Pour une meilleure mixité des emplois en Europe

21 mars 2008, par Sophie Périabe

En Europe, l’augmentation des taux d’emploi féminin ne s’est pas accompagnée sur la période récente d’une plus grande égalité professionnelle entre les sexes, en matière notamment de professions occupées et de salaires. Le conflit d’objectifs qui semble s’être dessiné entre autonomie des femmes par l’emploi et égalité des sexes par la mixité est-il provisoire ou durable ?
Pour interroger la conciliation éventuelle de ces deux finalités, une note du centre d’analyse stratégique examine les déterminants de la segmentation hommes/femmes sur le marché du travail.

Dans son dernier rapport sur l’égalité entre les femmes et les hommes, la Commission européenne a rappelé les progrès quantitatifs effectués en matière d’emploi féminin dans les pays de l’UE-27 tout en soulignant l’immobilisme concernant les écarts salariaux entre les deux sexes, et la persistance des inégalités d’accès à l’emploi, notamment à temps plein, dans un contexte global d’amélioration du niveau d’éducation des femmes. Dans une précédente note, le centre d’analyse stratégique avait souligné l’existence possible d’un conflit d’objectifs entre l’augmentation des taux d’emploi féminin et la réduction de la segmentation sectorielle et professionnelle selon le sexe en Europe. En effet, le développement des activités de services et le recours croissant des femmes à l’emploi à temps partiel contribuent à polariser les différents segments du marché du travail. À cet égard, sur la période 2000-2006, il apparaît que la segmentation s’accroît dans les pays du sud de l’Europe, où les taux d’emploi féminin ont sensiblement augmenté.

Dans l’UE-15, la segmentation diminue avec le niveau d’éducation...

Dans l’UE-15, l’emploi féminin est en moyenne plus concentré que l’emploi masculin et se répartit dans des secteurs et métiers sensiblement distincts de ceux des hommes. Ainsi, en 2005, 84 % des femmes en emploi occupent un métier dans le secteur des services contre 58% des hommes. Près de la moitié de l’emploi féminin se concentre dans les secteurs non-marchands (20% des hommes) et moins de 13% dans l’industrie (37% des hommes). Les femmes sont, en outre, surreprésentées dans les secteurs de la santé, de l’action sociale et de l’éducation et les hommes dans ceux de la construction et de l’industrie.
L’évolution de l’Europe vers une économie de services et de la connaissance modifie la répartition sectorielle des emplois mais aussi celle des besoins de main d’œuvre par niveau d’éducation. Sur la période récente, le niveau d’éducation de la population européenne s’est sensiblement amélioré.
Toutefois, le capital éducatif des Européens est encore très variable selon les États membres. Or, l’incidence du niveau d’éducation sur celui de la segmentation professionnelle selon le genre est forte. Mesurée à partir d’un indicateur, la segmentation professionnelle selon le sexe est estimée en moyenne dans l’UE-15 à 56% parmi les personnes ayant un niveau d’éducation inférieur ou intermédiaire contre 41% parmi celles ayant un niveau d’éducation supérieur. Conformément aux travaux de référence, ces résultats montrent le rôle de l’éducation dans la réduction de la segmentation professionnelle. Ces différences selon le niveau d’éducation s’accentuent au cours du temps. En moyenne, dans l’UE-15, la segmentation professionnelle parmi les personnes diplômées de l’enseignement supérieur se réduit alors qu’elle s’accroît et stagne parmi celles ayant un niveau d’éducation inférieur ou intermédiaire.
Cette tendance à la baisse de la segmentation professionnelle parmi les personnes les plus éduquées dans l’UE-15 ne doit pas cacher une répartition des emplois par secteur encore très contrastée selon le genre, en lien notamment avec l’importance de la segmentation éducative. Ainsi en 2005 dans l’UE-25, 13% des femmes âgées de 25 à 64 ans sont diplômées en sciences (mathématiques, ingénierie etc...) contre 44% des hommes. Ces disparités hommes/femmes dans la formation initiale s’observent dans tous les pays de l’UE-25, bien qu’elles soient sensiblement moins fortes dans les pays du sud de l’Europe et dans les nouveaux États membres.

... et s’accroît avec la présence d’enfants

Différents travaux ont mis en évidence le rôle du métier comme facteur de conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, via notamment l’emploi dans les secteurs non marchands et le recours au temps partiel. Une manière indirecte d’apprécier l’effet des dispositifs de conciliation de la vie professionnelle et familiale sur la segmentation professionnelle est de mesurer celui de la parentalité.
Ainsi, la présence d’enfant accroît la segmentation dans les 10 pays étudiés en modifiant la structure des emplois occupés par les femmes, celle des hommes étant laissée inchangée. Cet effet “parentalité” apparaît toutefois inégal selon les pays. Les comportements d’activité des femmes, dépendant en partie de l’âge et du nombre d’enfants, se distinguent en fonction notamment de la diversité des conditions d’accès et des modalités des dispositifs d’accueil des jeunes enfants et de celle des congés parentaux. Au total, l’incidence de la présence d’enfant sur la segmentation professionnelle est particulièrement élevée au Royaume-Uni, au Portugal et en Grèce.
Par ailleurs, l’emploi féminin à temps partiel “choisi”, en devenant globalement l’une des voies privilégiées de la conciliation de la vie familiale et professionnelle en Europe, influe positivement sur l’évolution de la segmentation du marché du travail en Europe.

La participation des femmes au marché du travail augmente mais les métiers et secteurs auxquels elles accèdent évoluent peu. Globalement, l’évolution de long terme de la segmentation selon le genre du marché du travail dépend en partie de celle de la segmentation dans l’éducation, des structures sectorielles des économies européennes et enfin des politiques de conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. À plus court terme, l’inclusion dans l’emploi des personnes les moins éduquées, nécessaire pour atteindre l’objectif d’un taux d’emploi de 70% fixé dans la Stratégie de Lisbonne contribuera à accentuer la segmentation du marché du travail en raison de la faible mixité des métiers auxquels elles peuvent prétendre. À cet égard, principale réserve de main-d’œuvre en Europe, les personnes ayant les niveaux de formation les plus faibles et notamment les femmes, dont 36% seulement en 2005 sont en emploi dans l’UE-25 contre 80% environ parmi celles les plus éduquées, rencontrent les problèmes les plus aigus de conciliation de la vie professionnelle et familiale. Stimuler leur emploi, pour réduire leur risque de pauvreté, tout en garantissant des soins de qualité à leurs enfants, nécessite d’améliorer l’ensemble des dispositifs d’aide au retour à l’emploi et notamment ceux liés à cette conciliation. Par ailleurs, l’incidence de leur inclusion dans l’emploi sur le niveau global de la segmentation professionnelle pourrait être atténuée en concentrant les efforts de mixité sur les secteurs d’activité identifiés ici comme les plus sexués (santé-action sociale, éducation, construction, industrie). Privilégier la première ligne d’action sur la seconde implique toutefois d’assumer une préférence pour un objectif d’autonomie des personnes vis-à-vis d’un objectif de mixité absolue ou relative, à court terme tout au moins.

Sophie Périabe
(Avec la note de veille n°92 : Réduire la segmentation hommes/femmes du marché du travail en Europe : quels leviers d’action ?)


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