Grève et manifestation dans la fonction publique

Mobilisation contre le désengagement de l’État

21 novembre 2007, par Manuel Marchal

Les travailleurs de la fonction publique se sont mobilisés dans l’unité d’action. En tête du défilé de chaque organisation : les précaires.

De nombreux travailleurs et étudiants ont participé hier à la grande journée de mobilisation dans la fonction publique et dans les universités. Le mouvement rejoint celui contre la réforme des régimes spéciaux de retraite, commencé depuis bientôt une semaine. Le temps fort de cette journée d’actions à La Réunion était un défilé dans les rues de Saint-Denis. Le nombre important de travailleurs présents hier dans l’unité syndicale témoigne du succès de la manifestation. Ils ont répondu à l’appel de l’intersyndicale CGTR-CFDT-UNSA-FSU-Solidaires-CFTC aux côtés de FO.
Contre la remise en cause du statut du fonctionnaire, contre la précarité, contre le désengagement de l’État, pour le pouvoir d’achat et pour un service public de qualité à La Réunion : les mots d’ordre étaient nombreux dans le cortège.
Cette action était marquée par l’unité syndicale, comme le soulignent les banderoles de chaque organisation, côte à côte à la tête du défilé.
En pleine bataille pour le maintien de leur emploi, les précaires étaient à l’honneur. Ils défilaient en tête de toutes les organisations syndicales. Plusieurs centaines d’entre eux sont sous la menace d’un licenciement par l’État après de nombreuses années de service, payées au salaire minimum. Ce projet révèle toute l’ampleur que pourrait atteindre le désengagement de l’État : des centaines de travailleurs privés d’emploi alors que le chômage a largement dépassé le seuil de l’intolérable à La Réunion.
Autant dire que le message lancé au gouvernement est clair : sa politique n’est pas adaptée à la réalité de la fonction publique à La Réunion. Au lieu de supprimer des postes, la logique est de créer des emplois afin que La Réunion puisse continuer le rattrapage des effectifs.
Après avoir convergé au Jardin de l’État, les travailleurs se sont mis en marche. Objectif : la préfecture, siège de la représentation de l’État, en passant par la rue de Paris. A la hauteur de la Mairie, le défilé s’arrête. Jean-Marc Gamarus, secrétaire général de l’URSO-CGTR prend la parole pour dénoncer le double-langage de parlementaires qui disent défendre l’intérêt des Réunionnais, mais qui à Paris votent sans sourciller des textes qui signifient le désengagement de l’État. Message adressé en particulier au député-maire René-Paul Victoria, et aux autres parlementaires UMP. « Cette mobilisation n’est qu’un début », a dit en substance le responsable syndical.
La marche s’est poursuivie vers la Préfecture.
Un défilé coloré, une puissante manifestation témoignent de la volonté des salariés de l’État et des étudiants de s’opposer à des mesures qui s’apparentent à la casse sociale.
Les transferts imposés, des menaces sur les emplois, des moyens en baisse pour les services publics, la baisse du pouvoir d’achat : l’État se désengage à La Réunion, et ce sont les Réunionnais qui paient.

Manuel Marchal


Zot la di

• Didier Debals (SAIPER)

« On ne peut pas être devant des élèves à 70 ans »

« La mobilisation est plus importante. Beaucoup d’écoles sont fermées à 100%. C’est l’inquiétude pour les retraites. Après les cheminots, les Réunionnais vont passer à la trappe.
Nous nous mobilisons pour le pouvoir d’achat, pour l’emploi. Le nombre de poste diminue dans le second degré.
L’allongement du temps de cotisation pousse à prendre sa retraite plus tard. On ne peut pas être devant des élèves à 70 ans. »

• Marie-Hélène Dor (FSU)

20% de perte de pouvoir d’achat en 25 ans

« On a une prise de conscience unitaire autour d’enjeux importants. Nicolas Sarkozy a une vision particulière de l’équité. Notre équité, ce sont de meilleures formes de retraite, c’est l’exonération des franchises médicales et judiciaire, c’est l’équité des services publics, et l’équité pour les salaires.
Depuis 25 ans, les fonctionnaires ont perdu 20% de pouvoir d’achat.
Nous nous mobilisons contre une politique visant à tout raser pour construire un monde très inégalitaire. »

• Monique Couderc (CGTR)

Amplifier la solidarité

« La mobilisation doit être plus importante, et la solidarité doit s’amplifier au Conseil Général.
Cette grève concerne tout le monde. Nous devons être tous solidaires sur de telles revendications, quand le combat est gagné, il bénéficie à tous les travailleurs, de tous les corps de métier ».

• Jacques Rocheland (CGTR-DDE)

La décentralisation inquiète

« La DDE est dans le mouvement. Nous subissons le transfert vers les collectivités et nous sommes inquiets. Notre pouvoir d’achat est en baisse depuis 2001. Beaucoup d’agents de la DDE sont présents ce matin, des camarades de l’URSO viennent du port ainsi que des dirigeants de Ports et Docks venus donner un coup de main. »

• Jean-Louis Belhotte (SGEN-CFDT)

Les trois fonctions publiques dans l’action

« La situation ne s’arrange pas, des postes sont supprimés et des départs à la retraite pas remplacés. Le pouvoir d’achat diminue. Des collègues en catégorie C gagnent à peine 1.000 euros par mois, avec une inflation à La Réunion supérieure à celle de la France.
La mobilisation va au-delà des syndicats. La FCPE appelle à participer au mouvement. »

• Armand Hoarau (UNSA)

Le service public garant de la cohésion sociale

Beaucoup d’administrations sont mobilisées, beaucoup d’écoles sont fermées. Nous sommes tous concernés par la dégradation du service public, par la baisse du pouvoir d’achat. Nicolas Sarkozy oublie que les services publics sont la garantie de la cohésion sociale, culturelle et territoriale. Il réinvente une fonction publique à l’américaine qui, aux États-Unis, n’hésite pas à laisser 50 millions de personnes sans droit aux soins.
(...) Sarkozy dit : « Je veux réformer coûte que coûte pour que les services publics soient plus rentables ». Voilà sa vision de la France. Il faudrait faire des économies. Il oublie que les services publics sont un facteur de cohésion territoriale.
Le pouvoir d’achat, c’est la relance de la croissance.

• Judicaëlle Boyer (UNEF)

« Contre le désengagement de l’État »

« Le service public remis en cause, cela touche l’université. Les étudiants revendiquent la non-privatisation des universités. Nous voulons que l’État s’implique davantage dans toutes les formations. Nous voulons également qu’à La Réunion, les étudiants soient mieux représentés dans les conseils de l’université. La nouvelle loi ne donne plus la parole aux étudiants.
L’UNEF a obtenu une baisse des frais d’inscription, elle revendique une augmentation des bourses. Elles sont insuffisantes et obligent beaucoup d’étudiants à rechercher un travail pour pouvoir payer leurs études. »

• Eric Marguerite (FO)

« Revenir à 37 ans et demi de durée de cotisation »

« Le mécontentement et la grogne sont manifestes. La mobilisation est réussie, elle est bien comprise. Nous demandons le maintien du pouvoir d’achat, des services publics de qualité et une hausse des salaires.
FO revendique un retour aux 37 ans et demi de cotisation pour avoir droit à une retraite complète. Cette mesure coûterait 6 milliards d’euros par an. Une donnée à comparer aux 15 milliards du paquet fiscal et aux 35 milliards d’exonérations fiscales.
Si le verrou des régimes spéciaux saute, alors c’est la porte ouverte au 41 ans voire plus de cotisation.
La mobilisation va s’amplifier, tout le monde a besoin des services publics.

(...) Aujourd’hui, nous défendons vos pensions, nous revendiquons des augmentations de salaires, des créations de postes. Vous avez raison : le gouvernement attaque tous azimuts. Il s’en prend aux retraites, au pouvoir d’achat, à la Sécurité sociale, à la Fonction publique, à la justice, il s’en prend à la jeunesse. Moins de services publics, c’est moins d’égalité, moins de solidarité, moins de justice, moins d’études supérieures. C’est tout simplement la fin de la République. Le gouvernement et le patronat veulent nous faire travailler plus longtemps. Ils veulent encore réduire le montant des retraites. Comme si après Balladur en 1993, et Fillon en 2003, cela ne suffisait pas. Ceux qui disent qu’il n’y a plus d’argent pour vos pensions sont tous des menteurs ».

• Jean-Claude Bénard (Solidaires) :

« Je salue les camarades cheminots de la SNCF et de la RATP, et des Universités, qui nous ont montré le chemin. Nous savons très bien qu’une grève de seulement 24 heures est insuffisante pour que l’on puisse obtenir satisfaction. Face à un gouvernement, comme on en a un à l’heure actuelle, il faut que l’on soit en permanence dans la lutte ». Le syndicaliste recommande la grève générale, reconductible.

• Patrick Corré (SGPEN-CGTR) :

Le message est clair du côté du SGPEN-CGTR. On ne touche pas à la Fonction publique et à ses fonctionnaires. Bien au contraire, on doit s’atteler à résoudre le problème de la précarité au sein de la Fonction publique. « Trop de précaires, pas assez de titulaires ». On connaît la bataille que mène la CGTR pour la reconnaissance statutaire des Agents, techniciens et ouvriers de services (ATOS).

• Christian Picard (FSU-UNATOS)

Il prône un service public de qualité et de proximité favorisant l’emploi des Réunionnais au lieu de diviser. « Le gouvernement a essayé de diviser, mais il n’a pas réussi », lance-t-il, mais déplore que depuis 1 an de lutte, l’autorité préfectorale n’ait toujours pas concédé une audience aux personnels précaires pour entendre leurs doléances. Il exige un plan de rattrapage.

• Christine Nicole (CFDT) :

« On n’a pas honte d’être fonctionnaires, on n’a pas honte de se battre aux côtés des précaires, on n’a pas honte de se battre pour le pouvoir d’achat. (...) Notre salaire n’a pas augmenté par 6 fois, alors que les prix, oui ».

Propos recueillis par Manuel Marchal et Babou b’Jalah


Grèves et manifestations du 20 novembre

Les retraités solidaires

La Fédération Générale des Retraités de la Fonction Publique (FGR-FP) apporte son soutien aux fédérations syndicales de fonctionnaires engagées dans l’action du 20 novembre 2007.
Deux revendications prioritaires pour les fonctionnaires en activité - le pouvoir d’achat et l’emploi public - sont ignorées par le gouvernement.
De plus, les suppressions d’emplois s’accumulent d’année en année et de graves menaces pèsent sur le statut de fonctionnaire comme sur les services publics en général.
Les retraités sont eux-mêmes maltraités par les pouvoirs publics qui ont décidé de diminuer leurs pensions 2008 de 0,5% !


Au Trésor Public

47% des personnels du Trésor Public de La Réunion sont grévistes le 20/11/2007.
12 trésoreries sur 17 sont fermées.
La trésorerie générale est également fermée.
La mobilisation est en marche contre la casse sociale et le démantèlement des services publics.

Luttes pour l’emploi

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