La CGTR-EDF lance un préavis de grève

Menace sur le service public d’électricité dans les DOM

13 décembre 2006

Hier, la CGTR-EDF a annoncé un préavis de grève à partir du 14 décembre pour s’opposer à la politique de renouvellement du parc de production des DOM qui va avoir des impacts autant en termes d’emplois que de service public. Les syndicats veulent informer la population, interpeller les élus sur les conséquences d’une réforme qui risquerait fort d’impacter et les ménages et à terme le développement de l’île.

Le 21 septembre, EDF a présenté sa stratégie de renouvellement du parc de production du Système de l’Energie Insulaire (SEI) pour les DOM et la Corse. L’ensemble des fédérations syndicales s’est unanimement opposé au projet de filiation des nouveaux moyens de production électrique dans les DOM qui ouvre la porte à l’actionnariat, annonce le démantèlement du service public de l’électricité.

« On veut rester des agents EDF »

La création de cette filiation change clairement la donne. Une filiale indépendante à la Centrale du Port engendrera le basculement de 60 agents qui verront ainsi leur statut changer. « On veut rester des agents EDF », soutient Patrice Atchicanon, Secrétaire adjoint de la CGTR EDF.
Bien que notre île enregistre déjà un déficit de personnel EDF en rapport avec sa pression démographique, qui entrave le bon fonctionnement du réseau, la Direction estime que les nouveaux moyens de production ne nécessitent pas autant de personnel, et d’avancer le gain de productivité inhérent. Pour préparer l’installation de la nouvelle Centrale du Port qui, d’ici 2010, ne sera plus techniquement conforme, et assurer le financement du renouvellement du parc de production estimé à 300 millions d’euros (pour un budget total DOM de 1 milliard), EDF a donc choisi la délégation de service. Que la Direction locale recherche à maîtriser la demande d’énergie se comprend parfaitement, « mais là, elle se positionne avant tout en tant que commercialisateur, précise Max Banon, membre du bureau CGTR-EDF. Comment assurer le service public si ce n’est pas nous qui produisons ? ». Les actionnaires s’engageront-ils dans une politique de l’emploi ? Feront-ils du social ? Pour Guy Rupper, autre membre du bureau, « une société anonyme c’est la fin des mesures de solidarité » qui ont dernièrement été l’objet d’une large opération publicitaire martelant l’investissement d’EDF en faveur de la solidarité à l’égard des ménages les plus en difficulté pour s’acquitter de leur facture.

« Il faut un service public fort »

« Qui dit filiation des moyens de production laisse la porte ouverte à toutes les filiations dans l’électricité et à la péréquation tarifaire », poursuit Patrice Atchicanon. Une péréquation établie depuis 1946 en France métropolitaine et en 1975 à La Réunion, et qui permet un allégement de l’ordre de 20 à 25% des factures au profit des usagers. La population doit être informée de ce risque, comme les socio-professionnels, les acteurs économiques. La loi de nationalisation de 1975 précisant les missions d’EDF à La Réunion, à savoir la production, le transport, la distribution et la commercialisation, est aujourd’hui menacée. « On est en train de remettre en cause un acquis très important pour les ménages, qui verront leur facture inéluctablement augmenter », soutient Max Banon. La Métropole bénéfice d’un parc nucléaire important, mais à La Réunion, 51% de la production sont déjà dans la main du privé avec les usines du Gol et de Bois Rouge dont l’excédent tarifaire est pris en charge par le Fonds de Compensation. « Nous sommes conscients de toutes les difficultés engendrées par l’insularité, mais nous avons le devoir d’alerter la population », poursuit le syndicaliste qui relève encore que « pour le développement durable et solidaire de La Réunion, il faut un service public fort ».

Le pire est à envisager

Compte tenu de la croissance locale et du développement de La Réunion, on a besoin tous les ans d’investir 20 mégawatts supplémentaires de production. C’est énorme. Le pourra-t-on encore demain ? Pour investir dans les DOM, les nouveaux actionnaires vont attendre en retour des rentrées d’argent. Les interventions risquent de ne plus être gratuites, des coupures sur le réseau seront à attendre, un réseau qui ne sera plus forcément entretenu. Le pire est à envisager. Les syndicats veulent qu’EDF préserve l’intégralité de ses missions mais avant-hier encore, la Direction nationale leur répondait : « Soit vous acceptez les filiales, soit EDF se retire ». N’est-ce pas son objectif à terme ? Malgré les différentes tentatives de débats entre les syndicats CGT des DOM et leurs Directions respectives, malgré la constitution en octobre dernier d’une Intersyndicale la plus large possible, la Direction propose des accords de méthodes, mais pas de fonds. Deux permis ont déjà été déposés pour la création des filiales de La Réunion et de Guadeloupe.

Appel aux élus

Si à lui seul, le syndicat ne peut rien, il en appelle à l’intérêt des citoyens comme des politiques sur le sujet et souhaiterait même un grand débat sur une chaîne publique réunissant le plus large panel d’acteurs. Comme ce fut le cas dans les autres DOM, « nous souhaitons que nos élus, nos représentants interviennent aussi auprès du gouvernement. Attention, la situation peut dégénérer. Il faut que les politiques locaux mesurent l’importance de la situation et prennent leur disposition, souligne Guy Rupper. Nous, nous ne siégeons pas à l’Assemblée nationale ». En attendant, la CGTR-EDF a présenté un préavis de grève à la Direction pour un début de mouvement dès le jeudi 14 décembre, à partir de minuit, jusqu’au 26 décembre. Toute l’unité sera concernée et 50 à 80% de délestage d’électricité son prévus pour les foyers réunionnais. Ce n’est pas dans l’objectif de pénaliser la population, mais il faut agir d’une façon ou d’une autre.

Stéphanie Longeras


An plis ke sa

La Direction locale à l’écoute

Un sous-marin à la conférence de presse

Le fait est suffisamment rare pour être souligné. L’attaché de communication de la Direction locale d’EDF a été missionné pour assister à la conférence de presse organisée hier au siège de la CGTR. Refusant de justifier le but de sa présence et de faire de commentaire, les membres du bureau ont accepté avec beaucoup de fair play sa présence. Bloque note, enregistreur et même appareil photo, il a pu espionner en toute sérénité sans être inquiété. La méthode est pour le moins contestable et même à l’encontre de la liberté syndicale. La Direction est parfaitement informée du mouvement engagé. Cette présence révèle parfaitement le climat de tension, la rupture de confiance et de dialogue social au sein même de l’entreprise.

SL


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