Mobilisation contre le CPE à Saint-Denis

’Non à ce contrat de précarité éternelle’

17 mars 2006

Plus de 1.500 personnes ont, hier matin, à Saint-Denis, exigé le retrait immédiat du Contrat première embauche dont la paternité revient au Premier ministre.

La manifestation orchestrée par l’UNEF Réunion, la CGTR, la CFTC, FO, FSU, SAIPER 974, UNSA, US Solidaires, l’UIR-CFDT et la FCPE pour le retrait immédiat du Contrat première embauche rassemblait plus de 1.500 personnes, hier matin du Jardin de l’État à la place du Barachois à Saint-Denis.
Des représentants du Comité des chômeurs et des mal-logés du Port, de l’association Agir contre le chômage, les représentants du Parti communiste réunionnais (PCR), du Mouvement La Réunion autrement (MRA) et du Parti socialiste leur apportaient leur soutien dans cette lutte contre l’institutionnalisation de la précarité des jeunes. Ces derniers sont de plus en plus formés et qualifiés, leurs parents se sont sacrifiés pour leur donner la meilleure éducation. Et aujourd’hui, après des années d’études après le baccalauréat, Dominique de Villepin, Premier ministre et père reconnu du CPE, leur propose la précarisation de leur avenir. "Ce contrat de précarité éternelle", autre nom du CPE, "bafoue le droit syndical et les Droits de l’Homme", résume Armand Hoarau de l’UNSA.

"Période de musellement"

Les jeunes de moins de 26 ans, étudiants et lycéens, dénoncent la période d’essai de 2 ans. "Une période de musellement" selon eux où "à aucun moment, ils ne peuvent se syndiquer pour défendre leurs droits". Des parents ont accompagné leurs enfants hier matin. Ils tenaient à attribuer une note au projet du Premier ministre, celle de 0 sur 20.
Les manifestants comme d’habitude ont emprunté la rue de Paris. Ils ont marqué plusieurs pauses : à EDF pour souligner les méfaits de la privatisation, à la Clinique Saint Vincent pour insister sur le manque de lits et de personnel hospitalier, aux restaurants “rapide food” pour protester contre la précarité des employés. Tout en se dirigeant vers la place du Barachois, les manifestants ont lancé des messages de sympathie aux professionnels du tourisme stationnés devant la préfecture. Puis les représentant syndicaux ont réclamé à l’unanimité le retrait du CPE. Ils ont préconisé aussi l’amélioration des contrats en vigueur : le CDI, le CDD et les contrats d’intérim. Ils ont également insisté sur la précarisation de l’emploi depuis deux décennies avec "les TUC, CES, CEJ, CAE". Yannick Payet de l’UNEF a exigé "un vrai avenir avec de vrais contrats" pour la jeunesse réunionnaise.

Jean-Fabrice Nativel


Réactions

o Armand Hoarau (UNSA)

"Les salariés et les jeunes ont besoin de perspectives"

Armand Hoarau de l’UNSA était hier matin l’invité des Matinales de Radio Réunion avant de rejoindre les manifestants contre le CPE. Sur les ondes de la radio publique, il insistait "sur le besoin de perspectives pour les jeunes et les salariés et la modernisation des contrats existants : le CDI, le CDD, le contrat intérim". Actuellement, le dialogue social est rompu. Il appelle donc "au changement immédiat des méthodes gouvernementales".

o Marie-Hélène Dor (FSU)

"Le pire de tous les contrats"

Marie-Hélène Dor, la secrétaire adjointe de la FSU, s’interroge "sur la valeur des diplômes délivrés notamment aux jeunes réunionnais. À l’issue de leur formation, ils se trouvent nez à nez avec la précarité permanente". Les aménagements de dernière minute du CPE, elle les désapprouve et comme l’ensemble de ses collègues syndicaux, elle exige son retrait. Elle continuera avec son organisation à informer les jeunes et les parents sur les aspects de cette mesure. Pour elle, "c’est le pire de tous les contrats instaurant le licenciement sans motif".

o Christelle, Corinne, Jessie et Jean-Pierre (Agir contre le chômage)

"Le retrait du CPE et la démission du gouvernement"

Jean-Pierre Técher d’Agir contre le chômage ressent "de la révolte face aux maux de la société réunionnaise". En plus du retrait du CPE, il réclame "la démission de ce gouvernement". Christelle, Corinne, Jessie qui l’accompagnent sont venues protester contre "la régression sociale, le chômage, la précarité généralisée".

o Jean-François, employé du bâtiment

"Une utilisation abusive du 49.3"

Jean-François, employé dans le bâtiment, est venu tout simplement manifester son mécontentement vis-à-vis de "cette politique de casse sociale, de l’utilisation abusive de l’article 49.3, de la rupture du dialogue social et du mauvais traitement des travailleurs par le biais de ce CPE". Il préfère "mettre un terme à cette liste d’injustices qui serait encore très longue".

o Isabelle Saingainy, doctorante en Droit

"Une offre légale d’exploitation"

Selon Isabelle Saingainy, en classe de Doctorat en Droit, "le CPE est une offre légale pour l’exploitation de la main d’œuvre jeune et qualifiée par l’employeur. Ce dernier les prive de toute liberté d’expression au sein de l’entreprise. Avec le CPE, la jeunesse a les pieds et les poings liés".

o Éric Fruteau, enseignant et conseiller général

"Une réflexion sur l’emploi durable pour la jeunesse réunionnaise"

"Ce gouvernement face au chômage des jeunes répond par la précarité et la remise en cause du droit du travail", note Éric Fruteau, enseignant et conseiller général du PCR. Il préconise "une réflexion sur l’emploi durable pour la jeunesse réunionnaise au sein des métiers de la fonction publique, du tourisme, du sport, de la culture". "Cette mise en œuvre requiert une volonté de l’État et la prise en compte des spécificités locales", termine-t-il.

o Élie Hoarau (PCR)

"Le CPE désarme les salariés et les syndicats face au patron"

Pour Élie Hoarau, le secrétaire général du PCR, "le CPE désarme les salariés et les syndicats face au patron". Il observe "aujourd’hui le haut niveau de qualification d’un grand nombre de jeunes Réunionnais". Se pose alors une question essentielle : "comment leur procurer un emploi à La Réunion ?". Elle doit interpeller les politiques réunionnais. Certes, "l’égalité sociale a été obtenue. Mais aujourd’hui, le problème du développement de La Réunion exige un choix de développement qui doit tirer vers le haut", conclut-t-il.

o Julie Boyer du Collectif emploi en danger au Conseil général

"Trouver de véritables solutions au chômage mais pas seulement des jeunes"

Le porte-parole du Collectif emploi en danger au Conseil général, Julie Boyer remarque "le manque de perspectives sur le long terme pour trouver de véritables solutions au chômage mais pas seulement des jeunes". Avec ce CPE, "le gouvernement veut de nombreux jeunes sur le marché du travail mais sans aucune garantie", déplore-t-elle.

o Marie-Claire

"Avec le CPE, la précarité s’installe"

Selon Marie-Claire, précaire de l’Éducation nationale, "le CPE installe la précarité". Elle constate au sein de ce secteur "la baisse des moyens humains, la suppression des postes, le non-remplacement des départs à la retraite".

Propos recueillis par J.-F. N.


Réactions

oFrédéric Bergamin (FO)

"Le CPE, c’est un bond gigantesque... en arrière"

Instituteur, Frédéric Bergamin est secrétaire adjoint de la Fédération nationale Éducation et Culture (FO). Les déclarations de Laurence Parisot, la présidente du MEDEF : "la vie est courte et précaire, l’amour est court et précaire, alors le travail aussi. Pourquoi lutter contre le CPE, même la jeunesse est précaire", le font réagir ironiquement : "Le combat pour la parité fait rire, homme ou femme, un patron est un patron. On a là une jeune dame en tailleur qui combat contre la jeunesse même si elle n’a pas de costume trois pièces et de cigare." Il poursuit, s’adressant au gouvernement : "le parlement a voté, mais le vrai respect de la démocratie aurait été de tenir compte des résultats du 29 mai, le référendum est contre l’Europe. Le CPE, c’est l’Europe des multinationales, des patrons qui l’imposent. Ce sont les lignes directrices de juillet 2005. C’est une attaque contre le Code du travail français, le MEDEF ne souhaite qu’une chose : le CPE pour tout le monde. Dans le même temps, le CAC 40 a gagné 40% de profit en 2005, en janvier et février les actionnaires des 250 plus grandes entreprises de France enregistrent un bénéfice de 10%.

Se battre pour la jeunesse

Si nous sommes là aujourd’hui c’est pour la jeunesse en priorité, pour les jeunes travailleurs et chômeurs. Que leur réserve-t-on sinon la précarité et le retour au travail à 15 ans ? Avec toujours cette crainte de se voir radié du jour au lendemain. Le CPE, c’est un bond gigantesque en arrière. Si la modernité, c’est de retourner à une époque révolue, nous sommes en résistance pour défendre les acquis. Au prétexte de la lutte contre le chômage, depuis vingt ans, nous n’avons qu’une suite de propositions de contrats précaires. Est-ce que le chômage a baissé ? Non, c’est de la poudre aux yeux. La période de deux ans n’existe que pour l’entreprise estime la solvabilité de ses créances. Et bien évidemment, l’emploi ne sera pas solvable."

o Ivan Hoareau, Jean-Marc Gamarus (CGTR)

Salariés, CPE et chik

Pour Ivan Hoareau : "La mobilisation est relativement significative ce matin. C’est une première mobilisation, mais nous devrions aller crescendo dans les mobilisations à venir pour défendre le code du travail, les services publics. Les syndicats doivent se faire entendre davantage, y compris dans le cadre du chik, où les dispositifs pour les salariés ne sont pas activés."
Jean-Marc Gamarus précise : "Cette mobilisation est porteuse d’une première demande : le retrait du CPE. C’est une action contre toute sorte de précarité, pour défendre le Code du travail et dire stop à la remise en cause des services publics. C’est aussi une action en rapport avec le chik, le gouvernement verse des sommes pour indemniser les entreprises, mais autant on pense au patron, on devrait penser aussi aux salariés."

o Jean-Pierre Rivière (CFDT)

"Un passage obligé"

"CPE, CNE, c’est deux clones et ça va devenir un passage obligé pour les salariés. Ces deux contrats précaires sont les deux premières pierres du fameux contrat unique attendu par le MEDEF pour qu’il n’y ait plus ni CDD, ni CDI. En deux ans, quel projet de vie envisager ? Le gouvernement est en train d’institutionnaliser la précarité et il nous le présente, paradoxalement, dans le cadre de la loi pour l’égalité des chances.
En ce qui concerne le chikungunya, aujourd’hui les salariés n’ont rien gagné. La somme de 500.000 euros de chômage partiel est une obligation de l’État. Mais au-delà d’un mois, ce sont les Assedic qui prennent le relais. Ainsi ce sont les salariés mêmes qui contribuent au financement, la solidarité nationale fait payer ceux-là même qui en bénéficient.
Un dernier point important pour notre mobilisation reste les salaires à La Réunion. Nous connaissons une inflation supérieure à celle de la métropole, d’année en année, le salarié perd du pouvoir d’achat. Si les soldes ne fonctionnent pas cette année, c’est que le salarié n’a pas de quoi acheter, juste de quoi vivre."

o Jean-Paul Panechou (MAR)

"C’est une honte pour la France"

"C’est une honte pour la France, parce que à l’heure où les entreprises se gavent et enregistrent des bénéfices records, on s’enfonce dans une société de précarisation. Le monde de l’entreprise n’a pas envie de comprendre la jeunesse, il ne comprend que l’ultra-libéralisme. Si les grands partis de gauche avaient appelé à voter “non” au référendum, peut-être aurions-nous pu renverser ce gouvernement qui poursuit maintenant dans la surenchère."

o Christelle, jeune et consciente

"Une simple action citoyenne"

"Je suis membre d’associations, et nous ne pouvons nous contenter de proposer des emplois de plus en plus précaires. Tous les étudiants devraient vraiment prendre conscience que le CPE c’est encore plus de galère. Si je suis là aujourd’hui, c’est par simple action citoyenne", nous dit Christelle.
Dans le cortège, nous croisons d’autres jeunes, comme Leïla et Valérie : "La précarité, on sait ce que c’est. Nous sommes là de manière spontanée. Le gouvernement a une drôle de manière de concevoir la démocratie. Manifester c’est le seul moyen de se faire entendre."

Propos recueillis par F. L.


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