais aussi dans la vie personnelle. L’insécurité n’est pas dans la rue, mais au travail. La fonction publique pourvoyeuse d’emplois et ô combien nécessaire au vu du taux de chômage à La Réunion, mais aussi de la pression démographique qui appelle un renforcement des services publics, cette fonction publique-là n’existe plus. On ne crée plus de poste, ne titularise plus, mais généralise les contrats précaires pour cette jeunesse qui ne pourra pas construire de projet d’avenir. La manifestation d’aujourd’hui défendra alors une politique d’emploi public statutaire qui corresponde aux besoins.

« Donner plus aux salariés, moins aux actionnaires »

Certes, la résistance et l’unité sont seules capables de pouvoir faire peser la balance, si l’on garde à l’esprit que rien n’est figé, n’est tranché. Mais alors, qui, si ce n’est la fonction publique, va permettre à l’Etat de combler ses dettes, de faire des économies ? La question posée sans provocation faire sourire. Pour Frédéric Bergamin, Instituteur : « L’Etat n’a pas à faire d’économie quand il s’agit de la défense des citoyens, de l’intérêt général. Les impôts doivent être utilisés pour ça ». Et c’est unanimement que les fonctionnaires de FO estiment que la solution est évidente : « Il faut donner plus aux salariés et moins aux actionnaires ». Avec +50 milliards de bénéfices pour le CAC 40, l’argent est là, il suffit de taxer la spéculation.

Stéphanie Longeras


*Précision d’Éric Marguerite, Secrétaire général de l’Union départementale Force Ouvrière

« FO n’est pas sur la plate-forme locale, car il y a 2 revendications auxquelles nous n’adhérons pas : la décision, qui n’existe pas, du Trésorier payeur général de supprimer la sur-rémunération d’un fonctionnaire en cas de maladie longue durée et la mise en place d’un Observatoire des prix et des revenus, une décision qui relève du politique (...). Nous serons là pour défendre le pouvoir d’achat et les missions du service public et pas un mot d’ordre flou qui divise plus les fonctionnaires qu’il ne les rassemble ».


Témoignages

• Gilbert Grondin, responsable FO au Service de répression des fraudes, Secrétaire fédéral FO-Finances

« Quelle protection des consommateurs...? »

« On enregistre au moins 7 départs cette année qui ont peut-être été compensés par 2 ou 3 arrivées. Quelle protection des consommateurs lorsque sur un effectif de 20 personnes, on supprime 7 postes ? Entre les enquêtes de terrain, le suivi des dossiers..., le travail reste le même et devra être réparti entre ceux qui restent. Il y aura des répercussions sur les consommateurs pour que ce service est entièrement gratuit, donc pris en charge par l’Etat ».

• Jean-Jacques Perrot, Secrétaire académique FO des lycées et collèges, Professeur de français et de philosophie

« On économise sur le dos des enfants de salariés »

« Nous appelons les enseignants à participer à la grève avec une revendication spéciale portant sur le décret De Robien qui remet en cause notre statut. Dans tous les collèges et lycées professionnels - et ce sera bientôt le tour de l’enseignement général -, on assiste à des suppressions de postes : moins 30 heures par ici, soit 2 postes en moins ; 2 heures de latin au lieu de 3 ; on supprime les heures de décharge... On économise sur le dos des enfants de salariés. Hier ou avant-hier, le Recteur a d’ailleurs regroupé les chefs d’établissement pour leur demander d’apporter de l’enthousiasme dans l’application "des temps de rigueur", c’est ce qu’il a dit, "des temps de rigueur". On s’attaque à notre statut, le défendre, c’est défendre l’Ecole. Dans l’enseignement comme ailleurs, c’est la LOLF qui se met en place dans toutes les administrations ; la LOLF qui veut faire des économies sur le dos des salariés qui s’adressent à l’administration et qui ont besoin du service public. On ne défend pas un statut en tant que tel, mais parce qu’il est garant du service public. En tant que professeur par exemple, c’est notre statut qui nous permet d’être garant de la laïcité ».

- • Dominique Bijoux, FO-Trésor Public

« Mauvaise analyse du volume de nos missions »

« Au niveau national, 970 emplois ont été supprimés au Trésor Public. Cette année, à La Réunion, 1 emploi, 1 seul emploi a été créé pour faire face à la situation particulière du département, car ici, tous les systèmes privilégiés de paiement (à distance, par chèque...) ne correspondent pas à l’usage local : le paiement direct. Pour s’acquitter de 15 euros, les gens préfèrent se déplacer. En période d’échéance, on essaie, je dis bien on essaie, de mettre 2 ou 3 personnes à la réception du public, pour délivrer les quittances (450 en moyenne par jour). Elles n’exercent théoriquement pas ces fonctions, n’y sont pas habilitées, mais tant pis, on leur demande quand même ! Nous estimons que l’appréciation du contexte local faite au niveau de la Métropole est fausse. Partant de ses propres critères, la Direction générale nationale fait une mauvaise analyse du volume de nos missions. Cela pose de très gros problèmes. L’effectif est insuffisant. On le dénonce depuis des années déjà et ce n’est pas une création d’emploi cette année qui répondra à nos attentes et nous permettra de répondre à celles du public. Avec 300 salariés de catégories B et C sur toute l’île pour traiter les impôts, les missions en lien avec les collectivités... On ne peut pas ».

• Monique Morin, FO-Trésor Public

« C’est un leurre »

« Moins de fonctionnaires, mieux payés : c’est faux ! On aura beau être payés 2 fois, on ne pourra pas faire le travail de 5 en une journée. C’est un leurre ».

• François-Paul Grondin, Secrétaire FO-Direction du Travail, membre du bureau de l’Union départementale

Plus de titularisation, de carrière, de promotion

« Le gouvernement actuel dégraisse la fonction publique, mais l’on en voit pas encore toutes les conséquences. En 2007, la LOLF va permettre de mutualiser les effectifs de différents services. Le Préfet pourra prendre des fonctionnaires de différentes administrations pour faire un service (...). Nous défendons le statut des fonctionnaires qui subit beaucoup d’atteintes, très discrètes, depuis Raffarin, et Christian Jacob, le Ministre actuel de la Fonction publique, ne se gène pas pour continuer son travail de sape. Désormais, les gens qui intègrent la fonction publique ne sont plus titularisés, mais sont employés en CDI. Un autre exemple : le système de notation qui a été réformé. En 2004-2005, un nouveau système, qui ne correspondait à rien, absurde, a été instauré avant d’être supprimé. C’est lui qui nous permettait de gérer les carrières, les promotions. Maintenant, on laisse les fonctionnaires à leur niveau ».

• Serge Thomas, Secrétaire FO-Pénitenciaire

« On est tous dans le même panier »

« Quel que soit le secteur de la fonction publique, les départs à la retraite ne sont pas remplacés. Cela fait des années qu’on réclame des personnels en fonction des structures. Mais l’on est toujours au même point. Il ne faut pas s’étonner si avec 250 détenus pour 120 places, certains parviennent à s’échapper. Un agent doit exercer plusieurs tâches à la fois. Quand il accompagne un détenu à l’infirmerie, il est appelé ailleurs, et c’est toujours comme ça. Dans la logique, selon le code de procédure pénale, l’escorte doit être systématique. Mais la justice, les procureurs, les juges ne regardent pas ces conditions de travail, de détention, d’hygiène et de sécurité. Et puis, avant de s’interroger sur la mission de réinsertion de la prison, il faut déjà, en amont, donner les moyens à l’Education ».

• Frédéric Bergamin, Instituteur

« Il n’y a pas que l’Etat qui s’endette »

« On manifeste pour la défense des services publics et soutient l’appel national pour la revalorisation de nos salaires. Les fonctionnaires ont enregistré une baisse de leur pouvoir d’achat de 8% sur 6 ans, depuis les derniers accords salariaux qui remontent à 2000, alors que sur la même période, le riz a ici augmenté de 25%. La réévaluation du point d’indice de +0,8% pour 2007 ne compense pas cette perte et ne profite d’ailleurs qu’à une petite partie des fonctionnaires, environ 25.000. Même à La Réunion, on ne peut accepter une baisse de notre pouvoir d’achat. Ras-le-bol d’entendre dire qu’il faut un budget d’Etat drastique au nom de Maastricht ! Entre défiscalisation et chantage à l’emploi, les patrons disent qu’il y a trop d’Etats en France, mais ce sont eux qui demandent à la France de payer leurs salariés. Il n’y a pas que l’Etat qui s’endette, nous aussi. Les Français s’endettent et se surrendettent jusqu’à ce que l’on assiste à des suicides, même dans la fonction publique ».

Propos recueillis par SL


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Messages

  • Et vous n’évoquez pas les surmenages et les dépressions dont sont victimes certains agents victimes de leur conscience professionnelle (eh oui celà existe encore) alors qu’ils doivent être protégés par leur hiérarchie, celà on l’oublie trop souvent car les bons chevaux on les fait courir et les mauvais restent à l’écurie (pas de vague surtout)

  • Hier, je vous ai adressé un texte mettant en exergue les causes et les dangers de la dépression sévissant dans les milieux professionnels (bons chevaux- chevaux moins performants).

    Je reviens donc vers vous pour expliciter différemment le sens de mon intervention.
    Les actifs (je suis en retraite depuis fin 2005) sont concernés.

    Je vais développer les causes du surmenage et de la dépression : toujours aller plus vite et très bien.
    J’ai effectué des recherches que je vous livre succinctement.

    Internet évoque les dangers de la mondialisation (je ne mentionne pas les références car il y en a de nombreuses)

    Plusieurs médecins du travail d’un département (l’Isère je crois) ont fait parvenir un rapport lors des élections présidentielles de 2007 pour alerter les candidats du danger encouru (moteur de recherche : hypocrisie du monde du travail).

    Le Bureau international du travail (B.IT) organise une journée internationale de commémoration des travailleurs décédés ou blessés.

    Pendant ce temps, nos dirigeants font appel à la compétivité des services et du monde du travail alors que le rendement par travailleur français est l’un des plus performants.

    C’est bien que les gens se mobilisent pour la défense de leur statut et pour les jeunes, encore faut- il s’assurer de la plus élémentaire précaution, celle liée à la santé des personnes concernées car il y a des objectifs à remplir malgré les journées de grève retenues sur le bulletin de salaire. Comment assurer la crédibilité d’un agent d’une unité sinon en rattrapant le retard constaté et ce sans contrepartie.

    Je vous ai dit que mon intervention serait succincte.

    A méditer.


Témoignages - 80e année


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