Les travailleurs de Profilage ont débrayé pendant deux heures hier

Mobilisation contre les licenciements à ArcelorMittal Réunion

22 novembre 2017, par Manuel Marchal

Les travailleurs de Profilage, filiale d’ArcelorMittal à La Réunion ont débrayé hier matin pour alerter sur un plan de licenciements qui prévoit de mettre au chômage 40 salariés sur 86. Cette affaire pose une fois de plus la question de groupes extérieurs qui viennent s’enrichir à La Réunion avant de délocaliser.

Jusqu’en 1984, Profilage était une société réunionnaise du secteur de la metallurgie. Elle fut alors rachetée par SOLLAC. Elle suit depuis les évolutions de la concentration industrielle et capitalistique dans ce secteur : filiale d’Usinor-Sacilor, puis d’Arcelor et enfin d’ArcelorMittal depuis l’OPA lancée avec succès par Lakshmi Mittal sur le groupe européen. Depuis 2006, les travailleurs réunionnais ont permis à ArcelorMittal d’accumuler un trésor de guerre de 23 millions d’euros, rappelle Jean-François Taupin, délégué syndical FO. Mais comme toute filiale d’un groupe extérieur, les bénéfices ne restent pas à La Réunion. Ils sont rapatriés vers le siège social de la multinationale située dans un paradis fiscal, le Luxembourg. Ils servent alors à compenser les déboires d’autres filiales ailleurs dans le monde. Malgré ces bons résultats, les travailleurs n’obtiennent pas d’augmentation de salaires si la société-mère ne fait pas suffisamment de bénéfices.

Jean-François Taupin affirme que « nous avons été vampirisés par ArcelorMittal ». Avec cette trésorerie de 23 millions d’euros, nous aurions pu baisser les prix pour faire face à la concurrence et améliorer notre chiffre d’affaires, souligne-t-il en substance.

Supprimer les emplois et casser le syndicat

C’est pourquoi les salariés de Profilage ont dû plusieurs fois recourir à la grève pour avoir droit à un meilleur partage des bénéfices. C’est cet élan revendicatif qu’ArcelorMittal veut briser en s’appuyant sur la loi El-Khomri. Votée l’an dernier, ce texte facilite les licenciements. Il autorise en effet un patron à mettre en œuvre un plan de licenciements, dit « plan de sauvegarde de l’emploi », si une entreprise connaît une diminution de ses bénéfices. Ses difficultés ne sont pas appréciées à l’échelle du groupe, comme l’indique la procédure en cours. C’est pourquoi les travailleurs estiment que la direction de la filiale porte une responsabilité dans la dégradation récente du chiffre d’affaires, car en 2016, Profilage Réunion faisait des bénéfices.

Le 9 novembre, les travailleurs ont été officiellement informés de ce plan. Il prévoit la suppression de 40 emplois. La conséquence sera de ramener les effectifs sous la barre de 50 salariés, ce qui fera disparaître les instances représentatives du personnel : Comité d’entreprise et CHSCT. De plus, sur les 40 licenciements prévus, 9 délégués syndicaux sur 10, tous membres de FO, sont sûrs de faire partie des travailleurs mis au chômage. « ArcelorMittal ne veut pas de syndicats », précise Jean-François Taupin. Il est à noter qu’aucune personne de l’encadrement n’est concernée par les licenciements. Ce qui fait dire à un travailleur que les salariés affectés à la production seront bientôt minoritaires à ce rythme. « Nous répondons à la violence en utilisant les droits qui nous restent », ajoute Jean-François Taupin, les salariés d’ArcelorMittal Réunion ont donc recours à des experts comptables pour contester les arguments financiers de la direction. Ils ont aussi décidé de médiatiser et de politiser l’affaire, ce que la direction reproche aux salariés, indique Pascal Lambes, délégué syndical FO. D’ores et déjà, la réunion prévue à ce sujet par la direction le 24 novembre a été reportée. Ce plan de licenciements doit de toute manière être ou pas homologué par la DIECCTE. Le résultat final sera connu le 28 janvier, avec en cas d’issue négative la publication de la liste nominative des travailleurs licenciés.

Une députée présente

La députée Huguette Bello s’est engagée à obtenir des rendez-vous à la DIECCTE et à la préfecture pour les travailleurs.

Dans son édition de samedi, Témoignages avait souligné que cette affaire allait être un test d’efficacité pour les députés. Hier, Huguette Bello a tenu une conférence de presse devant l’usine avec les délégués FO, en présence de la plupart des travailleurs qui ont débrayé entre 10 heures et midi. Elle était accompagnée d’Olivier Hoarau, maire du Port, et d’Emmanuel Séraphin, conseiller d’opposition à Saint-Paul. Elle a demandé aux autres députés de rejoindre ce combat, elle compte donc solliciter le collectif des députés de La Réunion sur ce point. Rappelons que l’élue s’était déjà impliquée dans la tentative de sauvetage de la SIB, qui s’était malheureusement soldée par le licenciement de tous les travailleurs. Interrogée sur cette question, la députée a donné sa feuille de route : obtenir des rendez-vous à la DIECCTE, à la Préfecture, et interpeller le gouvernement.

Produit réunionnais face à la délocalisation

Pour leur part, les travailleurs ont fait part de propositions. Si leur groupe estime qu’il perd de l’argent, alors qu’il laisse des travailleurs licenciés reprendre une partie l’outil de production. Le PSE prévoit en effet le licenciement de 14 travailleurs sur 15 de l’atelier huisserie, ce qui conduira à sa fermeture. Or, cet atelier est le seul à La Réunion à produire un adaptateur pour fixer une porte à fermeture trois points sur l’huisserie d’un HLM à renover sans avoir à casser le béton. Compte-tenu de la demande de ce produit dans notre île, cet atelier est viable, assurent les travailleurs. Mais tel n’est pas l’avis d’ArcelorMittal, qui veut se débarrasser du local, des machines et des travailleurs. Cela veut dire une délocalisation de la production, car cette marchandise indispensable à toute rénovation d’immeuble devra être importée.

Conscients de la difficile bataille qui s’engage, les travailleurs sont déterminés à faire échouer le plan de licenciements d’ArcelorMittal. Leur combat a déjà franchi les frontières de La Réunion. Ils peuvent compter sur le soutien de FO-Métaux, et notamment de son secrétaire général Lionel Belotti pour porter la voix des travailleurs réunionnais auprès de la direction centrale d’ArcelorMittal.

M.M.

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