Centre hospitalier départemental de Bellepierre

’Non à la criminalisation de la CGTR’

6 janvier 2005

Au cours d’une conférence de presse tenue hier matin, Marlène Jeanne, secrétaire générale de la CGTR Santé a dénoncé le climat de ’harcèlement’ dont son syndicat est la cible de la part du directeur du CHD de Bellepierre.

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Lundi, Ivan Hoarau, secrétaire général de la Confédération CGTR, dénonçait dans la presse la "criminalisation de la CGTR" par l’actuel directeur du Centre hospitalier départemental (CHD) de Bellepierre. Hier, la CGTR Santé, que dirige Marlène Jeanne, a apporté des informations relatives au fond de l’affaire.
Un conflit hiérarchique opposant le directeur, Emmanuel Bouvier-Muller, à l’un de ses directeurs adjoints, a servi de prétexte à un courrier au ministère dans lequel le directeur met en cause la CGTR, dans un salmigondis où sont également impliqués "le PCR", le "sénateur Vergès" et plus généralement l’aptitude supposée des habitants des départements d’Outre-mer aux "débordements" (voir édition de lundi).
Pour ce syndicat, un tel courrier n’est ni une bavure ni un débordement : c’est l’expression - une de plus - d’un ostracisme généralisé de la direction envers la CGTR, sur fond de "racisme anti-Réunionnais", comme le dénonçait lundi Ivan Hoarau.
Et trop, c’est trop. "La CGTR est présente dans les instances représentatives, malgré la fraude massive lors des dernières élections. Mais dans toutes les autres instances consultatives, on nous écarte. Nous ne sommes admis à débattre ni du projet social, ni du projet d’établissement, ni même du projet gouvernemental Hôpital 2007", expose Marlène Jeanne.

Plainte du directeur "pour diffamation"

Le syndicat CGTR de la Santé demande que la direction du CHD normalise ses relations et lui permette de participer à la réflexion collective. "Sur tous ces projets, nous avons des propositions à faire", poursuit sa secrétaire générale, qui en a profité pour énumérer toutes les agressions et les preuves du "harcèlement" aujourd’hui dénoncé au grand jour.

Marlène Jeanne produit notamment plusieurs courriers syndicaux à la direction faisant état de "discrimination syndicale caractérisée" ou de "délit d’entrave à l’exercice du droit syndical", en raison de quoi la CGTR est amenée, par exemple, à demander l’annulation du projet social de l’hôpital.
À la suite d’une énième protestation du syndicat, le directeur a porté plainte "pour diffamation", en visant personnellement Marlène Jeanne. "Il lui était plus facile de s’en prendre à une personne qu’à un syndicat et en me visant moi, en tant qu’individu, il cherchait à obtenir une sanction disciplinaire et mon licenciement...", explique la secrétaire générale. Cela revenait aussi à décapiter le syndicat, mais le directeur a été débouté de sa plainte.

Pas de commentaires

Les relations du directeur avec ce syndicat sont émaillées de tensions de ce type, qui ont finalement éclaté à la faveur d’un autre conflit, entre le directeur et l’un des directeurs adjoints de l’établissement, dont le premier a demandé la mutation "dans l’intérêt du service".
Il serait reproché au directeur adjoint des propos de nature à nuire à son supérieur hiérarchique, mais les “arguments” fournis au ministère par Emmanuel Bouvier-Muller s’avérant plus que fantaisistes, il n’est pas impossible que le directeur adjoint décide de contre-attaquer une nouvelle fois (voir encadré).
Devant la tournure prise par les retombées d’un courrier qu’il devait juger quasi-confidentiel, le directeur, joint hier par téléphone, adopte un profil bas et renvoie toute la responsabilité de la procédure sur l’autorité hiérarchique, dont il se refuse à commenter une décision "prise dans les formes légales". Le coup du parapluie.
Quant à la lettre par laquelle il est personnellement intervenu pour obtenir la mutation de son collègue, il se refuse également à la commenter. Le seul commentaire de M. Bouvier-Muller est pour nier toute "pratique de discrimination au CHD".
"C’est la première fois que la mutation d’un directeur adjoint demandée “dans l’intérêt du service” est attaquée devant le tribunal administratif", a commenté hier Marlène Jeanne. "Et il a déjà gagné une fois". Ce cadre a déjà réussi à faire annuler une mutation pour la métropole (lire notre encadré).
En 2003, un agent de la DRH a fait l’objet d’une mutation identique et d’un recours au tribunal administratif "pour discrimination". "L’agent a eu gain de cause devant la cour d’appel de Bordeaux. C’était une sanction déguisée", ajoute la secrétaire générale de la CGTR.
Il est certain cette fois que la CGTR ne va pas en rester là. Avec la Confédération, le syndicat Santé envisage une plainte pour diffamation et pour ce qui le concerne, il pourrait même aller demander des comptes à Paris, sur la façon conflictuelle dont est géré ce grand établissement de soins.

Pascale David


Compromis ou règlement de comptes ?

"C’est une sanction disciplinaire déguisée", proteste l’intéressé (lire ci-dessus), joint hier au téléphone. Visé une première fois l’an dernier par une mutation forcée similaire, il a obtenu gain de cause devant le tribunal administratif en septembre 2004 et considère qu’a priori, aucun élément matériel nouveau ne vient étayer cette seconde procédure.
On ne sait rien des raisons qui ont poussé Paris à épouser les vues du directeur du CHD jusque dans ses errements manifestes. Le directeur adjoint incriminé consulte actuellement un conseiller juridique sur l’éventualité d’une plainte au pénal pour "harcèlement moral".
La première mutation voulait l’envoyer en France. La seconde le destine à Mayotte, où un poste l’attendrait dès le 1er février 2005. Reste à savoir si l’intéressé va considérer cette deuxième mutation disciplinaire comme une recherche de compromis dans un conflit mal engagé, ou comme un règlement de compte aggravé.
Dans les deux cas, il pourrait avoir de bonnes raisons de refuser le poste de Mayotte, la décision de mutation venant léser non seulement ses intérêts matériels et moraux, mais aussi ceux de sa famille.

P. D.


Un air “d’ordonnance 60”
Que va faire le gouvernement ?

Dans l’affaire du CHD Félix-Guyon révélée au public par la CGTR et sa fédération-Santé, une chose est certaine : M. Bouvier-Muller, directeur de l’établissement hospitalier, ne peut pas nier l’évidence : il est bien l’auteur d’une lettre demandant que l’on hâte une mutation-sanction à l’encontre de son adjoint. Des copies de son courrier circulent. Le contenu de sa lettre est connu. Il montre que, jouant des relations politiques dont il disposait au sein du ministère de la Santé, M. Bouvier-Muller a demandé que son adjoint soit sanctionné par une mutation. Pour donner du crédit à sa demande et justifier une sanction rapide et exemplaire, il a tenu à faire savoir que l’intéressé venait d’adhérer à la CGTR, organisation syndicale "réunionnaise", laquelle, inspirée selon lui par le PCR, est très active, parfois même outrancière dans ses déclarations et qu’elle s’apprêtait, toujours selon le signataire de la lettre en question, à faire de la surenchère sociale pouvant déboucher sur des débordements. M. Bouvier-Muller n’a d’ailleurs pas caché son initiative ainsi que ses arguments puisqu’il a fait produire comme pièce justificative dans le dossier judiciaire attenant à cette affaire, sa lettre.
Il y a 40 ans - le décès récent de Joseph Quasimodo vient de nous le rappeler - en application de “l’ordonnance 60”, des fonctionnaires réunionnais étaient mutés en Métropole en raison de leur appartenance syndicale ou politique. Ils étaient accusés de vouloir troubler l’ordre public. M. Bouvier-Muller n’exige pas la même brutalité que le texte de Michel Debré. Mais il en conserve l’esprit : autant sinon plus que la faute professionnelle dont serait accusée son adjoint, il appelle à sanctionner des opinions, un engagement syndical et il n’hésite pas, au nom de sa cause, à dramatiser la situation.
Par son initiative, M. Bouvier-Muller donne l’image d’un haut-fonctionnaire désigné à La Réunion au nom de ses préférences politiques, de ses relations au sein du ministère et de sa volonté de casser du syndicat réunionnais au nom de la lutte à mener contre le PCR.
En faisant suite à la demande de M. Bouvier-Muller - une décision de mutation à l’encontre de son adjoint a bien été prise mais elle fait l’objet d’un contentieux administratif -, le ministère de la Santé a donné sa caution à la démarche du directeur du CHD. Mais, maintenant, au vu du contenu de la lettre de ce dernier, les services de M. Douste-Blazy vont-ils persévérer ? Vont-ils faire la démonstration publique que l’esprit de “l’ordonnance 60” n’est pas mort ? Leur attitude est un test vis-à-vis des organisations syndicales et vis-à-vis des Réunionnais, car pour justifier sa demande, M. Bouvier-Muller a souligné l’adhésion de son adjoint à une organisation syndicale "réunionnaise".
Enfin, le CHD Félix-Guyon est dirigé par un Conseil d’administration. Son président est un élu réunionnais. Quelle sera son attitude maintenant que le scandale est sur la place publique ?

J. M.


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