Les zones sensibles à l’épreuve de l’égalité des chances

12 janvier 2007

Sur-chômage et pauvreté, mauvaise santé et difficultés scolaires et une délinquance dopée par les près de 7.000 faits de violences urbaines d’octobre-novembre 2005 donnent la mesure du malaise.

Dix villes à La Réunion et une à Mayotte sont concernées par les résultats du rapport de l’Observatoire des Zones Urbaines Sensibles.
La Possession (Z.A.C. Saint Laurent), Le Port (Z.A.C. 1 et 2), Saint-André (La Cressonnière), Saint-Benoît (Quartier Rive droite, Bras Fusil), Saint-Denis ( aux Camélias Vauban, dans la Commune Prima Domenjod, à La Source Bellepierre, au Chaudron le Moufia, Cerf Sainte Clotilde), Saint-Leu (Piton Saint Leu), Saint-Paul (La Saline, Plateau Caillou), Saint-Pierre (Basse Terre, Jolifond, Ravine des Cabris, Bois d’Olives), Sainte-Marie (Le Verger, La Découverte, La Gaspards), Trois-Bassins (Mont Vert), et à Mayotte, Mamoudzou (N’Gombani).

Les indicateurs recueillis par l’Observatoire national des Zones Urbaines Sensibles (ONZUS) pour son troisième exercice portent pour la plupart sur la situation en 2005 (fin d’année ou premier trimestre 2006 pour les plus récents). Certains de ces indicateurs reflètent une dynamique positive, notamment dans le domaine économique avec les créations d’activités dans les Zones franches urbaines (ZFU), ou rendent compte de l’engagement du Programme de rénovation urbaine (PRU). Cependant, sur la période 2003-2005, la plupart de ces indicateurs n’attestent pas d’une réduction des inégalités entre les ZUS et leurs villes d’appartenance. Dans plusieurs domaines, comme ceux de l’accès à l’emploi, de la réussite scolaire, de la concentration spatiale des situations de pauvreté ou de l’insécurité ressentie par les habitants, le processus de décrochage entamé depuis des années n’est pas enrayé. On constate même le creusement d’écarts entre les quartiers classés en ZUS et les autres quartiers des agglomérations auxquelles ils appartiennent. Miroirs grossissants des difficultés économiques et sociales ou espaces spécifiques, les quartiers sensibles pourront-ils rejoindre la dynamique urbaine générale ? Il est trop tôt en tout cas pour mesurer le plein impact des politiques décidées depuis 2003.

L’emploi

L’activité et les taux de chômage

En 2005, déficit d’accès à l’emploi, chômage et inactivité élevés continuent de toucher les populations vivant en Zones urbaines sensibles (ZUS). Au cours de cette même année, d’après l’enquête emploi de l’INSEE, parmi les personnes âgées de 15 à 59 ans résidant en ZUS, 34% étaient inactives, 14% au chômage et 51% occupaient un emploi ; ces proportions étaient respectivement de 28%, 8% et 65% dans les autres territoires des agglomérations ayant une ZUS. En ZUS, les femmes âgées de plus de 25 ans sont plus fréquemment inactives et les jeunes sortis du système scolaire, mais non insérés sur le marché du travail, sont en proportion 2 fois plus nombreux.
En moyenne, sur l’année 2005, le taux de chômage dans les ZUS est plus de 2 fois supérieur à celui des autres quartiers. Il atteint ainsi 22%, soit une progression d’environ 2 points par rapport à 2003, alors que le niveau du chômage est resté sensiblement stable dans les autres quartiers des villes comportant une ZUS (10,5% en 2005). Sur cette période, le “sur-chômage” dans les ZUS tend donc à s’accentuer, mais cette aggravation ne concerne en fait que la population masculine de moins de 50 ans, et parmi celle-ci davantage les moins de 25 ans que les plus âgés, alors qu’elle semble épargner la population féminine. Même après correction des effets liés aux structures sociodémographiques des populations (sur-représentation en ZUS des jeunes, des non-diplômés, des immigrés), le risque d’être au chômage reste, en 2005, plus important pour les habitants des ZUS ; ce qui confirme les constats des années précédentes.
Les Zones de redynamisation urbaines (ZRU) et les ZFU ont été créées en 1996 par le pacte de relance pour la ville dans les ZUS présentant les plus grandes difficultés. De 2003 à 2005, les ZRU et les ZFU génération 1996 ont connu une progression du chômage plus rapide que les autres ZUS. Parmi ces dernières, figurent aussi bien des ZUS non classées en ZRU et des ZUS qui ont été classées en ZFU à partir de 2004. Les dispositifs ZRU et ZFU, conçus d’abord comme des aides au maintien et au renforcement du tissu économique des quartiers, semblent donc ne pas avoir eu un impact mécanique suffisant sur le chômage de leurs habitants pour compenser l’ampleur du handicap de départ affectant ces territoires.

La nature des emplois occupés par les habitants des ZUS

Parmi les habitants des ZUS ayant un emploi et diplômés du supérieur, la moitié seulement accède à des postes de cadre ou de catégorie intellectuelle supérieure, contre les deux tiers pour les actifs résidant dans les autres quartiers des mêmes Unités urbaines. Cette difficulté d’accès aux emplois supérieurs est encore plus accentuée pour les femmes diplômées habitant en ZUS. De même, les actifs occupés résidant en ZUS subissent davantage la flexibilité du marché du travail, à travers les contrats d’embauche précaires et des temps de travail plus souvent contraints.

L’activité économique

La progression du nombre d’établissements implantés dans les ZFU de première génération tend à ralentir. Pendant leur première année d’activité, les 41 ZFU créées en 2004 ont connu une croissance particulièrement rapide du nombre d’établissements présents sur leur territoire (+9% contre 1,7% dans les Unités urbaines). Entre 2003 et 2005, les taux d’installation d’établissements (créations, reprises d’activité ou transferts) dans les ZFU de 1ère génération ont progressé plus rapidement que dans leurs agglomérations. Ce dynamisme des installations est encore plus accentué dans les ZFU créées en 2004. Dans près de 2 cas sur 3, une installation en ZFU correspond à une création d’établissement.
De 2002 à 2005, le nombre d’établissements employeurs bénéficiant d’exonération de charges sociales au titre du dispositif ZFU a augmenté de 50% avec un net ralentissement en 2005. Sur la même période, les effectifs salariés de ces établissements se sont accrus de 25%.
Le nombre d’établissements en ZRU, hors périmètre des ZFU des 2 premières générations, a augmenté d’environ un quart entre 1999 et 2005, tandis que le nombre d’établissements implantés en ZFU (génération 1996) progressait de 50% environ.

Les revenus des habitants

Les différents indicateurs disponibles, qu’ils soient issus de la source fiscale, des fichiers des CAF ou de la CNAM, révèlent les mêmes constats : la faiblesse moyenne des revenus des ménages vivant en ZUS, la concentration des situations de pauvreté mais aussi la diversité des niveaux de revenus dans ces quartiers. Selon la source fiscale, le revenu annuel moyen par Unité de consommation des ménages vivant en ZUS s’élève à 10.769 euros en 2002, soit un revenu inférieur de 42% à celui des ménages vivant dans les Unités urbaines correspondantes.
Les allocataires de la CAF vivant dans les ZUS se distinguent des autres allocataires par la faiblesse de leurs ressources : les trois-quarts d’entre eux perçoivent en 2003 ou 2004 une aide au logement, prestation versée sous conditions de revenus, contre 57% sur l’ensemble des allocataires de France métropolitaine. De plus, les populations à bas revenu et celles touchant le RMI dans les ZUS sont proportionnellement près de 3 fois supérieures à la moyenne nationale.
Une information plus récente (portant sur le 1er trimestre 2006) et issue des fichiers du régime général de l’assurance maladie confirme la concentration des situations de bas revenu dans les ZUS : la proportion des bénéficiaires de la Couverture maladie universelle complémentaire (CMUC) - mesure accordée sous condition de ressources mensuelles de 587 euros maximum pour une personne seule en juin 2006 - représente en ZUS plus du quart des personnes de moins de 60 ans, contre 10% au niveau national.

L’habitat

L’avancement du Programme national de rénovation urbaine (PNRU)

Au 31 mai 2006, l’ANRU a engagé 120 dossiers dont la convention a été signée et 62 dossiers non encore signés, mais dont la convention est passée en Comité d’engagement. L’ensemble des projets touche 182 communes et concerne principalement des ZUS, mais aussi également des quartiers dérogatoires. Les 120 conventions signées prévoient, d’ici à 2010, la résidentialisation d’environ 128.000 logements, 111.000 réhabilitations, 56.000 démolitions et 54.000 constructions. Les nombres de logements pour lesquels des opérations ont été engagées avant fin 2005 peuvent être estimés à environ 16.000 démolitions, 6.600 constructions, 23.600 réhabilitations et 19.000 résidentialisations. Ce qui correspond à un montant total de subventions de l’ANRU de 440 millions d’euros sur les 2 années.
Si l’on prend en compte l’ensemble des projets approuvés en Comité d’engagement au 31 mai 2006, les nombres d’opérations engagées dans les 2 premières années du programme s’élèvent à près de 22.000 démolitions, 12.000 constructions, 37.000 réhabilitations et 41.000 résidentialisations pour un montant total de 636 millions d’euros de subventions.
Les trois-quarts des constructions sont financés par des Prêts locatifs à usage social, et l’offre locative ainsi reconstituée est dominée par des logements de taille modeste : 2 et 3 pièces en collectif et des 3 et 4 pièces en individuel.

La santé

L’état de santé

Près du tiers des résidants en ZUS se déclarent en mauvaise santé contre un quart des personnes qui ne vivent pas en ZUS. À âge, sexe, niveau d’étude ou catégorie sociale égaux, les habitants des ZUS se perçoivent en moins bonne santé que le reste de la population. 23% des résidants des ZUS déclarent au moins une incapacité contre 19,6% pour le reste de la population. Ce sont là aussi les personnes les plus âgées et les catégories sociales les plus défavorisées qui déclarent le plus souvent au moins une incapacité, et cette déclaration est toujours plus fréquente parmi les résidants en ZUS.

Le recours aux soins

Les résidants des ZUS sont plus nombreux à avoir subi au moins une hospitalisation dans les 12 derniers mois (15,6% contre 13,5% pour la population ne vivant pas en ZUS), mais ils recourent moins fréquemment à un spécialiste (57,2% versus 64,4%). Aucune différence significative ne peut être mise en évidence pour la proportion d’habitants ayant recouru au moins une fois dans l’année à un généralist,e mais la fréquence de consultation est plus élevée pour les habitants des ZUS.

La réussite scolaire

En ce qui concerne les indicateurs de réussite scolaire, le pourcentage d’élèves en retard de 2 ans ou plus en 6ème a diminué dans les mêmes proportions dans les collèges en ZUS et dans ceux situés hors de ces quartiers. Par contre, les écarts se sont creusés au détriment des ZUS pour la plupart des autres indicateurs, qu’il s’agisse du devenir des élèves de 3ème qui avaient été orientés vers une Seconde professionnelle, de la proportion d’élèves redoublant la Seconde ou du taux de réussite au Brevet en 2004-2005, nettement plus faible dans les collèges des ZUS, avec près de 13 points d’écart par rapport aux autres collèges. Pour ce dernier indicateur, l’écart de réussite entre filles et garçons, en faveur des Premières, est particulièrement net en ZUS.

La sécurité et la tranquillité publiques

Les faits de délinquance constatés en ZUS

Entre 2004 et 2005, le nombre de faits de délinquance enregistrés pour les 28 catégories d’infractions observées dans les ZUS situées en zone de police est resté quasiment stable (+0,3%). En augmentation de 1,1%, la progression de la délinquance est plus nette dans les territoires environnant ces quartiers (les circonscriptions de sécurité publique comportant une ZUS).
Les plus fortes hausses, observées tant dans les ZUS que dans les autres quartiers des circonscriptions de sécurité publique environnantes, relèvent de faits de type “violences urbaines” : incendies volontaires de biens privés, incendies volontaires de biens publics et, à un moindre degré, violences et outrages à dépositaires de l’autorité. Les destructions et dégradations de véhicules privés restent stables et les autres destructions de biens et dégradations de biens privés décroissent. Les augmentations les plus significatives concernent différentes formes de violences envers les personnes (autres coups et blessures volontaires, vols violents sans arme).

Insécurité et sentiment d’insécurité dans les ZUS

L’enquête permanente sur les conditions de vie réalisée annuellement par l’INSEE, à laquelle l’Observatoire national de la délinquance (OND) et l’ONZUS se sont associés, interroge les individus de plus de 14 ans sur les faits dont ils ont été victimes durant les 2 dernières années. Cette enquête interroge également les personnes sur la perception qu’elles ont de leur cadre de vie et sur les manques ou les problèmes concernant leur quartier. Selon l’enquête de janvier 2005, les problèmes liés à la délinquance et aux incivilités sont ceux les plus souvent ressentis par les habitants des ZUS, suivie par la réputation perçue à l’extérieur par leur quartier et la dégradation de l’environnement. Un sentiment d’insécurité se développe en ZUS avec plus de prégnance qu’ailleurs : un tiers des habitants des ZUS déclarent se sentir souvent ou de temps en temps en insécurité dans leur quartier. Ils sont ainsi 2 fois plus nombreux que les autres citadins à exprimer ce sentiment. S’ils ne sont pas plus souvent victimes de cambriolages ou de vols dans leur logement (ou d’autres formes de vol) que les habitants des mêmes villes, les habitants des ZUS se déclarent plus souvent témoins d’actes de délinquance ou de dégradations volontaires d’équipements collectifs dans leur quartier.


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