Mesures d’urgence pour l’emploi

Pas d’adaptation prévue pour La Réunion

1er juillet 2005

Depuis mardi, les députés ont entamé la discussion du projet de loi autorisant le gouvernement à prendre par ordonnances ’des mesures d’urgence pour l’emploi’. Le débat se poursuivra jusqu’à mardi où l’Assemblée Nationale est appelée à se prononcer par un scrutin public. Quelles seront les conséquences de ce vote pour La Réunion ?

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À l’Assemblée nationale, seuls les députés UMP devraient donner leur aval au texte gouvernemental sur l’habilitation des ministres à prendre des décisions par ordonnances. Et encore, les élus du parti majoritaire ne joueront-ils que le rôle de figurant dans cette pièce au dénouement écrit d’avance, puisque le vote qui leur est demandé consiste précisément à abdiquer en signant un chèque en blanc au gouvernement ?
Le gouvernement veut donc avoir les mains libres pour appliquer son programme par ordonnances durant les congés d’été.
L’initiative gouvernementale est vivement contestée sur le fond comme sur la forme.
Le recours par ordonnance qui réduit considérablement le rôle des parlementaires - ils ne peuvent pas amender les textes présentés - est contesté. "Ce pouvoir UMP pratique le coup de force permanent", "la représentation nationale est bafouée", s’est indigné, Alain Bocquet, le président du groupe communiste et républicain, qui parle d’un "chèque en blanc pour que la politique libérale se poursuive".
La quasi-majorité des organisations syndicales et l’opposition dénoncent "une aggravation avec le démantèlement du code du travail" via le fameux "contrat nouvelle embauche" à période d’essai de deux ans.
Or, force est de constater que, malgré les avertissements, le gouvernement n’a strictement rien prévu de spécifique pour La Réunion et les autres DOM. En limitant considérablement le champ d’initiative des parlementaires - répétons-le, ces derniers n’auront aucune marge de manœuvre pour amender les propositions gouvernementales - le gouvernement réduit considérablement les possibilités d’adaptation de son texte.
Or, au moins une des propositions faites par le gouvernement mériterait un examen particulier quant à son application dans les DOM.
Le programme gouvernemental de relance de l’emploi laisse place également à la question de l’emploi dans la fonction publique. Deux mesures seront mises en œuvre rapidement. Il s’agit d’une part de la suppression des limites d’âge dans la fonction publique, et d’autre part, une seconde mesure vise à la création du PACTE (Parcours d’accès à la fonction publique territoriale, hospitalière et d’État), au profit des jeunes. Le gouvernement souhaite mettre en œuvre rapidement ce deuxième outil avec un dispositif d’insertion rappelant celui du service militaire adapté pour faciliter l’accès à l’emploi public des jeunes les plus en difficulté, sans qualification et sans diplôme.
L’objectif est de leur ouvrir une nouvelle modalité de recrutement pour l’accès aux corps et cadres d’emplois de catégorie C par la voie de la formation en alternance, qui conduirait à la titularisation après vérification des aptitudes professionnelles. Les personnes recrutées selon cette procédure feraient l’objet d’une exonération de cotisations sociales.
Un tel dispositif rappelle dans son esprit les modalités de recrutement au début des années 60 à La Réunion d’enseignants - plus exactement d’instituteurs des écoles primaires - ayant le niveau du Brevet élémentaire. Il se rapprocherait aussi de la mesure qu’avait mise en œuvre l’ancien président du Conseil général, Éric Boyer et qui avait imaginé un mode d’accès spécifique à la carrière d’enseignants.
Une telle solution devrait permettre de recruter du personnel dans la fonction publique territoriale. Elle permettrait aussi de régler au mieux la question d’un meilleur recrutement local.
Il aurait cependant fallu qu’elle soit discutée par l’ensemble des partenaires sociaux locaux. C’est en ce sens qu’a plaidé Gélita Hoarau ; devant le Sénat, l’élue communiste a proposé au gouvernement de faire une pause dans les réformes à La Réunion afin de procéder à un bilan et à l’organisation d’une large concertation pour la recherche de solutions. Le gouvernement peut encore entendre ce discours, s’il le souhaite.


La Réunion traitée à part ?

Lors du Conseil des ministres qui s’est tenu mercredi, François Baroin, ministre de l’Outre-mer, a présenté une communication relative à l’action du Gouvernement dans les départements français d’Amérique. "Cette communication fait suite au premier déplacement du ministre en Guyane, en Guadeloupe et en Martinique du 16 au 21 juin 2005", indique le communiqué du MEDETOM.
Pour sa première intervention en Conseil des ministres où il a été amené à faire le point sur son action, le nouveau ministre de l’Outre-mer a tenu à distinguer le cas de La Réunion des trois autres DOM que sont la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique.
S’agit-il d’une distinction dictée par les seules circonstances ? Lorsqu’il a rencontré pour la première fois les parlementaires d’Outre-mer rue Oudinot, dès sa nomination, François Baroin avait laissé entendre qu’il traiterait les situations au cas par cas. Le nouveau ministre se situerait-il dans le droit fil de la philosophie développée par Jacques Chirac à la présidentielle ? Le candidat de l’UMP avait déclaré qu’il fallait faire désormais du “sur mesure”. Cette orientation connut une première application avec la révision constitutionnelle puisque La Réunion n’a pas la possibilité d’adapter certaines lois.
Jusqu’où ira cette ébauche d’un traitement différencié ? Sera-t-elle suivie d’effets ? On en saura certainement plus avec le voyage qu’effectuera dans notre île François Baroin dans la deuxième quinzaine de juillet.


Le point de vue d’“Agir contre le chômage à La Réunion (A.C. Réunion)”

"Peut-on encore parler du plein emploi ?"

L’emploi est à la mode, à la mode de l’emploi précaire. L’emploi précaire, c’est les congés non payés (chômage), la RTT contrainte et non rémunérée (temps partiels), la retraite sans pension et avant l’heure (interdiction du RMI aux moins de 25 ans). La précarité de l’emploi, c’est le travail sous contrôle. Chômeurs et fainéants (ceux qui refusent la production débile, les salaires de misère et l’exploitation) sont "accompagnés" dans le cortège des contrats pourris : contrats d’avenir, contrats d’insertion, RMA, emploi-tremplins..., derrière les paillettes du "suivi personnalisé" : contrôle, revenus en chute libre, subvention aux employeurs, emploi forcé et salaire en miettes quand d’autres ont droit à la brioche. Pour les salariés "classiques" (non précaires ?), c’est la peur entretenue du licenciement, du non-renouvellement de poste etc....
L’emploi précaire ne garantit plus le salaire. Le SMIC n’est plus mensuel mais "horaire". La flexibilité, c’est le bénévolat du temps d’astreinte, de chômage, c’est la rémunération calculée selon le planning de l’employeur.
L’emploi précaire explose ! La France compte probablement près de 10 millions de précaires. Plus d’un million et demi de travailleurs pauvres. 20% sont "pourtant" en CDI et vivent avec mois de 557 euros par mois. 3 SDF sur 10 occupent un emploi. À l’échelle européenne, les précaires constituent 17% de la population.

Nous voulons le plein emploi de nos vies !

On dit minima sociaux pour ne pas dire maxima patronaux. RMI, ASS, allocation chômage et autres systèmes de solidarité sont vus comme un coût. On préfère les dîners caritatifs (bonne conscience), où on discute du démantèlement de la solidarité. Les architectes de la nouvelle donne du travail s’amusent à communiquer dans leur novlangue. Ils disent "activations des dépenses passives" pour ne pas dire travail forcé ; ils revendiquent la "baisse du chômage" pour masquer les radiations ANPE ; ils soutiennent la "professionnalisation des jeunes", au lieu de parler de stages en entreprise non-payés ; ils autorisent les expulsions des "mauvais" locataires et se mettent en deuil le jour de la mort du pape !
Le plein emploi d’antan, ce "paradis" perdu que quelques nostalgiques aspirent à retrouver, n’est plus. Devons nous regretter ce temps où il fallait trimer à vie pour gagner sa retraite (et mourir sans en profiter) ? Nous voulons le plein emploi de nos vies !

Qui vit au-dessus de ses moyens ?

Aujourd’hui, les différents temps de vie sont sources d’enrichissement pour l’entreprise. Nos "loisirs" devenus biens de consommation (culturels ?) se vendent en publicité sur nos temps de "cerveau disponible". Découverts bancaires, crédits à taux usuriers, même la misère de nos revenus engraisse les banques...
Nous sommes sommés d’être disponibles, de nous former pour être plus productifs, d’accepter de maigres salaires pour rester compétitifs. Notre disponibilité, notre flexibilité, nos savoirs sont une mine d’or. Historiquement stratégies de fuite hors de l’emploi à vie, flexibilité et mobilité sont désormais requises et exploitées lorsqu’elles s’engouffrent dans les soupiraux de l’emploi précaire ; elles sont visibles, productives et payées de cacahuètes. Mais lorsqu’elles tourbillonnent et produisent partout ailleurs - quand nous produisons gratuitement du commun autrement, lorsque, par exemple, nous fabriquons la plus grosse encyclopédie universelle sur Internet, lorsque nous apprenons à l’université ou chez notre voisin menuisier - c’est encore moins que “peanuts”. Ces exigences, l’employeur ne veut pas les rémunérer : seul le travail productif pour lui sera payé. Le reste, à chacun de l’apporter en dot et seule l’entreprise en profitera... Le plein emploi est devenu plus qu’une denrée rare, une espèce en voie de disparition alors que faire ? Construire des niches de solidarité, d’entraide, d’échange, des espaces où nous pourrions vivre. Peut-être aussi, batailler pour de nouveaux droits sociaux. Parce que nous refusons que le droit à la vie ne s’achète qu’à la sueur de son front. Il n’y a pas de programme préétabli, il y a tout à (ré) inventer. À nous de le faire.
D’après le ministre de l’Économie, la France vivrait au-dessus de ses moyens ! Mais c’est surtout l’État français avec ses dépenses de prestige, les appartements luxueux qu’occupent ses ministres comme Gaymard au frais des contribuables, la France qui vit au-dessus de ses moyens c’est la France d’en haut, la France qui baisse l’impôt sur la fortune, celle qui fait des cadeaux royaux aux patrons alors que les profits des entreprises flambent ; c’est la France qui combat les chômeurs au lieu de combattre le chômage.

Pour A.C. Réunion,
Jean-Pierre Técher


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