Le CESR contre la suppression d’un dispositif créateur de 2.000 emplois

Pour un congé solidarité amélioré dans la loi-programme

2 novembre 2007, par Manuel Marchal

À La Réunion, ce sont les jeunes qui sont les plus touchés par la pénurie d’emplois. Mis en place par la Loi d’orientation pour l’Outre-mer voté en 2000, le congé solidarité est un dispositif qui vise à lutter contre le chômage des jeunes en favorisant le départ en préretraite des plus de 55 ans. Profondément dénaturé par la dernière loi de Finances, il est absent de l’avant-projet de loi-programme. Dans un avis adopté le 26 octobre, le Conseil économique et social demande d’intégrer un congé solidarité amélioré dans la prochaine loi-programme. En effet, ce dispositif spécifique répond à une situation démographique et sociale qui n’a rien à voir à celle de la France et peut être un des leviers de la lutte contre le chômage massif des jeunes Réunionnais.

Plus de 2.000 jeunes Réunionnais ont eu droit à un travail grâce au congé solidarité. Ce dispositif voté dans la loi d’orientation permet à un travailleur de partir en préretraite à 55 ans, à condition que son entreprise le remplace par un jeune de moins de 30 ans. Disposition spécifique à l’Outre-mer, le congé solidarité tient compte de la réalité démographique et sociale de La Réunion qui n’a rien à voir avec celle de la France : une pénurie d’emplois, la moitié des jeunes au chômage et des "seniors" volontaires pour bénéficier d’une préretraite en échange de l’embauche d’un jeune. Ce dispositif était à l’origine financé à 60% par l’État.
Même si, d’emblée, les limites du dispositif étaient là, notamment la rémunération versée au travailleur qui choisissait de partir en préretraite, le congé solidarité a rencontré du succès. Les syndicats avaient d’ailleurs fait des propositions pour l’améliorer. Car, comme le rappelle le CESR dans un autre avis adopté le 26 octobre, « les commissions constatent avec regret les faibles résultats dans le secteur du BTP, alors qu’il aurait dû toucher les métiers "pénibles" ». Par ailleurs, le CESR note que son coût est inférieur « à d’autres dispositifs qui lui sont comparables ».

Des mesures inadaptées pour La Réunion

Au-delà des créations d’emplois, la section "Evaluation des politiques publiques" du CESR note que l’existence du CESR n’a pas été sans impact sur la diminution des congés pour longue maladie observée depuis 2003.
Mais la loi de Finances 2007 vidait en grande partie de sa substance le dispositif. Les conditions pour partir en préretraite étaient bien plus contraignantes, et l’État réduit sa participation à 50%. Ce qui signifiait de fait l’arrêt du dispositif. L’avant-projet de loi-programme va dans le sens de sa disparition définitive : il ne figure pas dans le texte.
Le congé solidarité répond pourtant à un besoin spécifique. Et son principe est très différent de ce que le gouvernement propose pour régler le problème des retraites en France, où la situation démographique n’est pas la même. En effet, pour faire face au vieillissement de la population en France, le gouvernement allonge la durée des cotisations et crée des dispositifs pour favoriser l’emploi de travailleurs de plus de 55 ans. Il rend donc plus difficile l’accès aux préretraites, qui sont, en France, destinées avant tout à assurer une transition entre une perte d’emploi et l’âge légal de la retraite qui est de 60 ans. Mais appliquer mécaniquement ces mesures à La Réunion signifie la fin du congé solidarité.

Solidarité réunionnaise contre le chômage

À La Réunion, la situation est différente. Un jeune sur deux n’a pas de travail. Le congé solidarité doit donc être reconduit dans la loi-programme, et amélioré. La section "Evaluation des politiques publiques" propose « une stratégie financière » affichant clairement les moyens alloués. Elle souhaite améliorer l’information et la communication sur le dispositif. Cela entre dans une volonté d’élargir le congé solidarité à tous ceux qui veulent partir, avec à la clé une prime de départ égale à l’indemnité de licenciement par exemple.
Le CESR souligne l’importance d’articuler le congé solidarité avec une stratégie de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences à l’échelle de La Réunion, mobilisant notamment tous les acteurs de l’enseignement et de la formation. Le CESR relève en effet que « pour le secteur social et médico-social, les commissions estiment indispensable de prévoir un renforcement des formations des jeunes qui pourront facilement obtenir un emploi durable compte tenu de la forte demande actuelle et future ». Enfin, le congé solidarité doit être piloté par « une instance à la hauteur de l’ambition affichée pour la résorption du chômage ».
Toutes ces propositions montrent qu’il est possible, à La Réunion, de s’appuyer sur la solidarité entre les générations pour faire fonctionner un des leviers de la lutte contre le chômage, le problème le plus grave à La Réunion. D’où l’importance de prendre en compte ces propositions réunionnaises dans la loi-programme afin qu’elles contribuent au développement du pays.

Manuel Marchal


Loi-programme

Pour un congé solidarité nouveau

Voici un extrait de l’avis relatif à la loi-programme adopté par le CESR le 26 octobre dernier.

« Le C.E.S.R. regrette que le dispositif de congé solidarité qui figurait dans la LOPOM n’apparaisse pas. Même s’il ne répond pas aux orientations nationales sur les retraites, il doit être maintenu pour tenir compte du contexte socio-économique de l’île, différent de celui de la Métropole. Répondre à la demande d’emplois des jeunes qualifiés et diplômés des moins de 30 ans, aptes à améliorer et/ou à relancer la compétitivité des entreprises, milite en faveur de ce dispositif. Il doit en ce sens être reconduit, mais avec des améliorations.
Ces dernières doivent porter sur l’identification de secteurs déficitaires en personnel, notamment celui du social et médico-social, qui se tourne vers une recherche de compétences à l’extérieur. De manière plus générale, un travail par branche doit être mené, et une optimisation du volet qualification et professionnalisation favorisera l’intégration de jeunes demandeurs d’emploi.
La mise en place d’un congé solidarité nouveau suppose donc une organisation autour de la Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), dans tous les secteurs d’activités de l’île, pour programmer les formations et la qualification du personnel futur. »


Pour le congé solidarité

Maintenir la solidarité dans la société réunionnaise

Dans un extrait d’une note rendue publique le 26 octobre, la section "Evaluation des politiques publiques" insiste sur un point important qui justifie de maintenir et d’améliorer le congé solidarité : la cohésion de la société réunionnaise.

« Il est clair que le problème du chômage des jeunes auquel on voulait s’attaquer demeure et qu’il est toujours prégnant. Pour les membres de la Section, ce serait une erreur de laisser les choses aller naturellement. Le chantier de la lutte contre le chômage des jeunes garde toute sa pertinence. Le congé solidarité constitue un élément de cette lutte. Ce n’est peut-être pas la panacée, mais l’abandonner sans réflexion globale, sans chercher à le remplacer par un dispositif plus performant à tous égards, n’irait sûrement pas dans le sens d’une société réunionnaise plus solidaire, plus apaisée. »


Proposition pour favoriser l’emploi

Le droit au congé solidarité pour tous les travailleurs de plus de 55 ans

La section "Evaluation des politiques publiques" propose d’améliorer le dispositif en étendant son champ d’application à « tous ceux qui souhaitent partir ». Voici cette proposition visant à « assouplir les contraintes » pour ouvrir ce droit à la préretraite solidaire.

« La suppression du critère relatif à la durée d’activité pour le calcul de l’allocation, à l’identique d’autres dispositifs existants, serait de nature à susciter davantage de prétendants.
De même, l’attribution d’une prime de départ négociée pouvant prendre différentes formes (équivalente à l’indemnité légale de licenciement, ou à l’indemnité conventionnelle dans le cadre d’un départ classique en retraite) serait une mesure incitative. (...)
Pour augmenter l’impact, il convient :

- D’élargir la cible et de ne pas fermer le dispositif afin d’aider tous ceux qui souhaitent partir, sans distinction, avec un objectif de libération des emplois dans tous les secteurs (y compris la fonction publique).

- D’offrir la possibilité d’étaler le paiement de la contribution de l’entreprise sur la durée de versement de l’allocation du bénéficiaire, sous réserve que l’employeur souscrive une assurance garantissant la poursuite du versement en cas de redressement ou de liquidation judiciaires.

- Sur les délais de remplacement, de ne pas accorder tout de suite le départ en cas de difficultés (absence de personnel formé) ou au contraire d’avancer l’embauche, sous réserve de dérogation délivrée par l’autorité habilitée. Dans le dernier cas, le nouvel arrivant n’entrerait pas dans le calcul de l’effectif : il s’agit de desserrer une contrainte comptable et en même temps de favoriser le passage de relais, des parcours formatifs et d’insertion. Compte tenu de la perte de compétences pouvant survenir, le C.E.S.R. avait, lors de l’examen de la LOOM, préconisé un accompagnement des jeunes embauchés, sous forme de tutorat.
De plus, en cas de rupture du nouveau contrat de travail, l’entreprise doit pouvoir procéder, dans le même délai (et non 2 mois), à une nouvelle embauche équivalente. »

LODEOM - Loi d’orientation pour le développement de l’Outre-mer

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