Pouvoir d’achat : aucune amélioration à attendre !

22 juillet 2008, par Sophie Périabe

La place éminente occupée par le thème du pouvoir d’achat durant la campagne pour l’élection présidentielle de 2007 traduit bien l’importance de cette question que les Français placent aux premiers rangs de leurs préoccupations. Il est vrai que l’augmentation des prix alimentaires apparaît particulièrement impressionnante, en raison de l’augmentation considérable du prix du pétrole qui alourdit le coût du transport de marchandises, et des matières premières agricoles. Dans le même temps, les salaires des travailleurs stagnent. Face à cette dynamique inquiétante des prix alimentaires, le projet de loi de modernisation de l’économie, actuellement en cours d’examen au Parlement, vise à accroître la concurrence dans le secteur de la grande distribution et donc à faire baisser les prix pour stimuler le pouvoir d’achat des ménages.

Au cours des dernières années, l’INSEE rend compte d’une progression forte du pouvoir d’achat entre 1998 et 2002 (+ 3,4% par an) et d’un ralentissement assez marqué de cette augmentation dans la période suivante : + 1,9% par an de 2002 à 2006. Il existe donc un décalage entre la réalité statistique et la perception des ménages. Les biais de perception concernant les prix ont diverses causes, parmi lesquelles on peut citer : - le passage à l’euro ; - la croissance particulièrement rapide, ces dernières années, des "dépenses contraintes" - dépenses liées au logement, aux frais de transport, aux assurances obligatoires, aux télécommunications etc..., donc relativement incompressibles - qui conduit à diminuer relativement la part du revenu disponible consacrée aux autres dépenses ; - l’accroissement du désir d’achat, lié notamment à la multiplication des innovations, qui conduit à des frustrations plus marquées ; Il convient également de relever un certain nombre de biais de perception concernant les salaires, et notamment : - le fait que les ménages n’intègrent pas à la perception de leur niveau de revenu le produit de leur épargne, l’augmentation de la valeur de leur patrimoine immobilier et les hausses de rémunération perçues comme temporaires ; - la difficulté à concevoir les allègements fiscaux comme augmentant véritablement le pouvoir d’achat. Mais ces derniers biais de perception touchent une partie seulement de la population. En effet, les ménages à faible revenu ou ceux vivant des minima sociaux n’ont souvent pas d’épargne ou très peu et sont exonérés d’impôts. Ce sont ces derniers qui voient, en premier lieu, leur pouvoir d’achat baisser.

La forte progression des prix à la consommation

Si la hausse des prix des produits alimentaires a été modérée jusqu’ici, ceux-ci ont, en France comme dans la plupart des pays européens, fortement augmenté à partir de la fin de l’année de 2007. Le poids des produits alimentaires dans l’indice des prix à la consommation (IPC) est également devenu plus important ces dernières années - ceci est particulièrement vrai pour les viandes et les produits transformés - alors que, de 2002 à 2005, leurs prix contribuaient négativement à l’inflation. Leur poids dans l’IPC est en outre plus important en France qu’en Allemagne et qu’au Royaume-Uni. Ceci pourrait en partie expliquer que les consommateurs français ressentent davantage la hausse des prix alimentaires que les consommateurs allemands. La forte progression des prix à la consommation en partie due à la hausse des prix pétroliers qui augmente le coût du transport des marchandises. Mais elle s’explique néanmoins principalement par le renchérissement des prix des matières premières agricoles. En effet, les prix de production du blé tendre, des oléagineux et du lait en France ont progressé respectivement de 72,6%, 64,3% et 21,4% en 2007. L’envolée des prix des céréales et des oléagineux a de surcroît fait grimper le coût des aliments pour animaux (+ 23,3% en 2007). En répercutant ces hausses au niveau des prix de vente à la distribution, les industries agro-alimentaires participent également à l’augmentation des prix des biens intermédiaires et par-delà à celle des prix à la consommation. D’autant que 34% des consommations intermédiaires sont des produits issus de la branche agricole.

La réforme de la grande distribution et le projet de loi de modernisation de l’économie

La réforme du secteur de la grande distribution souhaitée par le président de la République figure parmi les mesures inscrites dans le projet de loi de modernisation de l’économie (LME) en cours d’examen au Parlement. La loi doit permettre l’assouplissement des conditions d’implantation des grandes surfaces. Le seuil de déclenchement des procédures d’autorisation d’installation des supermarchés a en effet été relevé de 300 à 1.000 mètres carrés. Si cette disposition doit favoriser la multiplication des moyennes surfaces, de nombreux observateurs doutent en revanche qu’elle puisse encourager l’implantation d’hypermarchés. Or, ce sont les très grandes surfaces qui, par leur position de force, ont un impact réel sur la hausse des prix au niveau local. Avec la LME, le nombre de hard discount de proximité devrait augmenter rapidement, ainsi que la catégorie dite des "magasins populaires". Mais ces derniers ciblent désormais davantage les consommateurs disposant d’un fort pouvoir d’achat. La LME pourrait permettre aux acteurs de la grande distribution de satisfaire les clients qui souhaitent consommer davantage de produits discount. Les Français auront la possibilité d’acheter davantage de produits à bas prix, mais peut-être moins en raison d’un renforcement de la concurrence que grâce à une offre ciblée dédiée au segment croissant des consommateurs à faible pouvoir d’achat. À noter que le Sénat a modifié le 9 juillet 2008 l’article 27 du projet LME en donnant finalement la possibilité aux maires de saisir la CDEC pour les installations de 300 à 1.000 m2.

Sophie Périabe (Avec le rapport de la documentation française “Le pouvoir d’achat”)


Le hard discount est-il également concerné ?

La réforme de la grande distribution proposée par le projet de loi de modernisation de l’économie en 2008 vise à accroître la concurrence par les prix entre distributeurs, et pourrait favoriser les enseignes de la distribution low cost. La part du hard discount n’a, il est vrai, pas cessé d’augmenter depuis 2001. 13,2% des ménages français achètent désormais dans ces enseignes, même si celle-ci est plus importante dans d’autres pays européens comme en Allemagne. Les hypermarchés et les supermarchés ont en outre vu leurs volumes de vente diminuer entre janvier et mars 2008, pour la première fois depuis 2001. Ceux-ci ont baissé de 0,2% en janvier, de 0,5% en février et de 0,9% en mars, alors que jusqu’en 2007, ils avaient augmenté de 1,5% en moyenne chaque année. Il semble ainsi que l’inflation des biens alimentaires et l’accroissement de la concurrence par les prix incitent, au moins à court terme, les consommateurs à modifier leurs comportements d’achat en faveur des hard discounters. Mais les prix proposés dans ces magasins ont crû davantage par rapport à ceux des hypermarchés et supermarchés : 0,31 point de plus pour les premiers entre février 2006 et février 2007 et de 3,7 points de plus entre juin 2004 et février 2008. Les hard discounters ne sont donc pas épargnés par l’inflation. Une fois intégrée par les consommateurs, et si l’augmentation des prix dans le hard discount se poursuit à ce rythme, cette information risquerait alors, à plus long terme, de jouer en faveur des enseignes classiques...

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