Privatisation rampante à La Poste

Lutter pour préserver l’égalité

28 juillet 2007, par Manuel Marchal

Entamée mardi dernier à l’appel de FO et de SUD, la grève au centre de traitement des colis se poursuit à Saint-Denis messagerie. Pour la CGTR-PTT et la CFDT, la Direction mène une politique de restructuration qui tourne le dos au service public tel que nous le connaissons. Les grands perdants sont les travailleurs de l’entreprise, et aussi la plus grande partie des usagers. Car, pour les syndicalistes, l’impact des décisions prises par l’Union européenne va se traduire par un service à deux vitesses. L’opinion doit s’emparer de ce combat, souligne Harry Delanay, Secrétaire général de la CGTR-PTT.

Hier, au quatrième jour de grève, les négociations au service de traitement des colis à Saint-Denis étaient en cours à l’heure où nous mettions sous presse. Mais au-delà de l’avenir d’un service particulier, celui du traitement des colis à Saint-Denis, c’est tout le fonctionnement d’un service public essentiel qui jusqu’alors satisfait ses usagers qui est en jeu.
Car pour une très grande partie des Réunionnais, La Poste, c’est là où arrivent les revenus. C’est là aussi que l’on vient payer les factures. La Poste, entreprise publique, est un facteur important de lien social à La Réunion.
C’est tout cet édifice qui est remis en cause par une politique de libéralisation. Entamée par le gouvernement Rocard à la fin des années 80 par la casse du service public des PTT en deux entités, La Poste et France Télécom, la privatisation rampante de ce secteur ne cesse de pénaliser chaque jour usagers et salariés. France Télécom est désormais cotée en Bourse, avec un actionnariat privé majoritaire. Ce qui provoque des dégâts sociaux considérables au sein de l’entreprise.

Ségrégation par l’argent

Pour sa part, La Poste reste encore une entreprise publique. Mais la mondialisation des échanges a un impact sur ses secteurs d’activités. Des directives européennes relayées par les gouvernements qui se succèdent à Paris favorisent la déréglementation. La dernière décision européenne en date est le résultat d’un vote commun des députés européens du groupe socialiste et du groupe PPE dans lequel sont inscrits les parlementaires UMP.
Il vise à achever l’ouverture à la concurrence de tous les secteurs d’activités de La Poste. L’Union européenne impose pour le 1er janvier 2011 la mise en concurrence des entreprises sur tout le courrier.
Pour Harry Delanay (CGTR-PTT), la Direction veut « adapter l’activité des agents pour qu’ils puissent travailler le samedi et le dimanche ». Il précise que cette réorganisation coïncide avec une nette hausse de la marge bénéficiaire de La Poste à La Réunion. En effet, les fonctionnaires qui partent sont remplacés par des contractuels : « Pour trois fonctionnaires partants, c’est un contractuel. La Direction va faire des gains énormes de productivité grâce à l’embauche de personnes qui n’ont pas accès aux acquis des fonctionnaires de La Poste, comme par exemple la prime de Vie chère », souligne Harry Delanay. Résultat : précarité en hausse chez les travailleurs de l’entreprise publique.
Quant aux usagers, si rien n’est fait, La Réunion subira de plein fouet l’impact de la privatisation rampante souhaitée par des directives qui suivent l’esprit de la mondialisation libérale impulsée par l’Organisation Mondiale du Commerce.
« Il y aura ceux qui pourront payer, ils auront le service adéquat. Ceux qui ne pourront pas payer auront le strict minimum, ils attendront davantage ».
C’est la mise en place d’une ségrégation en fonction des quartiers que craignent les syndicats. « Des quartiers où la population est plus riche qu’ailleurs seront favorisés, ils auront accès à tous les services de La Poste. Quant aux habitants des quartiers populaires, ils n’auront que le minimum, car les guichets qui les servent ne sont pas considérés comme rentables dans une logique de libéralisation du service ».

Faire entendre La Réunion

Avec l’application à La Réunion de la directive votée le 11 juillet dernier, c’est à terme le prix garanti du timbre qui est menacé. Sa valeur pourrait dépendre de la destination du courrier. Ce serait alors la fin de la péréquation tarifaire, une des caractéristiques essentielles du service public de La Poste.
Face à ce vaste projet, la CGTR fait une campagne d’information de tous les agents pour faire bien prendre conscience que la bataille se situe à tous les niveaux de l’entreprise, et qu’elle ne pourra être gagnée que par l’unité d’actions.
C’est en parlant d’une même voix que les travailleurs de La Poste pourront faire prendre conscience à tous les usagers des menaces qui pèsent.
Les syndicalistes comptent mobiliser l’opinion pour créer les conditions d’un rassemblement afin d’interpeller les élus, en particulier les parlementaires. Ce sont en effet ces derniers qui votent la transposition dans le droit français des directives européennes. La décision est donc dans leurs mains.
« Si le texte passe au niveau national », poursuit Harry Delanay, « il faut que l’on ait droit à des adaptations spécifiques pour La Réunion ». La lutte contre la privatisation de La Poste est une question dont l’ensemble des Réunionnais doit s’emparer, conclut le syndicaliste. Car si les projets de libéralisation aboutissent, ce sont les Réunionnais qui seront les premiers pénalisés.

Hier en fin d’après-midi, la Direction annonçait que la négociation avait abouti, et que le service de Distribution des colis du CTC reprendrait le travail ce matin samedi.

Manuel Marchal


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