Pour un traitement européen de la question des sans-abri

10 août 2007, par Sophie Périabe

Les sans-abri sont, depuis le milieu des années 1980, très visibles dans les espaces publics des villes de l’Union Européenne. Ce problème ancien a pris une dimension nouvelle, car la situation et les conditions de vie de ces personnes sans-abri sont aujourd’hui envisagées comme des atteintes aux droits de l’Homme. D’ailleurs, une enquête de 2006 montre que la majorité des Français est favorable à une politique plus audacieuse pour lutter contre l’exclusion sociale et, a fortiori, lutter contre le nombre croissant de personnes sans abri.
Les résultats de ce sondage confortent le « ras-le-bol » manifesté récemment, notamment par “Les enfants de don Quichotte”.
Dans un espace ouvert sans frontières tel que l’Europe, les sans-abri peuvent se déplacer sans difficulté d’un pays à l’autre, d’une ville européenne à une autre. Ce problème a donc pris une dimension européenne, une politique commune s’impose.

Après la Renaissance, il a semblé naturellement plus efficace de traiter le vagabondage à l’échelle nationale. Rappelons qu’auparavant, le problème des sans-abri était traité au niveau local, le plus souvent par les communes. Aujourd’hui, il se pourrait qu’il apparaisse plus judicieux d’aborder la question des sans-abri à l’échelle d’une Union qui voit se déplacer sur ses territoires des sans-abri issus de tous ses États membres, mais aussi du monde entier. Si l’on s’en tient aux seuls sans domicile francophones présents en France qui ont pu être enquêtés par l’INSEE en janvier 2001, la part des étrangers est de 29%, soit une proportion 4 fois plus élevée que dans l’ensemble de la population française. Le SAMU social de Paris accueille, pour sa part, des sans-abri étrangers pour moitié. Dans les autres pays de l’Union, les proportions avancées sont similaires, et parfois plus importantes. Ainsi, par exemple, il était estimé en 2002 que les deux tiers des sans-abri en Grèce étaient étrangers.
En tout état de cause, la question des sans-abri relèverait maintenant plus des échelles locale et européenne que des échelles régionale et nationale.

Un processus d’échange et d’apprentissage pour éradiquer la pauvreté d’ici 2010

La question des sans-abri ne dispose pas encore d’une très grande place sur l’Agenda européen. En effet, depuis les années 1970, les institutions se préoccupent de pauvreté et d’exclusion, mais pas de la problématique des sans-abri proprement dite.
A partir de 1975, la Commission lance un ambitieux programme international soutenant des projets pilotes pour améliorer les connaissances et développer des méthodes nouvelles de lutte contre la pauvreté et la précarité. C’est d’abord et avant tout en termes de connaissance, de mise en commun des pratiques et de soutien aux innovations que l’Union intervient.
Par contre, en matière de logement, du marché du travail, de la protection sociale, l’Union Européenne n’a ni la compétence, ni la volonté d’une harmonisation entre les pays membres.
Ce n’est qu’en mars 2000, lors du Conseil européen de Lisbonne, que la question des sans-abri est abordée par les Etats membres et la Commission européenne. Ils se décident à prendre des dispositions ayant pour objectif l’élimination de la pauvreté à l’horizon 2010, en s’appuyant sur la base d’un processus d’échanges et d’apprentissage mutuels connus sous le nom de “Méthode ouverte de coordination”.
Désormais, la question des sans-abri est de plus en plus souvent évoquée, sans être pour autant distinctement traitée. Les efforts communautaires vont depuis quelques années dans le sens d’une amélioration de la connaissance, préalable indispensable à toute évaluation de dispositifs.

Vers une harmonisation des informations

Il existe en réalité peu de statistiques officielles dans le domaine des sans-abri, et celles qui existent sont rarement comparables entre pays. Comment, dans ce cas, mettre en place une politique commune ?
Afin de qualifier et de quantifier le phénomène des sans-abri et de privation de logement dans le contexte européen, des instances d’expertise ont été sollicitées. C’est tout d’abord Eurostat qui a mis en évidence la difficulté des comparaisons européennes, en examinant la diversité des définitions des personnes sans-abri, d’une part, et d’autre part, en analysant les systèmes de collecte de données.
Ces dernières années, les associations de soutien aux sans-abri et les experts, qui participent à la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri (FEANTSA), ont développé, avec le soutien de la Commission, un travail conséquent d’information et de comparaison.
Une typologie européenne de l’exclusion du logement a pu être récemment mise en débat et diffusée. Baptisée ETHOS, elle vise à être utilisée pour la collecte de données, les recherches et l’élaboration de politiques de lutte contre l’exclusion liée au logement.

Au-delà des définitions et des problèmes statistiques, il importe, au final, de souligner que la question des sans-abri est certes une problématique de mobilité au sein d’une Europe ouverte, mais qu’elle est surtout liée à d’autres problèmes sociaux : chômage, inégalités, pauvreté, etc...
Et à ce sujet, l’inefficacité des actions des politiques est à mettre en avant.

Sophie Périabe avec “La note de veille”


Si le logement ne relève pas, sensu stricto, d’une compétence de l’Union européenne, il n’en demeure pas moins que les politiques développées et soutenues par l’Union Européenne ont une influence indéniable dans ce domaine.
Adopté le 26 avril 2006, le texte de la Charte européenne du logement précise le rôle le l’Union en matière de politique du logement
Chapitre 2 - Article 6 : Le rôle de l’Union Européenne
« L’Union Européenne doit s’assurer que ses politiques contribuent à établir un cadre favorable et incitatif aux politiques du logement des Etats membres conformément à l’intérêt communautaire et eu égard à leur contribution à la mise en œuvre effective de la stratégie de Lisbonne et des objectifs de l’Union, notamment en matière de cohésion et de développement urbain durable. Les institutions européennes doivent également veiller à la mise en œuvre de ce principe et en assurer une évaluation régulière ».

SP


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