Grève à EDF

Pour un service public fort de l’énergie

19 septembre 2006

Jeudi, un appel à la grève est lancé à EDF. Le mouvement revendicatif pose le problème de l’avenir du service public de l’énergie. Car pour les syndicalistes, ce qui est en jeu est ni plus ni moins qu’un désengagement d’EDF dans les futures centrales à construire au profit du privé. Or, pour la CGTR, une des conditions du développement de La Réunion est l’existence d’un service public fort dans le secteur stratégique de l’énergie.

Le 21 septembre a lieu une importante réunion au siège d’EDF. La Commission paritaire nationale, où siègent des représentants des DOM et de la Corse, examineront notamment la question des futurs moyens de production d’électricité dans les réseaux insulaires. C’est une question qui concerne particulièrement La Réunion, étant donnée la hausse de 7 à 8% de la consommation, soit un doublement tous les 10 ans.
Pour la CGTR-EDF, "ce qui se profile à l’horizon, c’est le désengagement d’EDF dans les nouveaux moyens de production", estime Max Banon, syndicaliste. "C’est une remise en cause des contrats, car les travailleurs de ces futures centrales ne feront pas partie d’EDF". Et au-delà de l’impact sur les salariés de la privatisation des modes de production, Max Banon réaffirme les autres aspects négatifs d’une telle politique : "c’est aussi une remise en cause du service public de l’énergie et nous avons des craintes sur le maintien de la péréquation tarifaire, au moment où la direction nationale parle de péréquation géographique". (voir encadré)

Un pilier du développement durable

L’annonce par voie de presse de l’éventuelle construction d’une centrale thermique à charbon au Gol par le Groupe Quartier-Français ne fait qu’amplifier toutes les craintes. Construction prévue d’ici 4 ans au plus tard, production et exploitation entièrement dans les mains du privé "qui vend au prix fort l’électricité produite à EDF", souligne Max Banon. À La Réunion, seul EDF peut transporter l’électricité. Dans notre île, la production d’un mégawatt est une dépense de 90 euros, en France, cela équivaut à 45 euros. "Quel sera le prix payé par EDF pour le rachat de cette énergie", interroge le syndicaliste, "quel prix de revient, quel prix sera payé par l’usager ?" Des questions qui se pose sur fond de privatisation rampante de l’entreprise publique qui opère dans la production d’électricité. Et personne n’ignore que des actionnaires n’ont pas la même logique que celle du service public qui se doit de proposer l’énergie à tous et au prix le plus abordable.
Plus qu’une question interne à l’entreprise, le choix du mode de production (public ou privé) touche un des piliers du développement durable. Peut-on confier à des actionnaires qui cherchent d’abord le profit un secteur aussi essentiel que la production d’électricité à La Réunion ? "Quel service public voulons-nous dans l’énergie, pour quel développement durable ?".

Se positionner

Cette question sera portée jeudi par les grévistes d’EDF. Et Max Banon de souligner que cette journée d’action "vise à poser les jalons d’un mouvement de fond". "Nous sommes conscients que nous avons encore beaucoup de travail à faire", poursuit le syndicaliste, "nous devons informer la population de l’importance de l’enjeu de la lutte". "Nous demandons à toutes les collectivités et à la Chambre de Commerce et d’Industries de se positionner sur cette question de l’avenir du service public d’énergie", affirme le représentant de la CGTR.
Max Banon rappelle que son syndicat lutte pour un service public 100% EDF dans la production, le transport et la distribution. Car pour la CGTR, une des conditions essentielles au développement durable de La Réunion est l’existence de services publics forts dans des secteurs stratégiques.

M.M.


Péréquation tarifaire : une mesure d’égalité

La péréquation tarifaire est une des principales avancées de la lutte pour que les Réunionnais puissent tous avoir le droit à une énergie à un prix abordable. Elle est aussi en vigueur dans les autres DOM et en Corse.
Alors qu’à La Réunion, le coût de production de l’énergie est deux fois plus important qu’en France, c’est la péréquation tarifaire qui fait qu’à La Réunion, l’usager paie le même prix qu’en France pour l’électricité. C’est un fonds de compensation qui finance cette mesure d’égalité. Mais avec la privatisation rampante du secteur de l’énergie, quel avenir pour un tel dispositif qui s’oppose à l’idéologie libérale de déréglementation et de "concurrence non faussée" ?


Mais pourquoi donc le privé ?

"La consommation d’électricité à La Réunion est en hausse régulière de 7 à 8% par an. Cette augmentation, très rapide, s’explique par la forte croissance démographique et l’augmentation du taux d’équipement des ménages", c’est le constat de l’Agence régionale de l’énergie Réunion. Cela explique pourquoi dans notre île se pose la question du risque de pénurie d’énergie si la hausse de la consommation continue de suivre cette tendance. Elle est d’autant plus importante en sachant que pour la production d’électricité, du fait de l’insularité, La Réunion ne peut compter que sur ses propres atouts.
Par ailleurs, le recours à des centrales alimentées par du fioul fait augmenter chaque année la "facture énergétique", que cela soit en termes d’émission de gaz à effet de serre, ou en hydrocarbure importé alors que le prix du baril de pétrole atteint des sommets inexplorés.
Dans ce contexte, l’accent est mis sur plusieurs points. Tout d’abord la maîtrise de l’énergie avec entre autres, la promotion d’appareils électriques moins gourmands, et la construction de bâtiments plus adaptés à nos contraintes tropicales, et donc diminuer le recours aux climatiseurs. Ensuite, la valorisation des énergies renouvelables avec comme mot d’ordre la diversification des sources : soleil et vents sont déjà exploités, des études sont avancées sur l’utilisation de l’énergie de la mer, et sur celle que la chaleur du volcan peut apporter. Enfin, le développement de mode de production d’énergie décentralisés est aussi mis en avant.
Mais 7 à 8% de hausse par an, cela donne un doublement de la demande tous les 10 ans, ce qui implique que les moyens de production en local doivent suivre, et être capables à chaque instant de fournir la puissance nécessaire pour qu’aucun Réunionnais ne souffre de la pénurie d’énergie. L’ARER précise d’ailleurs que "l’augmentation de l’appel de puissance est de 20 MW par an environ. La production devient problématique, autant à partir des énergies fossiles qu’à partir des énergies renouvelables". Cette urgence commande la construction de nouvelles centrales.
Mais pour les syndicalistes, le danger vient de la privatisation de ces futurs moyens de production. Plus qu’une mesure destinée à rendre un meilleur service à un usager devenu client, c’est un parti pris idéologique dénoncé avec force par des nombreux syndicats qui, comme la CGTR à La Réunion, prônent des services publics forts dans le secteur de l’énergie. "À l’opposé de l’approche dominante qui fait de la dérégulation et de la mise en concurrence des opérateurs l’alpha et l’oméga de la politique européenne, nous préconisons la création d’une agence européenne de l’énergie", expliquait Bernard Thibault, secrétaire général CGT dans "L’Humanité" du 7 septembre. Pourquoi ne pas livrer au privé le secteur de l’énergie ? Parce que, soutient Bernard Thibault, "s’agissant d’un secteur où la pénurie menace, s’en remettre au privé pour gérer cette pénurie fera du consommateur la principale victime". Ce risque de pénurie est encore plus fort à La Réunion, alors pourquoi concéder encore davantage au privé de larges pans de la production d’énergie, un service public qui est au cœur de la lutte pour le développement durable.

M. M.


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