Collaboration d’un nouveau genre entre la CAF, l’Assédic, la Sécu, le RSI

Les organismes sociaux mettent la pression aux « fraudeurs »

7 décembre 2007, par Edith Poulbassia

Simple application d’une décision prise au niveau national, associer les organismes sociaux pour lutter contre la fraude. Ce qui concerne une minorité de personnes mais pour justifier ce déploiement de stratégie, la CAF, l’Assédic, la Sécu et le RSI avancent des chiffres : les sommes qu’ils perdent ou ont risqué de perdre chaque année.

En ce moment pour l’Etat, il n’y a pas de petites économies. La fraude au système de protection sociale concerne une minorité de personnes à La Réunion. Notre département n’est pas plus fraudeur qu’un autre, mais les sommes qu’elles font perdre aux organismes publics sont suffisamment conséquentes pour que l’administration s’y attaque. Du moins, c’est de cette façon que l’Assedic, la CAF, la CGSS et le RSI explique le renforcement de la lutte contre les fraudes au système de protection sociale. Désormais, ces quatre organismes travailleront de concert pour prévenir et détecter les fraudes et les abus. Ce qui signifie, une coordination des actions en justice, et l’échange d’informations concernant les bénéficiaires ou employeurs, dans le strict respect du secret professionnel et de la CNIL, insistent-ils. La Réunion est ainsi le premier DOM à décliner sur le plan local la convention nationale de partenariat signée en novembre dernier entre la CNAMTS (Caisse Nationale d’Assurance Maladies des Travailleurs), la CNAF (Caisse Nationale d’Allocations Familiales), l’ACOSS (Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale), la CNAV (Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse) et l’Unédic.
« Notre action est légitime, car la fraude est illégale, et moralement inacceptable », justifie Jean-Paul Phelippeau, Directeur de la Caisse Générale de Sécurité Sociale. Les quatre organismes sociaux affichent l’objectif de préserver un système qui fonctionne encore sur le principe de la solidarité. En 2006, chaque organisme a traité des dossiers frauduleux. Pour l’Assédic, 26 fraudes ont été repérées sur 100.000 dossiers, ce qui équivaut à 400.000 euros qui auraient pu être perdus. « C’est une minorité, mais les conséquences sur la société sont énormes », souligne Charles-Armand Boyer, Directeur de l’Assédic. Cependant, aucune comparaison n’est possible avec le type de fraudes qui a pu se produire dans l’Hexagone, avec la présentation de faux dossiers d’emploi, de “kit emploi”.

Bénéficiaires, prestataires, employeurs

Dans le domaine de l’assurance maladie, les comportements frauduleux et abusifs peuvent aller du remboursement d’un médicament non remboursable, à la facturation d’actes fictifs. Pour la CGSS, c’est un manque à gagner de 500.000 euros en 2007. Et les assurés ne sont pas les seuls à frauder. 57 dossiers d’employeurs sont concernés et 51 dossiers de professionnels de santé, dont un établissement de santé. Pour les employeurs, la fraude correspond au non-paiement des cotisations, au travail dissimulé. Jean-Charles Slama, directeur de la CAF précise que les agents ont mené 518.000 actions sur l’année, et que 16 contrôleurs assermentés se déplacent lorsqu’il existe un manque de cohérence dans les dossiers. 4500 contrôles ont été effectués en 2006.
Le RSI (Régime Social des Indépendants) n’a pas enregistré de fraudes, mais la directrice adjointe Morgane Trapu précise que l’organisme est encore jeune à La Réunion. « C’est pour nous une nécessité de s’associer à cette convention pour se constituer sur des bases saines », ajoute t-elle. L’intérêt de renforcer la collaboration entre ces organismes est évident : « Nous avons souvent un client commun, qu’il soit employeur ou bénéficiaire ».
Jusqu’à présent, certains organismes peinent plus que d’autres pour récupérer les sommes subtilisées par les fraudeurs. C’est le cas de l’Assédic, dont le directeur avoue avoir des « dfficultés à récupérer les sommes mais qu’il s’agit surtout d’avoir un effet disuasif ». Qui se fait prendre encourt en effet des sanctions. L’Assurance maladie déclare au contraire « un taux de récupération plutôt bon ».
Pour faciliter le travail des « référents fraudes » qui seront désignés au sein de chaque organisme, des machines de détection de faux documents seront installés l’année prochaine. Le partenariat n’implique pas une interconnexion des fichiers de chaque organisme social. En tout cas, pas dans l’immédiat. La CAF, sur le modèle de l’Assedic, est en train de se doter d’un fichier national des allocataires. Enfin, il n’est pas exclu d’élargir cette collaboration à d’autres organismes, comme les services fiscaux.

Edith Poulbassia


La fraude définie par les organismes sociaux

Pour les allocataires et les prestataires, une fraude est une fausse déclaration, une omission, une falsification d’information en vue d’obtenir ou tenter d’obtenir des prestations qui ne sont pas dues. Pour les employeurs, il y a fraude dans les mêmes cas en vue de soustraire ou tenter de se soustraire totalement ou partiellement au paiement des contributions ou cotisations indépendamment des difficultés économiques.
Les exemples ne manquent pas : une déclaration fausse ou volontairement incomplète de ressources, de situation familiale ou de résidence pour les prestations de la CAF ; un emploi fictif, une reprise d’activité non signalée, le travail dissimulé, une usurpation d’identité, une fausse déclaration pour l’Assedic ; une fraude à constitution de carrière et le paiement d’une pension après décès pour un prestataire pour les retraites ; le travail illégal et l’application abusive d’exonération de cotisations pour le recouvrement.


Quid du “fraudeur en puissance” ?

Le « fraudeur en puissance », pour reprendre les termes du Directeur de l’Assedic Charles-Armand Boyer, doit-il pour autant être diabolisé ? Entre la fraude organisée, qu’elle soit collective ou individuelle, et l’abus, il y a un cap à ne pas franchir. La restriction des droits à l’assurance-chômage, dans un contexte de précarité, peut produire des « fraudeurs en puissance ». L’État y a certainement pensé. On comprend pourquoi il a décidé de renforcer le contrôle : il craint sans doute une conséquence de sa propre politique sociale.

EP


Sur le plan national

Au total, la fraude c’est 120 millions d’euros en 2006, soit le coût de 91 appareils IRM ou le coût du fonctionnement annuel de 4 hôpitaux publics moyens : 73 millions de cotisations sociales réclamées par l’Urssaf pour travail dissimulé, 140 millions d’euros pour l’Unedic, 21 millions d’euros pour les prestations familiales (en 2005), un million d’euros pour les retraites.
120 millions d’euros pour 2006. A comparer avec les cadeaux fiscaux du gouvernement.


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