4.000 emplois supprimés avec l’annulation du tram-train

Peut-on être un élu « social » et voter contre les grands travaux ?

7 août 2010, par Geoffroy Géraud-Legros

Saint-Denis, le 19 mai. À l’appel des syndicats, les travailleurs convergent devant les grilles de l’hôtel de Région. Mot d’ordre : non à l’annulation des grands chantiers par l’UMP. Priorité à la défense de l’emploi. Du sommet de la pyramide inversée, Valérie Bénard, ex-syndicaliste, porte-parole des travailleuses de l’ARAST devenue vice-présidente UMP, regarde la scène en riant. Une image qui résume à elle seule le fonctionnement de la direction sarkoziste de la Région, où la destruction programmée du travail — 4.000 emplois supprimés avec le seul Tram-train — est cautionnée par des élus « d’ouverture » qui entourent d’un fragile vernis la politique de casse sociale.

« Mauvais perdants, “gro kèr” »… Après les élections, combien de noms d’oiseaux et de “moucatages” ont accueilli les critiques et les mises en gardes régulières de l’Alliance envers la politique de l’UMP à la Région, dirigée contre le plan de relance par les grands chantiers ? L’Alliance, disait-on, faisait beaucoup de bruit pour rien. Bon nombre d’entreprises ne croyaient pas sérieusement aux déclarations répétées par lesquelles le candidat UMP avait fait connaître sa volonté de mettre un coup d’arrêt aux grands travaux, et en particulier à celui du Tram-train.
Du côté des acteurs sociaux, on pensait pouvoir limier les dégâts avec la présence dans la nouvelle équipe d’élus protestant de leur volonté de « faire du social », de « mettre l’emploi au cœur des préoccupations ». Bref, parmi les représentants des employeurs comme ceux du travail, nombreux étaient ceux qui « attendaient de voir ».

Les grands travaux n’auront pas lieu

Quatre mois et demie plus tard, c’est tout vu. Et c’est le quotidien de référence "Le Monde", qui dans un article consacré à l’impact de la crise sur les grands travaux, signale en toutes lettres l’exception réunionnaise : notre île, note la journaliste, sera la seule région de France où les grands travaux seront interrompus en période de crise. Cela, précise-t-elle, du fait d’une décision purement politique. Un constat confirmé localement par notre confrère le "JIR", qui évoquait hier le sentiment d’impuissance des porte-parole du BTP réunionnais, face à la disparition des commandes prévues.

La Réunion sans protection face à la crise

Interviewé sur ce sujet dans notre journal, Philippe Jean-Pierre évoquait pour sa part l’aspect « keynésien » de la politique engagée par la Région au cours des deux mandatures précédentes. En clair : face à la crise, les énormes chantiers du Tram-train, de la route du Littoral, et de la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise (MCUR) permettaient d’espérer. S’ils ne garantissaient pas la reprise, ils assuraient au moins une activité suffisante pour éviter l’écroulement des secteurs clef de l’économie et l’explosion d’un chômage déjà massif dans notre île.

La casse sociale UMP entre à la Région

En permettant à l’État de reprendre les 3 milliards dont disposait la Région, Didier Robert aura aussi empêché La Réunion d’être un îlot de politique de relance dans la marée montante de la rigueur imposée par le gouvernement, les institutions européennes, et les organisations internationales. Et n’est-il pas finalement, parfaitement dans son rôle ? Didier Robert est membre de la direction nationale de l’UMP, et siège au Parlement français en tant que député de la majorité. À ce titre, il participe à l’élaboration de la politique du gouvernement, et met en actes la pensée de son dirigeant, Nicolas Sarkozy, dont le contenu est en opposition affirmée à tout ce qui est « keynésien ». Rien d’anormal, donc, à ce que le nouveau président de la Région se comporte en ultra libéral, et applique directement de la casse sociale organisée par l’UMP. Et rien d’étonnant à ce qu’il s’entoure d’élus « d’ouverture » connus pour leur engagement social pour faire passer la pilule.

Le vernis
« social » craque

À charge pour ces derniers, de « couvrir » le crime économique qui jette délibérément à la rue des milliers de travailleurs réunionnais supplémentaires, qui décime le secteur du BTP et lamine les petites entreprises. La gravité des actes que doivent aujourd’hui assumer ceux qui ont fait ce choix contredit aujourd’hui entièrement leurs discours. À cet égard, le cas de Valérie Bénard est emblématique. Pendant la campagne électorale, face à l’émotion provoquée par sa présence sur la liste dirigée par Didier Robert, Mme Bénard affirmait à qui voulait l’entendre avoir « posé ses conditions ». L’une d’entre elle était de « pouvoir garder un pied dans l’action sociale ».

«  Deviens ce que tu es  »

Or, tous les procès-verbaux des travaux du Conseil régional font apparaître que la dirigeante du mouvement de l’ARAST vote systématiquement les mesures les plus défavorables envers les travailleurs.
Les paroles s’envolent, les écrits restent. Et ils sont sans appel : Valérie Bénard a bien voté la fin de la géothermie et du Tram-train. Elle est ainsi directement responsable de la plus grande destruction d’emploi qu’ait connu La Réunion depuis un demi-siècle.
Que valent désormais, ses déclarations pour « la défense inconditionnelle de l’emploi » face aux salariées de l’ARAST ? Pas question, ici, de reprocher à Mme Bénard et à celles et ceux qui suivent son exemple d’avoir épousé la cause de l’UMP Didier Robert. On leur demande seulement, d’appliquer la maxime philosophique prononcée par leur mentor lors de leur entrée en fonction, et de devenir ce qu’ils sont.

Geoffroy Géraud-Legros

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