Manifestation des précaires devant le Rectorat

« Léss amoin travay »

12 décembre 2007

Ils n’ont plus rien à perdre. Ce qui leur reste, c’est leur détermination. Soutenus par une Intersyndicale renforcée, les enseignants, certains proviseurs et élèves, après 7 semaines de mobilisation, les personnels précaires ont obtenu hier de la Région Région l’organisation d’une table ronde, fixée à lundi. Du côté du Rectorat par contre, le discours est inchangé : c’est chômage à la clé.
Un chômage est une précarité programmée par l’Etat.

Abusés, méprisés, déconsidérés, sous-payés : les agents des filières administrative et vie scolaire employés en contrats précaires depuis plusieurs années par l’Education nationale ont raison de refuser la fatalité du chômage et du RMI qui leur est promise. C’est aussi l’avis de leurs collègues titulaires, des enseignants, des proviseurs qui se sont rejoints hier devant les grilles du Rectorat pour refuser ce système de « précarité organisée ». Un élan de solidarité qui a rassemblé plus de 500 personnes.

« 
Il est temps d’arrêter avec la précarité  »

Il y a 2 ans, avec un ralliement moindre, les syndicats ont arraché la reconduction pour deux ans de contrats précaires exploités par l’Education nationale. « Il était évident que le problème allait se reposer, souligne Marie-Héléne Dor, membre de la FSU. Depuis, comme 15 ans bientôt, nous n’avons pas arreté d’alerter sur la situation de ces personnels. » Depuis plus de 10 ans, l’Etat préfère recourir aux emplois précaires plutôt que d’intégrer des titulaires. Les agents de l’Education national vont de petits contrats en petits contrats successifs, alors que la loi même voudrait qu’ils aient obtenu déjà un emploi pérenne. Aujourd’hui, ce sont 343 hommes et femmes, agents des filières administrative et vie scolaire qui se retrouveront au chômage en 2008. A cette coupe franche, qui traduit parfaitement l’ambition de rupture du gouvernement, s’ajoute l’incertitude quant à la pérennisation des fonds d’Etat s’agissant du financement des agents de la filière ouvrière, transférés aux collectivités. Il faut décompter aussi les départs à la retraite d’enseignants, soit un poste sur deux qui ne sera pas remplacé. L’École de la République se meut en un vilain petit canard boiteux qui a perdu tout ambition de réussite pour ses élèves, tout ambition visant à favoriser un enseignement de qualité. Parce que les enseignants, acteurs au coeur du système, sont parfaitement conscients de l’incohérence et de la gravité des mesures engagées, ils se sont ralliés hier en masse aux côtés des personnels précaires, rouage indispensable de la machine éducative. « Il est inadmissible que l’Etat ait laissé ces emplois précaires sans solution d’avenir, sans plan de rattrapage, affirmera Jean-François Rialhe, membre du Se-Unsa. Les professeurs seront avec vous jusqu’au bout. » « Il est temps d’arrêter avec la précarité : nous voulons un plan de rattrapage, de vrais contrats avec de vrais salaires ! », défendra le représentant FO. Les parents d’élèves, au travers de la FCPE, ont également décidé de se mobiliser. Son vice-président, Jean-Odel Oumana accuse « une totale démission de l’Etat (...) On veut les moyens pour éduquer et accompagner les élèves. » Supprimer purement et simplement des postes ou en remplacer certains par d’autres contrats précaires de 6 mois, est-ce une solution pour répondre aux besoins de l’Académie qui enregistre encore d’importants retards en termes d’effectifs ? Pérenniser la précarité est-ce une ambition digne des enjeux qui s’offrent à l’Ecole du XXIème siècle ?

« 
Le Rectorat se retranche derrière la loi  »

Le Recteur qui a reçu hier à 11 heures une délégation de l’Intersyndicale, pour un entretien baclé de 20 minutes, n’avait pas ce type de questionnements pour préoccupation. Il a à peine considéré la motion remise par les organisations syndicales (SGEPEN-CGTR, FSU, SGEN-CFDT, FO, SAIPER, SNETAA, Sud Education, SE-UNSA, SCENRAC-CFTC, SAFPTR, avec le soutien de la FCPE) qui demande, entre autres, la mise en place avant le 19 décembre d’un moratoire (voir par ailleurs) « interdisant toute fin de contrat dans l’objectif de mesures pérennes d’intégration. » Monsieur Canionni doit appliquer les consignes gouvernementales, à savoir le non-remplacement d’un agent précaire sur deux. Point. « Il ne veut même pas réfléchir à la question, considérer le contexte académique bien différent de celui de la métropole, lancer une concertation », commentait Jean-François Rialhe, SE-UNSA au sortir de l’entrevue. « Le Rectorat se retranche derrière la loi, a soutenu Christian Picard face aux manifestants. La loi disait qu’au bout de 4 ans, le personnel serait intégré, qu’il bénéficierait de formations... mais quand ça arrange, la loi, on s’assied dessus. » Décidés à être entendus, les manifestants se sont donc rendus à la Région Réunion, animés par une détermination sans faille, prêts, comme l’a rappelé Patrick Corré, secrétaire du SGEPEN-CGTR à « durcir le mouvement. Qu’on ne compte pas sur notre soumission : il y a les invertébrés, ceux qui rampent et ceux qui regardent le pouvoir dans les yeux et n’acceptent. »

La Région organise la table ronde

Une délégation de l’Intersyndicale, allégée de 5 représentants, a donc été reçue pendant près de 45 minutes par les conseillers régionaux Raymond Mollard, Yvon Virapin et le bras droit du Président de Région, Idriss Omarjee. Elle a demandé à la collectivité plus qu’un soutien par voix de motion, un geste concret pour répondre aux attentes des contrats précaires. La collectivité a donc décidé, puisque l’Etat et le Rectorat s’y refusaient, d’organiser elle-même la mise en place d’une table ronde, espace de concertation vivement sollicité par les acteurs afin de mettre à plat les besoins académiques, de dresser un bilan des conséquences des suppressions de postes et d’établir la responsabilité de chacun. « La machine est lancée, il faut rester mobilisés », soutiendra encore Christian Picard au sortir de l’entrevue, alors que Patrick Corré a invité les participants à bloquer aujourd’hui, l’entrée des établissements. De son côté, la Région Réunion a fixé cette table ronde à lundi et doit d’ici là convaincre le Département, la Préfecture et le Rectorat d’y siéger. On sait d’ores et déjà que le Président Vergès sera personnellement présent. « Nous sommes satisfaits, nous confiera encore en aparté Christian Picard pour la FSU, car tout le monde est d’accord sur le principe mais jusque là, personne n’avait bougé. » Il faut d’ores et déjà s’attendre à des perturbations dans les établissements scolaires d’ici lundi et à l’inébranlable détermination de l’Intersyndicale, ou du moins de ces premiers piliers, qui se disent prêts à confondre, à « s’occuper de ceux qui répondraient négativement » à l’invitation de concertation. Les masques vont tomber et en premier lieu celui de l’Etat qui sera conduit aux Prud’hommes pour toutes les irrégularités dont il est l’auteur à l’égard de ces personnels kleenex (travail sans contrat, succession de contrats précaires sans titularisation, absence de formation comme de débouchés...).

Stéphanie Longeras


Motion de l’Intersyndicale et de la FCPE

Hier, les organisations syndicales ont remis au Recteur une motion en plusieurs points dans laquelle elles :

- exigent le gel des 343 suppressions dans la filière administrative et vie scolaire ;

- s’inquiètent des nombreuses suppressions possibles d’emplois dans la filière ouvrière et ces incidences sur la restauration scolaire, l’hygiène, la salubrité et la sécurité des locaux et des élèves ;

- demandent que les 1200 collègues déjà en postes ne se retrouvent pas sur le bord du chemin et exigent de la part du Recteur un engagement ferme pour la mise en place, avant le 19 décembre 2007, d’un moratoire interdisant toute fin de contrat dans l’objectif de mesures pérennes d’intégration ;

- s’opposent à tout nouveau recrutement de personnels précaires et demandent la convocation de conseils d’administration extraordinaires pour s’opposer à ces nouveaux recrutements ;

- regrettent que l’Etat n’ait pas respecté son obligation de formation pour permettre aux agents précaires un accès à un emploi statutaire et/ou au minima une possible reconversion dans le secteur marchand ;

- attirent l’attention des pouvoirs publics sur la situation particulière du chômage à La Réunion et les difficultés d’accès à l’emploi ;

- Exigent du Préfet la tenue d’une table ronde réunissant le Recteur, les collectivités locales, les parlementaires et les syndicats ;

- appellent personnels, parents d’élèves, élus à unanimement porter ces revendications et à participer aux rassemblements en cours et à venir.

SL

Luttes pour l’emploi

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