Les salariés de la Fonction Publique dans le chemin...

NON à la casse du service public
...à la précarisation de l’emploi
...à la baisse du pouvoir d’achat

9 février 2007

Ceux qui rêvaient d’une marée comparable à 1997 seront déçus. Mais les réalistes quant à eux comptaient plus sur une mobilisation des fonctionnaires dans la grève - elle a été très bien suivie - que sur une présence massive aux deux manifestations qui ont eu lieu à Saint-Denis et à Saint-Pierre.

Les manifestants rassemblés devant le Jardin de l’Etat, à Saint-Denis, atteignaient-ils le nombre de 1.600 avancé par l’UNSA ? Les évaluations pourront sans doute fluctuer, mais le sentiment exprimé par ceux qui étaient là ne donnait pas dans le vague à l’âme ou la déception. Les données recueillies sur la participation à la grève donnent des résultats supérieurs à la mobilisation nationale. Les chiffres enregistrés par le Rectorat donnaient 39,6% de participation dans les lycées généraux et lycées technologiques, 33,7% dans les LP, 43,5% dans les collèges, 34,7% dans le premier degré. 29,4% des personnels ATOS dans les établissements auraient suivi le mouvement. De son côté, l’UNSA indiquait une participation de ses adhérents de l’ordre de 59% dans le 1er degré et 49% dans le 2e degré.
Ils étaient venus d’un peu partout - à l’exception d’une partie de la FSU et de l’UNSA, environ 300 personnes de source syndicale, qui ont manifesté à Saint-Pierre.
Les manifestants étaient à la fois déterminés dans le refus de toutes les mesures qui viennent « casser le service public » ou remettre en question leur statut et leur pouvoir d’achat, et un peu moins assurés quant aux stratégies à mettre en œuvre pour résister et donner l’exemple d’une fonction publique “qui marche”, contre les sirènes libérales. Autre sujet d’interrogation : la mondialisation et ses effets sur les politiques gouvernementales. Qui influence qui, à quel niveau ? Comment concilier le fait de “penser global” pour “agir local”, selon une maxime qui résume assez bien les différents niveaux d’interactivité, sans pour cela indiquer forcément une voie à suivre.

Non à la « France britannique »

Sept fédérations ou union syndicales ont appelé à suivre, hier, le mouvement décidé au plan national pour protester contre les mesures gouvernementales qui démantèlent la Fonction publique. Leurs dirigeants se sont tous exprimés en fin de manifestation, devant la préfecture - UNSA, FSU, Union Solidèr, CGTR, CFDT, CFTC et FO. Les uns pour réaffirmer leur volonté de voir aboutir la création de l’Observatoire des prix. « Pour ne plus subir la loi des lobbies » a déclaré Armand Hoarau (UNSA), qui ne veut pas non plus d’une « France britannique » ni d’une Europe mondialisée. D’autres, comme Christian Picard (FSU) soulignent le mérite d’une action dirigée « contre la casse des services publics », et « inscrite dans la durée », tandis que Jean-Pierre Rivière tordait le cou au « tabou » qu’est « le pouvoir d’achat dans la Fonction publique » : « La plupart des fonctionnaires sont des cadres C qui tirent le diable par la queue », a-t-il dit en dénonçant l’absence de revalorisation des salaires de la Fonction publique « depuis 2000 ». Puis il engageait les syndicalistes à ne pas rester spectateurs de la campagne électorale, mais à « s’engager dans le débat et à dire ce qu’ils pensent des positions des politiques ».
Une position largement partagée par Ivan Hoareau, de la CGTR, parce que ces élections « sont l’occasion de mettre les enjeux sociaux au cœur des débats » a-t-il dit. « Que les politiques se positionnent sur la place du travail et des salariés dans la société », voilà ce que la plupart des syndicalistes attendent des politiques. Et encore, pas tous ! Celui dont les salariés n’attendent rien - Nicolas Sarkozy, qui sera ici la semaine prochaine - a été l’objet de tous leurs sarcasmes. « Travailler plus pour gagner plus ? Il n’y a pas de plus grande idiotie ! », a soutenu Ivan Hoareau, pour qui « l’écrasement des salaires dans la Fonction publique n’est qu’une marche pour l’écrasement des salaires du privé » . Une marche supplémentaire, alors. Parce que, pour ce qui est d’être écrasés, les salaires du privé n’attendent pas. Dans le même temps, le responsable CGTR a bien conscience de la fragilité de cette “solidarité” entre pouvoir d’achat privé et public, puisqu’à chaque manifestation de fonctionnaires, le constat est celui d’une difficulté à jeter des ponts entre ces deux univers. D’où l’utilité de l’Observatoire des prix, sur lesquels beaucoup fondent de réels espoirs, au-delà de toutes les réserves possibles. « Il lui faut des missions, un rôle et une composition clairement définis » a soutenu Ivan Hoareau, en rappelant que cet Observatoire des prix et des revenus est « une aide à la décision », ce qui indique qu’il ne peut y avoir de décision prise avant que le travail ait abouti.

Un signal significatif

C’était un avertissement lancé au Trésorier Payeur Général, dont la lettre suggérant la suppression des “35% de vie chère” en cas de congé maladie a été largement conspuée par la manifestation. Celle-ci s’était même scindée en deux juste avant l’arrivée au Barachois, une partie des manifestants voulant passer devant l’Hôtel des Impôts avant de rejoindre la Préfecture.
Malgré tous les poncifs sur les-syndicats-en-perte-de-vitesse et malgré tout ce qui est fait, dans la vie politique, pour anesthésier la démocratie et décourager les citoyens d’agir et de s’unir, le signal envoyé hier par les fonctionnaires a été un moment de mobilisation significatif. L’actualité politique retiendra que, ce même jour, est venue l’annonce du décret créant l’Observatoire des prix et des revenus, instauré par la loi d’orientation pour l’Outre-mer (LOOM) de décembre 2000.

P. David


Témoignages

• Quatre syndicalistes de l’UNSA-Territoriale en tête de manifestation

L’Observatoire : « Pour un nouveau rapport entre les salaires et les prix »

« On est surtout là pour l’Observatoire des prix et des revenus » commence Patrice Souprayenmestry, secrétaire général adjoint. Avec le secrétaire général, Jean-Marie Boyer et les deux trésoriers de l’organisation Jean-Marc Poullé et Jocelyn Gauvin, il compte sur cet organisme pour enrayer « la perte du pouvoir d’achat, par l’étude d’un nouveau rapport entre les salaires et les prix ». « L’Observatoire des prix nous permettra de savoir si on peut tirer tous les petits salaires vers le haut, au lieu que ce soit toujours la même catégorie sociale qui paie pour tout le monde ». Une doléance - sans doute exagérée- qui revient souvent dans la bouche des fonctionnaires. Eux quatre, du moins, attendent de cet organisme qu’il permette de « mettre les choses à plat et de prendre les bonnes décisions ».

• Etienne Chopot, professeur d’EPS en collège

Le sport scolaire en danger

Depuis le nouveau décret sur le statut des enseignants, les heures du sport scolaire ont tendance à être soit “grignotées” soit purement et simplement annexées au profit d’autres disciplines, par les chefs d’établissement. « Le sport scolaire est une chose utile, sur le plan de l’éducation » - plaide ce jeune enseignant, en poste au Port, où il travaille avec les nombreuses associations sportives de la ville. « Nous sommes un médiateur entre l’école et la pratique sportive civile. L’UNSS permet à 150 enfants du collège de l’Oasis (700 élèves) de pratiquer des sports pour 13 euros/an. La pratique sportive des filles est beaucoup plus élevée chez nous, par exemple, que dans les clubs. Ceux qui disent que nous leur faisons concurrence ne comprennent rien à rien ».

• Maurice Gironcel

Pour la défense du service public

« La manifestation d’aujourd’hui est surtout pour la défense du service public, attaqué de toute part. Avec la mondialisation, le libéralisme estime que le service public « n’est plus adapté ». Or que voit-on ? On a libéralisé à tout va, privatisé les services publics. Est-ce mieux organisé ? Est-ce moins cher ? Non ! Cela a juste servi à partager les dividendes entre de gros actionnaires ! »

• Huguette Bello

Contre l’appauvrissement des Réunionnais

« Les Réunionnais se sont beaucoup appauvris ces dernières années. Cette manifestation est pour la défense du pouvoir d’achat. Les quelque 11.000 employés communaux sont, pour la plupart, à moins de mille euros/mois. La situation des retraités s’est aussi beaucoup détériorée. Une infirmière vient de me dire que, quand elle serait à la retraite, elle aurait environ 800 euros/mois. Beaucoup trop de retraités doivent se débrouiller avec un revenu situé entre 530 et 600 euros/mois. La France est un pays riche, mais la société est très inégalitaire ».

• Gilbert Grondin, Direction de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Le véritable problème, c’est la mondialisation !

Ce fonctionnaire, secrétaire fédéral de FO-Finances, fait tous les jours, dans sa Direction « en cours de démantèlement », l’expérience d’une certaine impuissance. « Le véritable problème, c’est la mondialisation ! On peut crier contre un ministre, un gouvernement. Il ne sont là que pour appliquer les directives européennes, elles-mêmes dictées par l’OMC ». Quant à la fonction publique, elle lui semble condamnée à terme : postes réduits, recrutements faits à Paris... « Nous sommes une vingtaine pour nous occuper de tous les consommateurs de l’île, alors qu’ils sont 400 pour la protection des végétaux ! »

• Alain, Trésor Public

« Le TPG a voulu supprimer les 35% pour le personnel en congé-maladie, parce qu’il considère qu’il n’y a plus “activité”. C’est faux ! Il n’y a plus activité quand on est au chômage, pas quand on est malade. Il faut rester vigilant parce que cette décision n’est que suspendue. Elle pourrait revenir... »

• Sylvie, institutrice

« Je manifeste contre la précarité, contre la suppression des classes adaptées, qui accueillaient avant les enfants handicapés parmi d’autres enfants, mais avec le personnel qu’il faut. Sans une aide, notre travail ne peut avoir la même qualité : nous ne pouvons pas à la fois nous occuper d’un enfant trisomique et faire avancer à son rythme le reste de la classe. Ce sont tous les enfants qui en souffrent. »


Mobilisation du 8 février 2007

Le SGPEN-CGTR nous a fait parvenir un communiqué bilan de la journée d’hier.

« (...) Assez du blocage de salaires ! Raz le bol des suppressions d’emploi et de la casse statutaire et des services publics ! Tel est en substance le message porté par les personnels.
Afin que ce message soit véritablement entendu, il nous faudra à l’évidence remettre ça tant la surdité de ce gouvernement et de nos décideurs est forte !
(...)
A l’issue de cette mobilisation du 8 février 2007, le contentieux revendicatif demeure. Si nous voulons véritablement donner du sens à la protestation de ce jour, il nous faudra à l’évidence continuer la lutte.

Nos exigences sont légitimes :
Non aux suppressions d’emplois, restitution des emplois supprimés dans la filière administrative !
Pour que soit recréer le droit à mutation des TOS qui ,actuellement, n’existe plus !
Pour résorber la précarité en réservant les nouveaux recrutements aux personnels précaires et contractuels en postes (concours réservés),
Pour que la Région et le département mettent en place des règles transparentes de gestion des personnels TOS et que la mobilité, les recrutements, les carrières ne relèvent pas du fait du prince et d’une gestion clientéliste. »


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Témoignages - 80e année


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