Manifestation unitaire à Saint-Denis

Pour garantir le droit à des conditions de travail et à une retraite décentes

18 juin 2008, par Manuel Marchal

Pour le droit à une retraite décente, contre la casse du Code du travail, ces mots d’ordre ont rassemblé plusieurs centaines de personnes hier matin à Saint-Denis à l’appel de l’Intersyndicale CGTR-CFDT-FSU-Solidaires. Cette journée d’action a été aussi marquée par plusieurs mouvements de grève.

Deux revendications étaient portées en tête de la journée de grève et de manifestation hier : pour le droit à une retraite décente et contre la déréglementation du temps de travail. Rendez-vous était donné devant le Petit Marché de Saint-Denis, pour une manifestation unitaire rassemblant travailleurs du public et du privé.

Cet appel à l’unité d’action était lancé par l’Intersyndicale CGTR-CFDT-FSU-Solidaires. Plusieurs centaines de personnes ont participé au défilé au son du maloya pour marcher jusqu’à la Préfecture. Parmi elles, des responsables politiques dont la députée-maire de Saint-Paul, Huguette Bello.

L’Intersyndicale fait part des reculs sociaux qui menacent via la volonté manifestée par le gouvernement de modeler les rapports sociaux en fonction d’une idéologie ultra-libérale. L’allongement de la durée de cotisation pour toucher une retraite pleine signifie deux choses : tout d’abord, la remise en cause du droit de partir à 60 ans, ensuite la diminution du montant des pensions. Car qui à La Réunion, dans un pays touché par un chômage massif, pourra prétendre à une retraite digne s’il est obligatoire de cotiser 41 années, voire plus.

Le maloya au cœur de la lutte, une spécificité des travailleurs réunionnais.(photos M.M.)

Par conséquent, le recours à des assurances privées est favorisé par ce type de mesure. Autrement dit, ceux qui auront les moyens financiers pourront vivre décemment, quant aux autres, ils seront touchés de plein fouet par la vie chère qui ne cesse de grignoter le pouvoir d’achat.

« Nous demandons une retraite décente pour tous », indique Jacques Bhugon, secrétaire général de la CGTR-Nord. Jean-Louis Belhôte, dirigeant du SGEN-CFDT, abonde dans le même sens : « Le gouvernement a pris le risque de ne pas nous respecter », ajoute-t-il. Il déplore que « le gouvernement refuse tout dialogue social avec les syndicats ».

Sur la question du congé-solidarité, mesure spécifiquement appliquée dans l’Outre-mer afin de favoriser l’embauche des jeunes, Jacques Bhugon déplore que ce dispositif ne soit pas pérennisé. Il a permis la création d’emplois, et a donné la possibilité à des travailleurs de partir à la retraite plus tôt après une vie active marquée par la pénibilité.

La loi doit primer sur le contrat

Les projets de déréglementation du temps de travail cristallisent également les inquiétudes et nourrissent la motivation des syndicats. On veut nous faire « travailler plus pour gagner moins », indique Jacques Bhugon. Ivan Hoareau, secrétaire général de la CGTR, y voit l’illustration de l’irruption de l’ultra-libéralisme dans les rapports sociaux. Le projet du gouvernement prévoit en effet un désengagement de l’Etat dans la définition du temps de travail. Ce dernier ne serait plus fixé par la loi, mais par des conventions entre travailleurs et patrons. Cela mènera à terme « sur une négociation individuelle entre le salarié et l’employeur », note le secrétaire général de la CGTR. La seule limite deviendra la durée hebdomadaire fixée au niveau de l’Union européenne : 65 heures. Tout cela s’oppose aux créations d’emplois, et à l’amélioration des conditions de travail.

« C’est la voie ouverte à la fin du Code du travail et à sa transformation en droit du commerce », poursuit Ivan Hoareau. « Le salarié est subordonné au patron, l’Etat, en tant que législateur, intervient pour rééquilibrer le rapport de force. Mieux vaut que la loi prime sur le contrat », conclut-il.

Manuel Marchal


Réactions

• Jean-Claude, professeur des écoles :

« C’est une bonne journée pour faire valoir son droit au travail »

Je suis là aujourd’hui parce que l’on s’attaque ouvertement à notre pouvoir d’achat. Je pense que tout le monde dit la même chose. Nous sommes là nombreux, nous faisons le mieux possible pour faire comprendre à la population réunionnaise qu’elle doit bouger. Rester passif n’est pas la bonne chose à faire en ces temps de casse sociale. Pour gagner plus, il faut lutter plus. Je suis là pour ça. Mais je ne peux pas m’empêcher de penser à tous ces jeunes oisifs que je croise depuis ce matin. C’est une bonne journée pour faire valoir son droit au travail. Quand je dis travail, j’entends travail à 35 heures, et je revendique l’augmentation des salaires, au moins le SMIC à 1.500 euros. Parce que les prix augmentent, mais notre salaire reste le même pour une large partie des Réunionnais.

• Nathalie, secrétaire précaire :

« Avant, je pouvais mettre de côté »

Moi, je suis une secrétaire en situation de précarité. Je touche à peine 1.000 euros. Pour joindre les deux bouts, je fais aussi des petits ménages près de chez moi pour des personnes âgées. Depuis 2002, je sens que mon porte-monnaie se vide au fur et à mesure. Avant, je pouvais mettre de côté, envisager un petit voyage à Maurice, assurer un imprévu. Aujourd’hui, s’il y a un imprévu, c’est la banqueroute assurée. Je veux défendre mes acquis sociaux, et je regrette que les gens nous regardent comme des pestiférés qui aiment faire grève. Je n’aime pas faire la grève, c’est une perte sur mon salaire. Mais là, il le faut. Même si c’est comme une goutte d’eau, il faut être là. Et puis, on nous dit qu’il faut travailler plus, mais pour quelle retraite à la fin ? S’ils veulent réformer les retraites, qu’ils pensent à se concerter avec nous.

• Gérard, sans emploi :

« In salèr i kol vréman èk le pri la vi »

Moin lé là po di moin lé pa dakor non-plï èk logmantasion la vi. Mi travay pï depi dë moi, akoz lantropriz la koulé. I fé dë moi mi manz lasédik. Moin, mi vë travay, sinon mi koné la finn d’moi i riskab èt dïr po moin èk mon fami. Moin, sat i mèt amoin, sé koman demoun i pèy anou. Anfinn’ kont, kan ou tonm o shomaz, rod aou vitman in travay po fé, afors ou toush pï rien non-plï. Le gouvèrnman i vë rann anou responsab, i vë nou travay, soman travay lé po intèl. O boudikont, mon salèr i bèss akoz moin lé o shomaz, é lé pri i ogmant. Mi gout. Amoin, sat mi vé, sé in travay, i pèy bien, èk in salèr i kol vréman èk le pri la vi.

• José, vendeur :

« I konsèrn pa moin »

Moin ? Mi sava travay. Oté, si mi fé kom tout sèt bann là, koman mi pèy mon loiyé, mèt manzé la kaz, lésanss dan mon loto. Si mi fé la grèv, lé bien sir va atak mon pouvoir d’achat. Si mi kont bien, nana in bonpé jour banna la fé grèv, là le patron i doi péyé ? Si zot i vé zot salèr i ogmant, fé kom Sarko la di : travay pliss. Tousa là, la grèv, i konsèrn pa moin.

• Michel, employé communal :

« Je veux être titularisé »

Je suis là pour faire valoir mes droits, et défendre mes acquis sociaux. On attaque à ceux d’en bas, et on privilégie les grands cols blancs. Je suis pour le travail à 35 heures, parce que c’est un acquis social, une avancée considérable. Mais surtout, je veux être titularisé. Ce n’est pas le mot d’ordre aujourd’hui. Mais cela concerne mon pouvoir d’achat. En plus, si je suis titularisé, c’est l’assurance d’une retraite un peu plus valorisée. C’est pour ça que je suis là aujourd’hui.

Réactions recueillies par Bbj

Lutter contre la vie chèreLuttes pour l’emploiA la Une de l’actu

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus