Réaction de la F.S.U. face au 16

Lundi de Pentecôte : pourquoi nous disons “non” !

4 mai 2005

Dominique Herrbach, responsable de la FSU Réunion, nous a fait parvenir un long argumentaire sur son opposition à travailler le Lundi de Pentecôte. En voici de larges extraits avec des intertitres de “Témoignages”.

(page 8)

Il y a moins de deux ans, la canicule provoquait un désastre sanitaire, indigne d’un pays moderne comme le nôtre. Environ 15.000 personnes âgées en furent les victimes, alors que le ministre de la Santé de l’époque, et l’ensemble du gouvernement, en vacances, tardaient à réagir, ne prenant aucune mesure du danger qui menaçait un grand nombre de nos concitoyens parmi les plus vulnérables.
En fait, il faut le souligner, la canicule révélait les carences du système de santé et de prise en charge des personnes âgées et dépendantes. Face à l’émotion légitime de la population, le gouvernement faisait mine de reprendre la main et proposait, sans aucune concertation et dans l’autosatisfaction qu’une "bonne idée" (J.Chirac) effacerait le mauvais souvenir de ministres aux abonnés absents, "une journée de solidarité pour assurer le financement des actions en faveur de l’autonomie des personnes âgées et handicapées".
Cette “bonne idée” est ainsi devenue une loi : à compter de 2005, tout salarié, public ou privé, travaillera une journée supplémentaire, le Lundi de Pentecôte, ou un autre jour, puisque le texte prévoit que les salariés et les employeurs peuvent négocier la forme et la date de ce jour de travail supplémentaire, qui pourrait aussi bien être le 11 novembre, comme certains l’annoncent à La Réunion, ou le 14 juillet, comme d’autres le prétendent à La Guadeloupe... (...) Cette journée ne donnera pas lieu à une rémunération supplémentaire : en échange les employeurs verseront une cotisation correspondant à une partie de la valeur théorique de cette journée supplémentaire à une caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

Un jour de plus pour tout le monde

Ainsi donc le gouvernement, dans le temps où il attaquait la Loi des 35 heures, faisait ainsi passer la durée légale du temps de travail de 1.600 à 1.607 heures. Dans les services publics, la durée du travail est allongée de la même manière et la même règle s’applique avec en théorie des négociations service par service sur le choix de la journée. Pour les personnels de l’éducation comme pour les élèves, cela se traduit par une journée de classe supplémentaire. Tels sont les faits.
À l’évidence il s’agit d’un rude coup, une nouvelle fois porté aux salariés, parce qu’ils seront quasiment les seuls à supporter le financement de la solidarité. Le refus d’augmenter ce qu’en langage libéral on appelle "les charges", surtout la partie directement versée par l’employeur (notre salaire indirect), revêt ici l’apparence la plus brutale qui soit : une journée de travail gratuite. Ce sont en définitive plus de vingt millions de journées de travail qui sont en jeu.

Du travail gratuit imposé, mais insuffisant

Par ailleurs qu’il se traduise par la suppression d’un jour férié, le sacrifice d’un jour de RTT, des heures supplémentaires non payées, il s’agit bien de travail gratuit imposé. C’est ainsi que l’a vu une confédération syndicale, la CFTC, qui a déposé sous ce motif un recours au Conseil d’État, dont l’examen en séance publique a lieu cette semaine. (...)
Par ailleurs, l’inefficacité de cette mesure est exprimée par l’actuel ministre de la Santé lui-même, qui prétend qu’elle ne suffira pas ! Les deux milliards espérés ne couvriront pas "l’étendue des dégâts", selon Philippe
Douste-Blazy, et la Caisse nationale d’assurance maladie confirme en disant que tout cela est "mal piloté et insuffisant". Comme si cela ne suffisait pas, M. Raffarin lui-même, qui met en avant la valeur travail, parle d’un "engagement personnel des Français par leur travail", en établissant ainsi un fondement idéologique à une mesure aussi injuste qu’inefficace.
De plus, au moment où le chômage officiel touche plus d’un salarié sur 10, et alors que les profits des entreprises atteignent (eux aussi !) des niveaux records, ces relents d’ordre moral constituent une provocation. Si la production du pays a besoin de ces 20 millions de journées de travail supplémentaires, pourquoi les répartir sur les seuls salariés ? Rien par ailleurs ne garantit que les fonds collectés, aillent bien à leur destination prévue, en dépit des bonnes paroles de Philippe Seguin ces jours derniers.

Une mesure pagaille

Les règles de comptabilité qui s’appliquent seront les mêmes, soyons en assurés, que pour la défunte vignette automobile. De surcroît, les exemples du Gard et du Territoire de Belfort, départements pour lesquels l’administration ayant avancé, pour des raisons de tradition touristique, au Lundi de Pâques l’application du "jour de solidarité" ont montré que cette mesure conduisait à une grande confusion et à une totale gabegie. Ce qui a caractérisé la pagaille de cette journée, et qui caractérisera, soyons en sûr, le 16 mai prochain partout ailleurs, c’est l’énorme gaspillage. Certains ont même parlé de "gâchis" (restauration, transports) : jusqu’au fonctionnement de l’école qui a connu un taux d’absentéisme record. Le coût pour la seule ville de Nîmes s’élève, dit-on, à 200.000 euros !...

Une mesure qui coûtera cher

En fait, il apparaît que dans de nombreuses entreprises voire dans les services de multiples collectivités territoriales le Lundi de Pentecôte continuera à être férié et chômé, soit parce que les employeurs acceptent de payer la cotisation supplémentaire sans contrepartie de leurs salariés soit qu’ils jouent sur les jours de RTT. C’est le cas de nombreux services territoriaux, de communes, de TF1, de la SNCF et la FCPE a appelé les parents à ne pas envoyer leurs enfants en classe ce jour-là... (...)
Cette mesure est donc plus qu’une mauvaise idée : elle est la manifestation d’un choix d’inspiration libérale, c’est-à-dire inéquitable, sous le couvert de pseudo bonnes intentions, qui font basculer l’idéal d’une nécessaire solidarité au calcul des intérêts et sans doute aussi des revanches politiques de mauvais aloi. Par ailleurs, elle coûtera aux salariés certes, mais également aux collectivités territoriales et aux communes, voire aux petites entreprises elles-mêmes, dont le chiffre d’affaires journalier est inférieur au 0,3 % cotisé par salarié, ce qui sera le cas pour nombre d’entre elles à La Réunion. (...)

Assumer cette augmentation

À l’échelle du pays, il y a deux manières d’assumer cette augmentation inéluctable :

- soit la prendre en charge, pour tous, à égalité, d’une manière socialisée et solidaire, et c’est l’idéal républicain voulu par nos pères et auxquels nous tendons ;

- soit, et c’est inéquitable autant qu’injuste, la confier à l’initiative individuelle, sur un mode “assuranciel”, et ainsi ne l’autoriser qu’à ceux qui peuvent la financer, et c’est l’option à laquelle ne se sont jamais résolus les gouvernements issus de la Résistance, et que nous refusons également.
Notre gouvernement, après la contre-réforme des retraites, et en même temps qu’il préparait la pseudo réforme de la Sécurité Sociale, a cherché à éviter ce débat. Il a choisi une augmentation de cotisation qui ne dit pas son nom, supportée quasi exclusivement par les salariés. Par la création d’une caisse spécifique, il isole une catégorie (les personnes dépendantes et/ou handicapées), en rupture avec le principe d’une sécurité sociale universelle, commune aux différentes générations, aux bien portants comme aux malades, aux pauvres et aux riches, selon les moyens et les besoins de chacun.
Comme d’autres, la FSU demande bien sûr une réforme équitable de l’ensemble du financement de l’assurance maladie et de la protection sociale. L’émergence des questions liées au handicap, au grand âge et à la
dépendance montre l’urgence de traiter cette question, en lien avec un nécessaire rééquilibrage en faveur des salaires et de la protection sociale, de la répartition des richesses produites.
Parce que nous pensons que c’est l’abandon pur et simple de cette mesure qui permettra de reposer la question du financement de la dépendance d’une manière plus équitable et durable, nous avons décidé de faire de cette journée une journée d’action, au plan national comme à La Réunion, où nous serons partie prenante des initiatives de l’Intersyndicale.

Dominique Herrbach,
Secrétaire départemental de la FSU Réunion


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