La loi El Khomri veut faciliter les licenciements dans un pays où le taux de chômage est déjà proche de 30 %

Loi Travail : manifestation 14 juin contre l’explosion du chômage à La Réunion

14 juin 2016

« Le gouvernement dit que le mouvement s’essouffle mais demain, il va y avoir une très forte mobilisation », a déclaré hier Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, au micro de la radio Europe1. Ils seront en effet nombreux à participer aux différentes actions organisées partout pour demander le retrait de la loi El-Khomri. À La Réunion, une grande manifestation unitaire s’élancera du Petit Marché à Saint-Denis. Dans une île où le chômage touche près de 30 % des travailleurs, toute mesure destinée à faciliter les licenciements est très dangereuse. Manifestement, la loi Travail comporte des dispositions qui feront exploser le chômage si elles sont appliquées à La Réunion. Quelques explications.

Il y a 4 motifs possibles pour un licenciement économique : existence de difficultés économiques, mutations technologiques, cessation totale d’activité, réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité. Ils figurent dans l’article L.1233-3 du Code du travail.

En cas de contestation d’un licenciement pour motif économique, le juge doit apprécier la réalité du motif invoqué par l’employeur à l’appui de son licenciement. Il a donc le pouvoir de contrôler si les difficultés économiques existent et sont suffisamment graves pour justifier un licenciement.

Pour l’appréciation de la réalité du motif économique, les juges tiennent compte de l’appartenance ou non de l’entreprise à un groupe. En effet, si l’entreprise appartient à un groupe, la réalité des difficultés économiques sera appréciée dans le secteur d’activité concerné par le licenciement au sein du groupe, tous pays confondus.

Exemple : un groupe comprenant beaucoup de sociétés en Europe, dont une à La Réunion, travaille dans le BTP. Si cette entreprise veut licencier pour motif économique, il faut que l’ensemble des entreprises du groupe, tous pays confondus, qui ont pour activité le BTP, rencontrent des difficultés économiques.

Un trimestre de baisse des commandes suffit pour licencier

La loi El Khomri reprend les 4 motifs de licenciement économique déjà existants, mais donne une définition des difficultés économiques, qui n’est donc plus appréciée par le juge en cas de recours du travailleur. Les critères inscrits par le gouvernement dans le projet de loi sont les suivants :

soit une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires

soit des pertes d’exploitation pendant plusieurs mois

soit par une importante dégradation de la trésorerie

soit par une baisse de l’excédent brut d’exploitation

soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus.

À La Réunion, le tissu économique est essentiellement constitué d’entreprises de moins de 11 salariés. Il suffit donc qu’un patron prouve qu’il a une baisse de son chiffre d’affaires sur un trimestre pour pouvoir mettre des travailleurs au chômage. Si la loi passe, les victimes de cette décision ne pourront plus se tourner vers les prud’hommes, car ces derniers n’auront plus le droit de rechercher la réalité du motif invoqué par le chef d’entreprise.

Au départ, le projet de loi fixait un nouveau périmètre d’appréciation du motif économique en le restreignant au territoire français. Cela permettait à un groupe multinational florissant de pouvoir organiser sciemment les difficultés de ses filiales en France et être ainsi autorisé à licencier. Face à la colère de la rue, le gouvernement a supprimé cette disposition juste avant de soumettre son projet de loi au 49-3.

« Choix » entre baisse des salaires et chômage déjà autorisée par la loi

Une autre mesure favorisant les licenciements porte sur la généralisation des accords dits de maintien de l’emploi.

La loi de sécurisation de l’emploi a créé ce dispositif qui peut être conclu en cas de « graves difficultés économiques conjoncturelles dans l’entreprise ». La situation de l’entreprise fait l’objet d’un diagnostic avec les organisations syndicales. L’employeur prend l’engagement de maintenir les emplois pendant la durée de validité de l’accord (il peut être condamné au versement de dommage et intérêts s’il ne respecte pas ses engagements). Cela étant, il peut suspendre l’accord afin de procéder à des licenciements. En contrepartie de cet engagement à maintenir les emplois, les salariés voient leur temps de travail augmenté, leur rémunération baissée (dans la limite du SMIC horaire plus 20%), l’organisation de leur temps de travail bouleversée, etc. Les dirigeants de l’entreprise, les mandataires et actionnaires, sont également censés faire des efforts

Lorsqu’un ou plusieurs salariés refusent l’application de l’accord (par exemple parce qu’il est bien moins bon que leur contrat de travail), leur licenciement repose sur un motif économique et a une cause réelle et sérieuse. Ce licenciement est prononcé selon les modalités d’un licenciement individuel pour motif économique (mais avec des obligations patronales en moins) quel que soit le nombre de salarié licenciés.

Extension possible dans toutes les entreprises

La loi El Khomri prévoit que même si l’entreprise n’a aucune difficulté particulière elle peut conclure des accords en vue de la préservation ou de développement de l’emploi. La menace d’un licenciement économique pèsera donc toujours sur les travailleurs qui refusent une baisse de leur salaire ou une hausse de leur temps de travail sans compensation salariale. Toujours, car le patron d’une entreprise en bonne santé pourra imposer aux travailleurs une baisse de salaire, la loi El Khomri l’autorisera à le faire.

Suite à la pression de la rue, le gouvernement a ajouté des mesures concernant l’accompagnement des salariés licenciés. Ils bénéficieront d’un accompagnement de Pôle emploi et d’une allocation chômage supérieure à l’allocation classique. Cependant, cette amélioration reste insuffisante car l’employeur n’est toujours pas tenu de mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi (ex plan social).

Source : CGT

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