Fiscalité : le gouvernement veut baisser l’impôt des sociétés

« On est en train de casser notre système social »

24 janvier 2008

Le gouvernement envisage de baisser la fiscalité des entreprises françaises qui, selon lui, payeraient plus d’impôts que leurs homologues européennes. Mais il s’appuie sur un indicateur de la fiscalité des sociétés, alors que d’autres offrent une tout autre réalité. Permettre aux grosses sociétés de gagner plus pour capitaliser et de payer moins pour redistribuer : tel est le vrai objectif de cette mesure.

Dans un communiqué de presse en date du 18 janvier, le Syndicat National Unifié des Impôts (SNUI) réagit à cette annonce gouvernementale, estimant que « le débat sur la fiscalité mériterait de sortir du simplisme ambiant où l’idée fausse la dispute à l’idée reçue. Le veut-on vraiment ? ». A l’évidence : Non !

Plutôt que d’aller chercher l’argent là où il est...

En matière d’imposition sur les sociétés (IS), la France se situerait 6 points au-dessus de la moyenne de la zone euro (?) Le Premier ministre, François Fillon, pointe en fait le taux nominal d’imposition des sociétés pour justifier cette nouvelle prise de position en faveur des grosses entreprises, soit une approche technique parfaitement contestable. Car si l’on se réfère au poids de la fiscalité des entreprises ramené au PIB des pays européens traditionnellement pris en comparaison (voir tableau), l’on constate que les sociétés françaises ne sont pas sur-imposées comme voudrait le laisser croire le gouvernement. Au contraire. Il suffit de prendre en compte la foultitude de niches fiscales (plus de 180 à ce jour) qui permettent déjà aux plus grosses des sociétés d’échapper à la taxation solidaire pour constater que l’assiette fiscale est en réalité plus étroite en France.
Enfin, en l’absence d’harmonisation fiscale en Europe, les termes de comparaisons divergeant d’un pays à l’autre, la présentation offerte par le gouvernement est de facto hasardeuse. « On peut faire dire tout et n’importe quoi aux chiffres », estime Pascal Valiamin, Secrétaire du SNUI-Réunion. « Si la politique fiscale était plus juste en France, on pourrait faire gagner plus d’argent à l’Etat. En réalité, on fait beaucoup de vent pour les "petits", mais la politique actuelle ne vise qu’à enrichir les grandes entreprises ». Les fraudes fiscales sont nombreuses dans notre pays : la Commission Européenne évalue le manque à gagner pour l’Etat entre 34 et 43 milliards d’euros (40 à 50 milliards pour le SNUI). « Pourquoi ne pas donner les moyens aux Inspecteurs des Impôts d’aller traquer la vraie fraude fiscale ? D’aller chercher l’argent là où il est ? », interroge ainsi Pascal Valiamin. Quid encore de la taxation des stocks-options ? Démagogie enfin pour le fonctionnaire des Finances que de faire croire aux citoyens “du bout de la chaîne” que le Bouclier Fiscal est un outil de justice fiscale qui joue en leur faveur.

... « la fiscalité ne profite qu’aux très hauts revenus »

On diabolise l’impôt, alors que pour Pascal Valiamin, « il n’y a pas de sociétés sans imposition ». Car à quoi sert l’impôt si ce n’est à fournir des infrastructures, des services publics, de la santé, de l’éducation... aux citoyens ? Mais plutôt que de s’intéresser à la crise du pouvoir d’achat des Français, d’agir pour revaloriser les salaires, baisser les prix à la consommation, le gouvernement poursuit son chemin sur la voie de l’ultra-libéralisme “Made in USA”.
La crise boursière que connaissent les Etats-Unis n’est que l’amorce de ce qui nous attend : le crash des crédits accordés à des citoyens sans solde qui se paupérisent. La France n’est certes pas la première puissance mondiale, mais le peu qu’elle a dans ses caisses aujourd’hui, elle le dilapide. « La fiscalité ne profite qu’aux très hauts revenus, aux grosses entreprises, alors qu’elle devrait être un instrument de justice fiscale et sociale, défend le syndicaliste. On va baisser l’impôt des sociétés sans toucher à la TVA, ou en l’augmentant. Une TVA que tous les citoyens, quelque soient leurs revenus, payent tous les jours. Le érémiste achète sa brique de jus au même prix que le gros financeur ! ». Le gouvernement brandit les délocations, la fuite des grosses fortunes, mais sur quelles statistiques s’appuie-t-il ? « On ne dit jamais que les gens reviennent pour la qualité du service public, très appréciée aussi par les étrangers. Service public financé justement par les impôts », soutient Pascal Valiamin. « C’est de la pure démagogie ! On est en train de casser notre système social ».

Stéphanie Longeras

Pour prendre connaissance du communiqué du SNUI sur la fiscalité des entreprises http://www.snui.fr/snui-locaux/reunion/


Imposition des entreprises en % du PIB

Même au Royaume-Uni, pays dit pourtant très libéral, l’imposition des entreprises est supérieure à celle de la France !


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