Les patrons de Mr Bricolage doivent arrêter de tromper la population

Ouverture de commerces le dimanche : prétexte pour refuser d’augmenter les salaires et les bourses des étudiants

27 novembre 2019, par Manuel Marchal

Après que la justice ait rappelé que la loi limitait les ouvertures des commerces le dimanche et ait donc mis fin aux pratiques de Mr Bricolage dans ce domaine, ce dernier contre-attaque. Outre le débat sur la primauté de la « loi Macron » ou d’un accord collectif plus favorable, des partisans de l’ouverture des magasins le dimanche affirment que cette mesure rend service aux travailleurs qui ont alors un meilleur salaire. Cela veut donc dire qu’à La Réunion, des milliers de salariés doivent travailler le dimanche pour espérer toucher un salaire décent, et donc que le travail du dimanche est un obstacle à ce droit fondamental.

L’ouverture de commerces le dimanche augmente les profits et est un prétexte pour refuser les augmentations de salaire. Ici un magasin Decathlon qui comme Mr Bricolage appartient au Groupe Hayot.

Contraints par décision de justice de respecter le repos dominical à La réunion, les patrons de Mr. Bricolage à La Réunion ont décidé de contre-attaquer, ils ont demandé en référé la suspension de la décision de justice en affirmant qu’une « loi Macron » leur permet de déroger à l’obligation du repos dominical. En attendant le résultat de cette procédure, rappelons les faits.

Ce que dit la loi

Dans un communiqué daté du 22 novembre suite à la décision de justice, la CGTR Commerce indiquait que :

« Par constat d’huissier et procès‐verbaux à l’appui, il apparaît que l’ensemble des magasins de l’enseigne Monsieur Bricolage des communes de Saint-Denis, Saint-Paul, Sainte‐ Suzanne et Saint-Pierre ne respectent pas les dispositions de l’accord collectif régional relatif au repos dominical, conclu le 07 Octobre 1966. Ce dernier a été repris par arrêté préfectoral n°2184 SG en date du 19 Octobre 1966. Il traite du repos hebdomadaire dans les commerces de détail de produits non alimentaires. (Il possède un volet équivalent traitant du repos hebdomadaire dans les commerces de détail de produits alimentaires) Ces textes précités sont toujours en vigueur sur le territoire de la Réunion, ils n’ont jamais été dénoncés ni même remis à négociation paritaire. (patronat‐salariés) Il résulte des dispositions de ces textes, que les établissements des secteurs concernés doivent demeurer FERMÉS à SAINT‐DENIS toute la journée du Dimanche et, dans les autres communes de l’île (sauf Cilaos, Salazie, Le Tampon), du Dimanche 12h00 au Lundi 12h00 (…) La décision de justice rendue le 18/11/19, confirme que l’accord collectif précité ainsi que l’arrêté préfectoral sont aujourd’hui toujours en vigueur sur le territoire de la Réunion ».

Chantage à l’emploi et au salaire

En conséquence, Mr. Bricolage a dû se plier au verdict, ce qui amena son concurrent, Leroy Merlin, à faire de même.
Pour soutenir les patrons de Mr. Bricolage, certains disent que l’ouverture le dimanche toute la journée rend service non seulement aux dirigeants de la société qui peuvent écouler leur marchandise sur une période plus longue, aux consommateurs qui, soi-disant, n’ont pas d’autre moment pour faire leurs emplettes, et aux salariés qui voient l’occasion d’augmenter leur revenu.
A cela s’ajoute le fait que Mr. Bricolage recourt à des étudiants pour travailler le dimanche. En échange de 11 heures de travail par semaine, ils touchent 600 euros par mois.

Ceci rappelle qu’à La Réunion, les employeurs disposent d’un moyen de pression extraordinaire : le taux de chômage exceptionnellement élevé, près de 30 %. Cela leur permet de recruter des travailleurs très compétents et motivés, susceptibles de réaliser un important chiffre d’affaires en échange du SMIC. Ce SMIC français apparaît bien insuffisant pour faire face à la vie chère, quand en plus s’y ajoutent les dépenses de transport pour se rendre à son poste.
En conséquence, cela oblige des salariés permanents à être « volontaire » pour travailler le dimanche, afin d’avoir un salaire décent et donc suffisant pour vivre pendant un mois à La Réunion.

Cela souligne donc que ces travailleurs sont sous-payés. Les patrons de Mr. Bricolage peuvent dire merci à la crise qu’aucun gouvernement n’a souhaité résoudre depuis plus de 70 ans.

L’urgence d’une autre politique

Concernant les étudiants, il est facile d’imaginer que si l’État assumait ses responsabilités dans l’enseignement supérieur, notamment en permettant à tous les étudiants de vivre décemment, nul doute que Mr. Bricolage n’aurait pas de candidats étudiants pour travailler le dimanche.

Rappelons que le montant mensuel de la bourse la plus élevée correspond au RSA, et qu’avec cette somme un étudiant doit se loger et se nourrir. Rappelons au sujet du logement que la cité universitaire qui vient d’être livrée à Saint-Pierre propose des loyers à 300 euros, soit plus de la moitié de la bourse. Dans le privé, les loyers sont encore plus chers.
A cela s’ajoute la pression de la vie chère sur une bourse dont le montant est défini en fonction du coût de la vie en France, où il est nettement moins élevé.
Il est donc nécessaire de faire cesser ce chantage à l’emploi, et arrêter de tromper les gens en faisant croire que le travail du dimanche est une avancée sociale qui permet d’avoir un meilleur salaire.

Il est essentiel que l’État assume ses responsabilités en investissant dans l’enseignement supérieur public, et notamment l’Université, qui est sans doute le seul moyen pour des enfants issus de la classe des pauvres d’espérer en changer. Cela suppose une autre politique que le gouvernement est bien en peine de mettre en place, car son objectif est de scléroser la société dans son état actuel, pour que les enfants de la classe dominante ait l’assurance de bénéficier du même train de vie que leurs parents.

Dans ces conditions, le changement ne peut passer que par la lutte, notamment pour que les Réunionnais aient le pouvoir de fixer une politique de l’emploi garantissant aux Réunionnais le droit de travailler à La Réunion en échange d’un salaire décent.

M.M.

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