Un dossier du “JIR” sur la préférence régionale

Paul Vergès : « C’est une question sensible »

28 août 2004

Dans le cadre du dossier que le Journal de l’île a consacré à la question dite de la “préférence régionale”, Paul Vergès a fourni à notre confrère les réponses suivantes. Les intertitres sont de Témoignages.

Êtes-vous favorable ou non à l’instauration du principe de préférence régionale en matière d’emploi (privé/public) ?
C’est une question sensible qui mérite qu’elle soit abordée avec esprit de responsabilité sans passion ni démagogie. Je prends acte que le débat, jusqu’ici sous-jacent, est aujourd’hui ouvert dans la société réunionnaise à différents niveaux. Je considère qu’il convient de poser un certain nombre de préalables au débat.
1°) D’abord il faut s’entendre sur la définition de “Réunionnais” : est, à mes yeux, “Réunionnais”, toute personne qui a fait le choix d’établir définitivement à La Réunion ses intérêts matériels et moraux ;
2°) Nous devons absolument préserver le caractère ouvert de notre société. La Réunion est dès le début de son peuplement, une terre d’immigration et nous devons rester fidèles à cette tradition. La mobilité, les échanges, le métissage biologique ou culturel sont des éléments fondamentaux de notre identité.
Ces préalables étant posés, ne pas prendre en compte les sentiments de frustration ou d’injustice vécus de plus en plus mal par de nombreux Réunionnais qui ont des difficultés à accéder au marché de l’emploi, serait la pire des attitudes.
Faire la politique de l’autruche et nier ce problème ; c’est s’exposer à des dérives qui risquent de transformer telle ou telle catégorie de la population en “bouc émissaire”, comme on peut le constater dans certains pays.
Dans le contexte de La Réunion, marqué par un chômage massif, il faut effectivement créer les conditions d’un meilleur accès des Réunionnais à l’emploi.

Une région défavorisée

Quelle définition précise donnez-vous à ce terme de préférence régionale ?
La préférence régionale, selon l’opinion la plus répandue, c’est privilégier le recrutement local chaque fois que la compétence requise pour occuper l’emploi est disponible localement.
Il s’agit donc de favoriser l’accès des Réunionnais à l’emploi dans l’esprit même du principe d’égalité : ce principe signifie que des situations d’inégalités justifient des traitements adaptés. Or, La Réunion est une région défavorisée, frappée par un chômage massif avec de surcroît, l’émergence d’une génération de jeunes chômeurs diplômés.

Dans le cas où vous y êtes favorable, comment l’appliquer concrètement ? Quel public viser ?
Il faut effectivement distinguer le secteur public du secteur privé ; dans le secteur public, les règles de mobilité de la fonction publique sont incontournables mais elles ne sont pas incompatibles avec des dispositifs de "politique positive". C’est par exemple la bonification de barème dont bénéficient les originaires d’outre-mer.

Offrir les perspectives d’emplois

Dans le même esprit, on pourrait envisager en concertation avec les organisations syndicales, que certains postes du secteur public, ne soient pas systématiquement mis au mouvement national ; dès lors que des candidats de La Réunion ou originaires et désireux de retourner dans l’île répondent aux conditions d’affectation. Ils devraient alors être “priorisés”. Nous souhaitons également préparer les jeunes Réunionnais aux concours de la fonction publique, surtout si l’on s’engage dans une politique de rattrapage des retards. C’est notre proposition de créer à La Réunion un IRA (Institut régional d’administration).
Dans le secteur privé, il est beaucoup plus facile de favoriser le recrutement local par une meilleure gestion prévisible du couple formation-emploi.
C’est l’un des objectifs du futur Plan régional de développement des formations (PRDF) dont l’élaboration est lancée cette année.
Nous l’avons atteint, par la formation de Réunionnais pour le chantier de la route des Tamarins ou dans le secteur de l’aéronautique, en ayant anticipé l’ouverture des nouvelles liaisons aériennes avec Paris. Dans ces différents secteurs, la mise en place de formations spécifiques a permis aux Réunionnais d’occuper la plus grande partie des emplois créés.
Offrir les perspectives d’emplois à nos jeunes Réunionnais de plus en plus formés et diplômés et leur permettre d’accéder à des postes de responsabilité, est l’une des exigences de la cohésion de la société réunionnaise et du développement durable de notre île.
Nous devons le faire dans un esprit d’ouverture en valorisant notre principal atout : la jeunesse.


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