La préférence ’métropolitaine’ prive des Réunionnais de travail

Les jeunes supporteront-ils longtemps l’humiliation permanente ?

9 août 2008, par Manuel Marchal

La question de l’emploi est au coeur de la bataille pour le pouvoir d’achat. Mais force est de constater que des pratiques de recrutement pour des postes d’encadrement à La Réunion privilégient le recours à la main d’oeuvre importée de France, plutôt que donner la possibilité à des jeunes Réunionnais formés d’occuper ces emplois. Agir pou nout tout en appelle à la solidarité de tous les Français face à la pénurie d’emploi à La Réunion. Puisque les jeunes Réunionnais ont des difficultés à avoir droit à un travail, alors les citoyens originaires des régions françaises ne doivent pas demander un travail à La Réunion, par solidarité envers les Réunionnais.

Lors du débat sur la bataille du pouvoir d’achat pendant l’assemblée générale d’Agir pou nout tout à Saint-Paul, l’emploi a occupé une large place. Car une des conditions essentielles pour augmenter le pouvoir d’achat des Réunionnais, c’est de faire reculer le chômage. Or, les jeunes sont particulièrement touchés par ce phénomène. Et force est de constater que des séquelles de l’ère coloniale continuent de sévir dans notre pays, dévalorisant le travailleur réunionnais. Pour occuper un emploi de cadre, « un Réunionnais doit montrer qu’il est dix fois plus compétent qu’un métropolitain », souligne Antoine Boyer, Réunionnais revenus dans son pays après avoir fait partie pendant des années de l’émigration, « il manquera toujours une virgule au Réunionnais, et on embauchera quelqu’un qui vient de France ».

Bac + 5 : au mieux standardiste

À titre d’exemple, il a été question hier du témoignage d’une jeune Réunionnaise, partie en France pour se former. Elle obtient là-bas un diplôme de niveau bac+5 dans le secteur bancaire, revient dans son pays et postule pendant plus de 6 mois auprès de tous les établissements de l’île. Elle envoie plus de 60 candidatures spontanées et répond à 18 offres d’emploi.
À chaque fois, la réponse est négative : pas de poste, pas assez ou trop diplômée. Une banque située à Saint-Denis retient malgré tout sa candidature, mais pour lui proposer un poste d’hôtesse d’accueil. Cette banque lui indique que l’on embauche plus de cadres locaux. Trois semaines après cette réponse, la jeune Réunionnaise apprend que cette banque a donné un emploi à trois cadres venus de France, qui sont moins diplômés que notre compatriote. C’est un cas typique de préférence "métropolitaine".
Notre jeune diplômée est donc repartie en France, où elle a davantage de chance de trouver un emploi correspondant à ses compétences, car elle veut « contribuer à l’activité économique ».
Pour Huguette Bello, cet exemple est un cas révélateur de « la dévalorisation des jeunes Réunionnais face à l’emploi. La jeune génération arrivera-t-elle à supporter l’humiliation permanente ? ». La députée-maire rappelle qu’un ancien directeur régional de l’ANPE affirmait que mis à part dans quelques domaines très spécifiques, toutes les compétences existent à La Réunion. Alors pourquoi importer de la main d’oeuvre dans l’encadrement ?

Un appel à la solidarité nationale

Elle ajoute également que les réductions budgétaires pratiquées par ce gouvernement se traduisent par une diminution des postes de fonctionnaires. Ce sont des portes qui se ferment pour les jeunes qui veulent exercer dans la fonction publique. Alors, si en plus des travailleurs sans aucun lien avec notre île arrivent chaque année par centaines avec la garantie d’un emploi de cadre assuré, cela ne peut que susciter que l’injustice. Une injustice ressentie non seulement dans la jeunesse, mais aussi chez les parents qui ont tout sacrifié pour que leurs enfants puissent avoir droit à une formation de haut-niveau, ce qui doit normalement déboucher sur un emploi pérenne correspondant au niveau élevé de compétence acquis.
Jean-Hugues Ratenon rappelle que face à la pénurie d’emplois à La Réunion, Agir pou nout tout demande la solidarité de tous les Français. Chaque année, plusieurs centaines de personnes arrivent par avion pour occuper des postes dans l’enseignement. Ce sont autant d’emplois en moins pour les jeunes Réunionnais. « Ce que nous disons au gouvernement, c’est qu’il créée les conditions pour qu’un maximum de Réunionnais puisse avoir un emploi à La Réunion, et que par solidarité avec notre situation, les Français ne demandent pas leur mutation à La Réunion ».

M.M.

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Messages

  • éh oui ! en revanche dans la fonction publique d’etat c’est le contraire : priorité aux domien, conditions de recrutements et de salaires decents, egalitaires et sans communes mesures avec les salaires exorbitants des SEM et associations financées par les collectivités territoriales. VOILA pourquoi nous les Réunionnais agents de l’éetat sommes attachés à nos statuts, fiers des missions dont nous avons encore la charge et ecoeurés par les discours de ceux qui nous denigrent pour retourner à l’epoque coloniale des années 50.

    • Cette priorité aux domiens qui existerait dans la fonction publique de l’Etat me laisse dubitatif ? étant moi même fonctionnaire d’Etat, je peux vous assurer qu’il n’existe aucune priorité pour regagner la Réunion du moins au ministère des finances.

      Peut-être que dans d’autres ministères cette priorité existe mais elle n’est à l’évidence pas générale.

      Par ailleurs, je souhaite que les collectivités locales commencent à faire le bilan du recrutement des cadres locaux, après nous pourrons gloser sur ce qui se passe dans le privé.

      Le terme "humiliation" m’avait dans un premier temps choqué mais il me suffit de me rappeler mes débuts en métropole et les réflexions entendues à la Réunion depuis mon retour sur la fainéantise des "locaux" comme disent certains pour approuver le terme employé.

      Il ne s’agit pas d’entrer dans une guéguerre créole-zoreil mais que le respect mutuel soit de mise. Ce respect mutuel n’existera que si chacun abandonne ses préjugés.

  • le deal à passer avec le gouvernement est le suivant :
    fermeture de l’accès aux concours nationaux et régionaux des différentes fonctions publiques (état, territoriale, hospitalière) aux nons résidents non créoles (donc ouvertes aux créoles natifs ou aux personnes quelque soit leur origine, et pouvant justifier d’un lien avec la Réunion, notion de lien restant à définir).
    Ensuite, engagement du postulant à effectuer x années en métropoles ou ailleurs, de façon à pouvoir valoriser son expérience professionnelle lorsqu’il sera de retour sur son île, puisque le deal porte sur la créolisation des emplois, et bien que celle-ci soit faite de la manière la plus intelligente possible AU PROFIT de la Réunion et de ses habitants. Préalablement à cette période d’expatriation forcée au nom de l’intérêt général de la Réunion, il faudra une nomination sur un poste localement pour la période stages (3 ans minimum), ce qui pose le problème de la durée du séjour des fonctionnaires non créoles. Ces postes doivent être attribués intelligemment à une proportion de créoles désireux de revenir sur la Réunion, et à une proportion de stagiaire en voie de titularisation afin de favoriser la transmission des savoirs liées aux expériences professionnelles individuelles.
    Qui aura le courage de proposer ou de s’inspirer de ce modèle ? la situation sociale locale nous exhorte à proposer des solutions dérogatoires au nom de l’intérêt des Réunionnais, et non contre les "zoreils". Bien évidemment, pour le secteur privé, liberté totale du recrutement.


Témoignages - 80e année


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