Un revenu minimum pour les jeunes adultes

Pour plus d’égalité entre les citoyens

31 janvier 2007

Il y a une semaine, le Premier ministre recevait un rapport du Centre d’analyse stratégique préconisant la création d’une « dotation financière pour les jeunes adultes » ainsi que d’une « allocation universelle ». Mais l’idée de garantir aux jeunes un revenu minimum n’est pas nouvelle. Associations et partis politiques l’ont revendiqué. Un revenu minimum devrait, selon eux, permettre aux 5,5 millions de jeunes majeurs (de moins de 25 ans) en France de s’investir dans la vie active ou les études.

Comment survivre aujourd’hui en France lorsqu’on a moins de 25 ans, que l’on est sans emploi, que l’on ne suit plus de formation ou d’études universitaires...? Aux dépens de ses parents. Et lorsque ces parents n’ont rien ou presque rien ? Dans un rapport, le Centre d’Analyse Stratégique (CAS) a proposé des solutions au gouvernement : offrir à chaque jeune, ou aux jeunes les plus défavorisés, un “patrimoine de départ” de 23.000 euros qui permettrait de mieux affronter l’entrée dans la vie professionnelle et universitaire. La somme serait versée progressivement de la naissance de l’enfant à la majorité, chaque année, sur un compte. Parmi les propositions du Centre d’Analyse Stratégique, la création également d’une dotation universelle, versée à chaque enfant, ou une allocation universelle pour les jeunes adultes.
Au-delà de ces propositions spécifiques, c’est l’idée d’un revenu minimum pour tout citoyen, quel que soit son âge, qui se manifeste à quelques mois de la présidentielle. Le Premier ministre ayant demandé au CAS de réfléchir à la mise en application des propositions avant le 15 février. L’idée d’un revenu minimum pour les jeunes a aussi été évoquée par le PS dans son projet, sous le nom d’allocation d’autonomie.
Au sein de l’Alliance, le PCR n’a pas fait pour l’instant de proposition à ce sujet, mais le secrétaire général, Élie Hoarau, s’est dit favorable à une aide financière pour les jeunes adultes. « On peut envisager un RMI pour les moins de 25 ans, pour les jeunes en circuit de formation ou dans un circuit professionnalisé », a t-il déclaré.
De son côté, la MGER (Mouvement de la Gauche Écologiste Réunionnaise) a réfléchi à la création d’un « revenu citoyen universel égal à 40% du SMIC sans condition d’activité ou de ressource, distribué à tous les résidents majeurs en situation régulière présents dans le pays ». Un revenu citoyen qui s’appliquerait aussi pour les mineurs (20% du SMIC entre 12 ans et 18 ans, et 15% pour les moins de 12 ans). Et qui se substituerait à tous les minimums sociaux ou allocations qui existent actuellement. « C’est une idée qui date de la Révolution française », souligne Guy Ratane-Dufour, secrétaire général de la MGER. « Nous avons les moyens de la faire appliquer mais il faut revoir toute la fiscalité française. On arrive bien à donner le RMI, des allocations diverses. Ce revenu citoyen ne nous coûtera pas plus cher. On dépense même le double actuellement », explique Guy Ratane-Dufour. Pour lui, ce revenu minimum est un investissement sur l’avenir. « C’est un enrichissement pour la France, pour notre jeunesse. Une jeunesse qui n’a pas de souci dans sa tête peut se mettre au travail plus facilement ou se concentrer sur les études. Ce revenu citoyen, c’est pour moi la suite logique du RMI », ajoute t-il. Ce revenu citoyen est un projet qui tient à cœur à la MGER, surtout sur le plan régional. « Donner un revenu minimum à chaque citoyen, c’est créer de l’économie », précise t-il. « C’est aussi une république qui s’occupe de ses enfants jusqu’au bout. L’école de la république ne choque personne, alors je ne vois pas pourquoi un revenu citoyen universel choquerait », conclut Guy Ratane-Dufour.

E. P.


Témoignages

• Sylvie, étudiante en Master

« Je n’ai pas encore 25 ans, donc je n’ai droit à aucun revenu de la part de l’État. Je reçois une bourse pour l’année, qui ne s’élève qu’à 1.000 euros parce que ma mère travaille. C’est bien sûr insuffisant pour subvenir à mes besoins, que ce soit le logement étudiant, la nourriture, les livres, le permis de conduire. Il faut arriver à gérer les études et les petits boulots pour s’en sortir. Mais même les petits boulots ne sont pas toujours faciles à trouver. Mes parents ne peuvent pas prendre en charge toutes mes dépenses. Je ne suis pas seule à la maison. À la fin de mes études, j’espère trouver un emploi et ne pas me retrouver au RMI. Mais au lieu de se retrouver sans emploi, je préfère encore poursuivre les études, même si j’ai déjà atteint un bon niveau.
Un revenu minimum pour les moins de 25 ans ? Oui, je suis d’accord. Cela nous permettrait d’être un peu plus serein. Pour ceux qui veulent poursuivre les études, ils pourront mieux se concentrer sur leur objectif. Et ceux qui recherchent un emploi pourront le faire sans dépendre totalement de leurs parents. Au moins, financièrement ».

• Jean-Luc, en deuxième année AES

« Après un bac scientifique, j’ai décidé d’aller à l’université, en première année de science. Mais j’ai eu du mal à suivre et j’ai fini par redoubler. Ensuite, je me suis réorienté en première année d’économie. Le problème c’est qu’avec ces accidents de parcours, on risque de perdre les bourses d’études du Crous et du Conseil Général. Et se retrouver sans revenu. J’ai pu obtenir un travail dans une médiathèque pour les vacances. Ca rend toujours service. Une aide financière pour les jeunes serait bien venue. J’essaie de m’accrocher à l’université, mais si en plus je dois faire face à des problèmes d’argent, ce n’est pas possible ».

• Emmanuel, en Bac professionnel

« Je passe un bac pro cette année, mais j’ai souvent eu envie d’arrêter les études pour chercher du travail. Mes parents n’étaient pas d’accord : es-tu sûr de trouver du travail avec peu de qualification ? Avec quoi vas-tu vivre en attendant de trouver ?, me disaient-ils. Ils ont bien raison, mais moi j’ai envie de travailler. Je verrai après le bac pro si je peux trouver un emploi. Sinon, je continue avec un BTS, ou une formation en alternance. Pour ne pas dépendre toujours de mes parents, j’essaie de trouver des stages. Souvent, le patron me verse un petit salaire à la fin. Il m’arrive aussi d’aller couper la canne pendant la saison. Nous sommes nombreux à le faire ».

• Clarisse, 27 ans

« J’ai eu la chance de trouver un emploi qui correspond à mon profil peu de temps après ma formation dans le tourisme. J’avais fait quelques économies grâce aux jobs d’étudiants (surveillante, fille au pair) pour tenir jusque-là, mais c’est vrai que la situation devenait critique. J’avais moins de 25 ans.
Je me pose quand même des questions sur une aide financière aux jeunes. Pour ceux que les parents ne peuvent pas aider, pourquoi pas ? Mais est-ce que cela ne risque pas aussi de créer de l’assistanat ? Chercher un job quand on est étudiant, avoir déjà une expérience de l’entreprise, prépare aussi à la recherche d’emploi. L’aide financière ne risque-t-elle pas de couper encore plus les jeunes du monde du travail ? ».


Un revenu minimum pour tous. Et l’assistanat ?

L’association AIRE (Association pour l’Instauration du Revenu d’Existence) milite pour que chaque individu, quel que soit son pays, puisse bénéficier d’un revenu d’existence. Un bulletin publié par l’association informe que l’Alaska a mis en place un revenu d’existence dans les années 1990 et que les habitants ne sont pas pour autant assistés : « Une partie de la rente pétrolière est ainsi allouée à tous les habitants de l’État. On est passé du plus fort taux de chômage avec le plus faible taux de croissance aux États-Unis à la tendance contraire ».
Voici les arguments des partisans du revenu d’existence :

- Le fait d’allouer une aide à une frange de la population la rend dépendante voire revendicatrice et crée de fait une discrimination positive. Le revenu d’existence ne sera que la conséquence naturelle et normale de la citoyenneté.

- Le nombre, la complexité des prestations actuelles rendent le décryptage ardu. Il n’est pas sûr que les ayants droit en bénéficient tous, alors que d’autres en usent avec une habileté à la limite de la rouerie.

- La majorité des gens travaillent et continueront à travailler. La majorité des personnes veulent vivre et non survivre. La société de consommation crée sans cesse des besoins.


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