Les journaliers communaux, une bataille de longue haleine

13 septembre 2006

À l’heure où des milliers de Réunionnaises et de Réunionnais attendent comment se jouera leur avenir, les espoirs sont tournés vers la titularisation. Passer le Jourdain administratif et législatif est presque à bout de bras. Quand donc trouvera-t-on une solution pour ses travailleuses et travailleurs, livrés au chômage immuable ?

Les chiffres l’attestent. Depuis 2002, les effectifs des collectivités réunionnaises tendent à baisser, mis à part pour celles qui sont assujetties au transfert des TOS. Les derniers chiffres de l’INSEE relèvent la part élevée de leur contribution pour l’emploi à La Réunion, avec près de 32.000 salariés à la fin 2004, soit un sixième de l’ensemble des emplois et la moitié des effectifs totaux de la fonction publique.
Ce sont les communes qui détiennent le record d’employeur, comptant en effet 25.500 personnes. Malheureusement, la majorité de ces personnels ne sont pas titulaires. Du recrutement oral pour journalier “autorisé”, au reclassement en journalier intégré, en passant par le travail saisonnier, et puis encore les emplois aidés, le salarié communal se retrouve ballotté entre différents types de contrats, qui disent la même chose pour ne faire que stigmatiser la précarité. Certains travailleront plus de dix ans dans de telles conditions salariales, à la merci du bon maire prêcheur, toujours en espérant trouver la place bordage, après de bons et loyaux services. Principalement âgés de plus de cinquante ans, les journaliers communaux s’accrochent tant bien que mal à leur emploi. L’avenir semble plus que tout morose, à moins de rester mobilisé.

Entre chiffres et questions

Ce regard furtif sur les effectifs des collectivités ne doit pas faire oublier le recrutement de plus en plus conséquent que réalisent les organismes d’intercommunalité. Depuis 1997 où sont apparues les communautés de communes, les communes ont délégué des personnels pour que ces organismes effectuent leurs missions liées aux transferts de compétence. La courbe évolue positivement chaque année. Une cinquantaine en 1996, 200 en 1998, 500 en l’an 2000, 825 à la fin 2004. Et rien ne peut dire comment évoluera cette tendance.
Le débat sur les journaliers communaux, et d’une manière générale la situation calamiteuse de l’emploi réunionnais, pose des questions : la place que tiendront les communautés de communes dans le débat sur l’emploi ? Ou plutôt celle que doit prendre l’État dans ce dossier, surtout ? Peut-être que les communes devraient envisager un plan pérenne pour ses effectifs précaires ? Comment ? Quelle loi le permet ? À moins que les esprits les plus rétifs demandent ce qui a incité les collectivités à employer aussi originalement des personnels ! Certains objecteront qu’il s’agit d’une manœuvre politicienne démagogique pour maintenir l’électorat dans le discours du ventre. L’un notera que la situation délétère du chômage réunionnais obligeait une politique volontariste "garantissant à la population un revenu et une protection sociale minimale". Certes, d’un autre côté, il faut l’avouer, "ces catégories d’emplois représentent une charge financière moins lourde pour les collectivités que celle qu’occasionneraient le recrutement de personnels bénéficiant des majorations de traitement liées à la sur rémunération propre à l’Outre-mer" lit-on dans le N°126 d’août 2006 de "l’Economie de La Réunion", INSEE.
À quand la régularisation effective de ce personnel précaire ? Puisque la question reste sur ce terrain. Une chose est de chercher à comprendre ce qui s’est passé, de vouloir dessiner un pourtour d’explications, en y étalant tous les bons chiffres lus et trouvés. Une autre est de chercher une solution pérenne et accomplie pour ses pères et mères de famille, qui croient en la valeur du travail. Qu’allez-vous faire pour eux, messieurs les décideurs ?

Corvéables et taillables à souhait ?

Depuis 1971, cette bataille est menée à tout bout de champ, pour dénoncer "le scandale des journaliers communaux taillables et corvéables à merci". De la Mairie du Port aux autres communes de l’île, il aura fallu presque trente ans pour imaginer l’intégration, et voir des personnels bénéficier du même salaire que les fonctionnaires de la fonction publique territoriale de France. C’est à dire sans surrémunération ? c’est à dire surtout, sans stabilité sociale, sans statut ? C’est certes une avancée, mais la stabilité sociale passe par la titularisation, assortie Outre-Mer d’une indexation de 53%. Mais cela est du ressort du gouvernement. Récemment, les journaliers communaux se sont réunis devant les grilles de la préfecture, cela alors que La Réunion accueillait le Ministre de la fonction publique.
Leur proposera-t-on un CDI pour travailler pour le service public ? Un CDI, et c’est le démantèlement de la fonction publique qui s’annonce. CDI, comme privatisation ? Déjà, comment imaginer une même entité disposant de personnels de statuts différents ? Les litiges seront gérés par les Prud’hommes, le Tribunal administratif ? Est-ce cela l’égalité ? La Loi Renaud Dutreil, qui permet cette transposition du droit communautaire à la fonction publique, n’accentue-t-elle pas le retard déjà pesant subi par les collectivités en terme de qualité d’encadrement ?
Reste à ouvrir le débat, et mettre sur le tapis le cadre même de ce problème récurrent, notamment avant les échéances électorales. Le PCR tient une position : il faut intégrer les travailleurs communaux, sur la base de ce qui se fait dans la fonction publique métropolitaine, avec la même grille de salaire et de carrière. Le problème de la surrémunération, cela ne peut relever du droit commun de la fonction publique territoriale. C’est l’État qui doit prendre ses responsabilités, disons même l’ampleur de ses responsabilités.
Et même si certains préfèrent voir traiter ce problème après les élections, rien n’est plus sûr : c’est maintenant le temps de résoudre une fois pour toute la question des emplois précaires au sein de la fonction publique, d’État ou territoriale. Il ne faut pas oublier que les services publics d’État, éducation nationale notamment, aiment se doter de ses emplois corvéables et taillables !

P. Julie


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