Assemblée générale des travailleurs de l’enceinte portuaire :

« Pas de nouveau statut, pas de modernisation sans concertation »

4 mars 2008

La Fédération CGTR Ports et Docks a tenu hier une assemblée générale à laquelle était conviée la totalité des travailleurs du port. Par la mobilisation du 6 mars, les responsables syndicaux appellent à envoyer « au gouvernement et au patronat un signal fort » : contre la casse sociale et contre toute réforme portuaire qui ne serait pas négociée avec l’ensemble des travailleurs du port.

A trois jours de la mobilisation syndicale du 6 mars, la Fédération CGTR Ports & Docks - par la voix de Jacky Joseph, Secrétaire fédéral, Danio Riquebourg, Secrétaire général adjoint et Michel Séraphine, Secrétaire général - appelle au rassemblement unitaire de tous les travailleurs et lance un avertissement sur la façon dont est menée la réforme portuaire outre-mer.
Outre les causes de mécontentement générales liées « à la perte du pouvoir d’achat, à la régression sociale et à la casse du Code du travail » (voir ci-dessous), un malaise plus profond touche les travailleurs de l’enceinte portuaire, que Michel Séraphine, Secrétaire général de la fédération CGTR Ports & Docks, invite à « manifester jeudi sous nos propres revendications ».
Celles-ci ont un rapport avec la façon dont le gouvernement envisage la réforme des différents ports. Ports autonomes ou ports concédés, tous devraient voir leur sort scellé vers le milieu de l’année 2008, date à laquelle la France accèdera à la présidence de l’Union européenne. Et les syndicats s’inquiètent de la façon dont ces réformes sont engagées.
Michel Séraphine a fait un bref rappel de la situation.

Le retour de réformes deux fois rejeté

Les travailleurs des ports, en Europe et en Outre-mer, se sont opposés par deux fois, en 2003 et en 2006, à des directives européennes qui visaient « à transférer aux compagnies maritimes des activités jusque-là dévolues aux professions portuaires ». Les deux fois, les directives présentées devant le Parlement européen ont été repoussées, ces rejets s’accompagnant, surtout en 2006, de vives manifestations.
Malgré le renvoi de la directive Loyola de Palacios, par 19 voix en 2003 et celui, plus prononcé, du texte remanié présenté trois ans plus tard par le commissaire Jacques Barrot, les organisations syndicales des travailleurs portuaires sont restés sur leur garde.
L’International dockworkers’ Council (IDC), présente à l’Assemblée générale de Los Angeles, estimait alors que la réforme portuaire que les patrons n’ont pas pu faire passer par le Parlement européen sera représentée « Etat par Etat par voix législative ». Et Michel Séraphine de confirmer que c’est exactement ce qui est en train de se passer.

Des représentants des salariés exclus !

Les différents faits dont il a donné connaissance hier à l’assemblée générale sont, a-t-il dit, les étapes d’une réforme « qui ne dit pas son nom ».
Il y a eu cette réunion des 13 et 14 décembre 2007, à Marseille, à l’initiative du Président de la CMA-CGM, Jacques Saade, et en présence de Dominique Bussereau, Secrétaire d’Etat aux Transports, à laquelle participaient l’Union nationale des industries de manutention (UNIM) et l’Union des Ports autonomes et des CCI maritimes (UPACCIM) présidée par Michel Quimbert, de Nantes-Saint-Nazaire. Mais pas de représentants des syndicats de salariés, dans ce conclave réunissant patronat et gouvernement pour évoquer la réforme portuaire et le statut des ports !
L’affichage gouvernemental parle d’une réforme des 7 ports autonomes, auxquels s’ajoute celui de Guadeloupe : le calendrier des négociations parle d’une réforme légiférée d’ici l’été 2008.
Mais un tout petit paragraphe, à la fin du document traitant des ports autonomes, a attiré l’attention de tous les syndicalistes portuaires. Il y est dit que, parallèlement, dans les ports d’Etat d’Outre-mer, une mission d’enquête fera connaître ses conclusions à l’été 2008 - ce qui s’appelle pour le moins une convergence des calendriers. Il n’y aurait peut-être pas lieu de s’alerter si les salariés étaient associés aux négociations en cours et s’ils en connaissaient le contenu.

Les privés se répartissent les marchés portuaires

En France, où la Fédération nationale CGT Ports et Docks présidée par Daniel Lefèvre a exigé et obtenu de participer à la réunion du 21 février dernier au siège de l’UNIM, à Paris, le message des organisations de salariés a été clair : “Pas question de céder sur la maîtrise publique des ports”. Pas question non plus - ajoute Michel Séraphine - de laisser ces outils « entre les mains d’une minorité de nantis, qui décideraient tous seuls ».
La crainte des travailleurs portuaires, dans le contexte particulier de La Réunion et dans le contexte de l’océan Indien, est de voir le port passer sous la coupe des multinationales, dans le cadre d’une répartition des marchés de la zone entre grandes compagnies. Pour quelles autres raisons les chantres de la libéralisation auraient-ils agité la marionnette Virapoullé et ses vitupérations contre la décentralisation des ports de l’Outre-mer ?
Et pour quelles autres raisons le n°2 de la CMA-CGM est-il venu à La Réunion, courant février, discuter en cercle restreint - avec le président du syndicat patronal des entreprises de manutention, Jean Brac de la Périère et avec le président de la CCIR, Eric Magamootoo - des perspectives du port et de son statut, toujours sans les représentants des salariés ?
Le schéma décrit par Michel Séraphine, dans le cadre d’une mainmise des grosses compagnies privées - CMA-CGM, Maerks et MSC - qui desservent La Réunion et qui comptent parmi les premières compagnies mondiales, est celui d’un contrôle de toute la chaîne, « depuis le départ nu usine jusqu’à l’arrivée chez le client ».
Et comment s’exerceraient, dans ces conditions, la concurrence sur les prix et la transparence sur leur formation ?

Une modernisation concertée

Le port de La Réunion, en tant que port concédé, connaît une situation particulière. C’est aussi un port d’intérêt régional cherchant à assurer son positionnement dans l’océan Indien. « Nous sommes un des rares ports concédés à avoir encore plus de 200 salariés dans les diverses activités portuaires : manutention dans les différents terminaux - conteneurs, terminal céréalier, terminal sucrier, bitumier, maintenance, déchargement des carburants », a déclaré Michel Séraphine. Au final, c’est beaucoup plus de manutention - et entre autres, plus d’emplois - que dans les autres ports concédés, et c’est ce que le gouvernement s’apprêterait à laisser aux privés.
Cette menace de privatisation silencieuse, non concertée, s’accompagne d’autres mesures de refonte qui, parce qu’elles se préparent dans le dos des salariés, ont tout l’air de mauvais coups auxquels les travailleurs préfèrent s’opposer tant qu’il est temps. Qu’en serait-il des conventions collectives de Chambre de commerce ou de manutention portuaire, dans le cas de transferts aux privés ?
Les salariés portuaires ne sont pas opposés à la modernisation du port. Ils ne veulent pas qu’elle se fasse sans eux, et encore moins contre eux. « Depuis 1994, nous demandons qu’il y ait une amélioration du travail. Il y a eu des accords signés, mais ils ne sont pas respectés. L’accord de place portuaire, par exemple, parlons-en ! Sans accord de place portuaire, qui garantira l’emploi demain, dans le contexte d’une mainmise des grosses compagnies sur les outils portuaires ? », a ajouté le secrétaire général de la Fédération CGTR.
Contre ce qu’il a appelé « la loi du silence » et les manigances politiques de ceux qui, comme le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, appuient le mouvement de privatisation, Michel Séraphine a fait voir aux salariés qu’ils avaient deux ripostes possibles : dans la rue le 6 mars et dans les urnes le 9.

P. David


Le 6 mars : Une journée de résistance « aux attaques tous azimuts »

Après Jacky Joseph, secrétaire fédéral et délégué syndical à la SAMR, qui a alerté les travailleurs sur les modifications du Code du Travail les plus lourdes de sens, en particulier en matière d’Hygiène et Sécurité, Danio Ricquebourg, secrétaire général adjoint de la Fédération Ports & Docks, a résumé les principaux motifs d’opposition des travailleurs à la politique générale du gouvernement.
Ce sont d’abord les difficultés dues à la flambée des prix. Et, dans ce que le gouvernement appelle la « modernisation » du travail, quantité de mesures inquiète les salariés. « Kan in moun i sign son contra jordi, li aksèpt sak i apèl la “séparabilité à l’amiable”. É li gingne pï alé o prudhommes. La retraite, i vé fé pass nout sistèm retrèt par répartision dan in sistèm lassirans privé. La Sécurité social, parèy : li vé fé kit anou le sistèm Sécurité social de solidarité, pou pass dan in sistèm lasirans privé ou sa nora rienk domoun nana larzan va gingne fé soign ali. Li apèl sa refonte, nou ni apèl sa in sistèm de kass du travay. Tout lé fé pou ke le patron li fé ninport koi dan lantropriz », a développé le responsable syndical.
A La Réunion, où 80% des entreprises sont de très petites unités, une mesure comme celle avancée par l’article 37 du rapport Attali - repoussant le seuil de représentativité dans les entreprises - aboutirait pratiquement à chasser toute représentation syndicale des quelques entreprises où elle s’est péniblement instaurée. C’est la nouvelle conception du “dialogue”. Les syndicalistes ont relevé encore d’autres propositions du même acabit, qui viennent complètement brouiller les règles du dialogue social ou des négociations. Ainsi, de l’accord dit “majoritaire”, qui permettrait à des syndicats - minoritaires en adhérents - de signer avec le patron, pourvu qu’ils soient numériquement majoritaires...
« Nou asist a in dériv : tout sak le patrona i doi péyé - la formasion aou, la sékirité aou - li fé pèy par bann salarié, sinonsa par lé kontribïab. E tousala, zot va fé rienk apré bann zélèksion » !


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