Un article de Daniel Lallemand

Pentecôte : “le souffle saint” confisqué

14 mai 2005

Le Lundi de Pentecôte travaillé imposé par le gouvernement suscite un grand mécontentement chez les travailleurs qui se sentent victimes car obligés de travailler un jour de plus non rémunéré. Les syndicats doutent de l’honnêteté du gouvernement qui justifie cette suppression d’un jour férié pour aider les personnes âgées et handicapées.
La grève générale du 16 mai sera l’occasion pour tous d’exprimer haut et fort qu’ils ne sont pas dupes et qu’ils refusent de participer à cette “fausse solidarité” qui pourrait avoir de graves conséquences pour La Réunion mais aussi pour la France entière. Daniel Lallemand nous a fait parvenir le texte ci-après.

(Page 7)

Pentecôté : le mot vient du grec “pentécosté” qui signifie “cinquantième”. La Pentecôte est en effet célébrée cinquante jours - plus exactement sept semaines après Pâques. Fête juive à l’origine, elle commémorait la remise à Moïse des Tables de la Loi cinquante jours après la sortie d’Égypte. Chez les chrétiens, elle rappelle la venue du Saint-Esprit sur les premiers croyants cinquante jours après la résurrection du Christ.

Anachronisme

À vrai dire, parler de Saint-Esprit dans le contexte de l’époque - soit aux alentours de 30 de notre ère - constitue un anachronisme grossier. Personne n’aurait pu alors concevoir que Dieu, l’Unique, se composait de trois personnes distinctes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Le Père, oui, était connu - on l’appelait Dieu tout court ou encore le Seigneur - mais le Fils ne devait être divisé qu’au 2è siècle. Quant au Saint-Esprit, personne n’en avait jamais entendu parler.
En fait, rien n’était plus étranger aux juifs, comme aux premiers chrétiens, que la notion de “Trinité”, si familière aux chrétiens d’aujourd’hui. Le mot lui-même n’apparaît pour la première fois dans la littérature chrétienne qu’à la fin du 2ème siècle sous la plume de Saint-Théophile, évêque d’Antioche. Il ne sera repris en Occident qu’au 3ème siècle par Tertullien, prêtre à moitié hérétique. L’officialisation de la Trinité et du Saint-Esprit n’interviendra qu’au 4ème siècle, au concile de Nicée.

Les langues de feu

Voyons cependant ce qui s’est passé à Jérusalem, en l’an 30 de notre ère, le jour de la Pentecôte juive - les premiers chrétiens n’avaient pas encore rompu avec le judaïsme. Les actes des apôtres (2,1) rapportent que les “croyants” étaient ce jour-là, réunis dans une chambre à l’étage d’une maison. Il y avait-là les douze apôtres (Judas ayant été remplacé par Matthias), les frères de Jésus, et leur mère Marie. À propos de cette dernière, personne à l’époque, et elle moins que quiconque, ne se serait imaginé qu’elle était vierge. Sa “virginité perpétuelle” ne commença à être énoncée qu’au 4ème siècle.
Le récit est bref : "Provenant du ciel, un bruit soudain, semblable à un vent violent, envahit la maison où ils se trouvaient. Ils virent des sortes de langues de feu se répartir et se poser sur chacun d’eux. Tous à ce moment, comblés du souffle saint, parlèrent chacun selon ce que le souffle leur donnait à dire, des langues étrangères."
Dans le texte ci-dessous, tiré de la “Nouvelle traduction” de la Bible éditée en 2001 par Bayard, on notera que le traducteur a su éviter l’anachronisme signalé plus haut, en traduisant correctement par “souffle” le mot “pneuma” du manuscrit grec.
Quoi qu’il en soit, le souffle de Dieu se manifesta une deuxième fois quelques jours plus tard au bénéfice d’un second groupe de croyants : ils achevaient une prière lorsque "le lieu où ils étaient rassemblés trembla. Tous furent remplis du souffle saint et ces hommes soudain dirent avec audace la parole de Dieu".

Confiscation

Il n’y eut, hélas !, plus jamais d’expérience du même genre dans la chrétienté. Le souffle saint cessa de descendre spontanément sur les humains. Il lui fallut désormais emprunter le canal de l’Église, soucieuse de s’interposer comme intermédiaire obligé entre Dieu et les fidèles. Toute une série de sacrements furent établis à cet effet, celui de la Confirmation étant censé “communiquer la plénitude des dons du Saint-Esprit”.
Les chrétiens y trouvent-ils leur compte ? On peut en douter. La venue du souffle saint, rebaptisé Saint-Esprit, a été dépouillée du caractère spectaculaire qui en faisait tout le prix : plus de bruit venant du ciel, plus de tremblement de terre, plus de langues de feu se posant sur les fidèles. Quant au don des langues étrangères, il s’est perdu à jamais, de sorte que nos jeunes aujourd’hui son astreints à de rudes efforts pour espérer en maîtriser une ou deux. Finalement, bien peu de croyants de nos jours ont l’impression, après avoir reçu la Confirmation, d’être “comblés du souffle saint”.
La volonté de l’Église de s’assurer le contrôle du Saint-Esprit a entraîné une autre conséquence fâcheuse : la falsification du Notre Père, cette prière enseignée à ses disciples par Jésus en personne. En effet dans l’Évangélion - un évangile fort en vogue au 2ème siècle - la prière dominicale débutait en ces termes : "Père, que ton souffle saint soit sur nous..." De même, dans une version primitive de l’évangile de Luc, Saint Grégoire de Nysse se souvenait d’avoir lu : "Père, que ton souffle saint vienne sur nous et nous purifie."
Hélas ! Cette belle formule a disparu du Notre Père d’aujourd’hui. Elle a été remplacée par une autre d’une platitude affligeante "que ton nom soit sanctifié" ou encore en créole par : "Aou nout papa dann syèl, amonte vrémen kisa ou lé". Le message est clair : ne demandez plus à Dieu de vous purifier de son souffle saint. Adressez-vous à l’évêque, seul habilité à vous “communiquer la plénitude des dons du Saint-esprit”. L’opération est sans douleur : vous ne sentirez rien.

Daniel Lallemand


“Témoignages” ne paraîtra pas lundi

Comme nos lecteurs pourront le constater lundi, “Témoignages” ne paraîtra pas. Nous sommes en effet contre le principe d’une solidarité à deux vitesses. Nous ne sommes pas contre la solidarité, bien au contraire, et nos lecteurs sont là pour en témoigner.
C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles nous accordons une si grande place aux partisans du “non” au projet de Traité constitutionnel européen. Nous estimons en effet qu’un tel texte ouvre la voie à la fin de l’Europe des solidarités au profit de l’Europe de la compétition et de la régression des droits sociaux.
Dans cette logique, nous ne pouvons pas cautionner le principe d’une solidarité imposée à une fraction de la population, celle qui vit principalement de son salaire, alors qu’une autre partie en est exemptée. En ce Lundi de Pentecôte, les revenus tirés des capitaux ou du patrimoine continueront d’enrichir leurs bénéficiaires. Et dans le même temps, on demande à des millions de personnes de travailler gratuitement.
C’est une injustice et un non-sens, surtout à La Réunion. Car ce n’est pas en allongeant la durée annuelle du temps de travail que l’on contribue à lutter contre le chômage.
À cette solidarité à la mode libérale, nous préférons la solidarité où chacun contribue à la hauteur de ses moyens.
Rappelons tout de même qu’avant le tragique épisode de la canicule 2003 en France, le gouvernement avait pratiqué des coupes dans le budget destiné prioritairement à la solidarité avec nos anciens. Par exemple, des crédits prévus pour les Maisons de retraite avaient été annulés.
Aujourd’hui, le même gouvernement demande aux salariés uniquement ce que l’on demandait auparavant à tous les contribuables. “Témoignages” ne peut s’associer à une telle injustice, et c’est au nom de ce principe que nous ne paraîtrons pas le Lundi de Pentecôte.

M. M.


68% des Français contre le Lundi de Pentecôte travaillé sans salaire

Pour 68% des Français, le gouvernement ne doit pas maintenir la "journée de solidarité" le Lundi de Pentecôte, selon un sondage CSA pour le quotidien “Aujourd’hui en France/Le Parisien” paru hier, à la veille d’un week-end qui s’annonce particulièrement confus.
À la question : "Souhaitez-vous que le gouvernement maintienne" la journée de travail sans salaire le Lundi de Pentecôte ?, 68% de l’ensemble des Français répondent "non". 30% répondent "oui", tandis que 2% ne se prononcent pas. Sur l’ensemble des actifs interrogés, 74% sont opposés au maintien de cette journée, 25% sont pour et 1% ne se prononcent pas. Sur l’ensemble des salariés, ils sont 75% contre, 24% pour et 1% ne se prononcent pas.
Un précédent sondage réalisé en avril par le même institut avait révélé que 66% des personnes interrogées étaient hostiles au maintien de cette mesure.


Non au travail forcé !!!

La solidarité est une valeur forte de notre organisation syndicale. Pour cette raison, nous ne sommes pas satisfaits de ce semblant de solidarité mis en place par le gouvernement. En effet, pour lever les fonds structurels nécessaires pour la construction et l’aménagement des Maisons de retraites et améliorer les conditions de vie des personnes âgées et handicapées, le gouvernement n’a pas trouvé d’autre moyen que le travail forcé, uniquement pour les salariés. C’est pourquoi la CFTC, après avoir saisi le Conseil d’État, saisira prochainement la Cour de Justice européenne sur deux points :

- Illégalité du travail forcé (travail obligatoire non rémunéré). Le travail forcé est interdit par tous les traités internationaux.

- Principe de non-discrimination. En effet, seuls les salariés sont soumis à cette contrainte, y échappent les professions libérales, les commerçants, les artisans, les agriculteurs et les parlementaires.

Pour augmenter les indemnités des ministres et des parlementaires, pour trouver 3 millions d’euros pour faire de la propagande pour le travail forcé le Lundi de Pentecôte, ou encore pour fabriquer des armes, le gouvernement trouve les fonds nécessaires, mais pour améliorer les conditions de vie des personnes âgées, il faut obliger les salariés à travailler gratuitement une journée de plus. Si le gouvernement veut réellement améliorer les conditions de vie de nos aînés, il lui est possible de prendre une fraction des richesses accumulées par les grandes entreprises, nous pensons à TOTAL, l’OREAL, les grands groupes bancaires, les entreprises de grande distribution...
Ces grandes entreprises du CAC40 qui accumulent depuis des années des richesses considérables, plus de 500 milliards d’euros, peuvent facilement trouver 2 à 3 milliards pour cette solidarité. D’autant plus facilement que ces milliards accumulés sont le fruit du travail des salariés...
La CFTC appelle tous les salariés à la grève générale. D’autre part nous appelons tous les citoyens à boycotter l’ensemble des services ouverts ce lundi 16 mai. À L’instar de l’Intersyndicale CGTR, UNSA, FO, USsolidaire et FSU, nous refusons :

- D’être les instruments du gouvernement et du MEDEF.

- De travailler plus pour gagner moins !

- De perdre année après année notre pouvoir d’achat !

Paul Junot,
secrétaire général CFTC


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