’Préférence’ ? ’Équilibre’ ?... Hypocrisie !

23 septembre 2006

Dans un courrier des lecteurs que nous reproduisons ci-après, Georges-Marie Lépinay apporte une contribution sur la question de l’emploi.

"Cette colonie de peuplement, bien que vouée à la bigarrure multiraciale, est probablement le dernier territoire tropical non indépendant au monde où un pays développé puisse faire émigrer ses ressortissants.
Il faut donc saisir cette chance ultime de créer un pays francophone supplémentaire. La présence française ne peut y être menacée sauf guerre mondiale, que par une revendication nationaliste de populations autochtones appuyées par quelques alliés éventuels dans d’autres communautés ethniques venant de la zone.
À court et moyen termes, l’immigration massive de citoyens français métropolitains ou originaires des Départements d’Outre-mer, devrait permettre d’éviter ce danger, en maintenant et en améliorant le rapport numérique des communautés.
À long terme, la revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires de la zone représentent une masse démographique majoritaire. Il va de soi qu’on n’obtiendra aucun effet démographique à long terme sans immigration systématique de femmes et d’enfants.
Afin de corriger le déséquilibre des sexes dans la population non autochtone, il conviendrait sans doute de faire réserver des emplois aux immigrants dans les entreprises privées. Le principe idéal serait que tout emploi pouvant être occupé par une femme soit réservé aux femmes (secrétariat, commerce, mécanographie).
Sans qu’il soit besoin de textes, l’Administration peut y veiller.
Les conditions sont réunies pour que l’île soit, dans vingt ans, un petit territoire français prospère comparable au Luxembourg et représentant évidemment, dans le vide de cet Océan, bien plus que le Luxembourg en Europe.
Le succès de cette entreprise indispensable au maintien de positions françaises à l’Est de Suez dépend, entre autres conditions, de notre aptitude à réussir enfin après tant d’échecs dans notre histoire une opération de peuplement Outre-Mer."

Ce qui est écrit précédemment n’est pas de mon cru. Et ne correspond pas, mais pas du tout, à mes convictions. Non. Ce sont là les propos d’un Premier ministre de la République donnant ses directives à son ministre chargé de l’Outre-mer. En l’occurrence de Pierre Messmer, alors Premier ministre, s’adressant à Xavier Deniau, son secrétaire d’État en charge de l’Outre-mer à propos de la Nouvelle-Calédonie en 1972. Je me suis contenté de changer quelques mots au texte original sans pour autant le dénaturer. (1)

Quel "équilibre"  ?

En quoi cette directive n’a-t-elle pas été valable et n’est-elle pas encore valable pour la Réunion, avec sa "bigarrure multiraciale" ? Qui peut aujourd’hui prétendre le contraire au vu de l’expérience de ces trente dernières années ?
Certains ne manqueront de dire que 1972, c’est vieux. Certes. Mais il y a moins vieux. Par exemple ces propos tenus le 7 décembre 2004, il y a tout juste deux ans, sur une télévision locale et réitérés le 9 décembre 2004 dans un journal local, par le secrétaire général de la préfecture de La Réunion pour qui, les services de la préfecture de la Réunion doivent "veiller à l’équilibre des communautés vivant à la Réunion". Quel "équilibre" ? (2)
Quelle différence peut-il y avoir entre "équilibre des communautés" et "rapport numérique des communautés" ? C’est de la même veine, du même tonneau.
Comment alors ne pas mettre en parallèle la phrase du Premier Ministre selon laquelle "sans qu’il soit besoin de textes, l’Administration peut y veiller" et la protestation des étudiants ("Le Quotidien" du 14 septembre 2006 ) ou celle concernant le recrutement des assistants d’éducations ("Témoignages" du 14 septembre 2006) ?

"On est parvenu à culpabiliser le Réunionnais"

Ces propos publics - à la différence de la lettre de Pierre Messmer restée sous le boisseau jusqu’en 1988 - n’ont soulevé aucune protestation que l’on sache. Notamment de ceux qui, aujourd’hui, se drapent de tricolore et brandissent haut les grands principes républicains, parce qu’ici ou là on a parlé de "préférence régionale", de "discrimination positive" (termes impropres de mon point de vue et en tout cas, concepts plus que contestables), de "place" des Réunionnais dans le travail, voire tout simplement à La Réunion.
Dans de telles conditions, le débat actuel sur la prétendue "préférence régionale", ou la "discrimination positive", devient d’un dérisoire affligeant. Et d’une rare hypocrisie.
Le comble, c’est qu’à ce jeu, on est parvenu à culpabiliser le Réunionnais de ce dont il est victime, et l’amener à reprendre à son compte le terme et le concept utilisés contre lui. Et cela plutôt que de prendre appui sur de vraies valeurs, de vrais principes : justice, égalité... C’est vraiment le monde à l’envers.
Une chose en tout cas est sûre : on a le chic à La Réunion, pour crier sur les toits ce qu’on ne fait pas, et qu’on ne veut pas faire, alors qu’ailleurs, y compris en France dite "métropolitaine" on ne dit rien, mais on fait. En violation des grands principes affichés lesquels s’en trouvent du coup pervertis.
La lettre de Messmer l’atteste. De même que les propos plus récents du représentant de l’État à La Réunion qui "veille à l’équilibre des communautés vivant à La Réunion". Avec ça, on peut dormir sur nos deux oreilles : la République est sauve !

Georges-Marie Lépinay

(1) Au tout début, il faut lire "La Calédonie, colonie de peuplement..." ; au deuxième paragraphe, il faut lire : "La présence française en Calédonie ne peut être menacée...." ; Tout à la fin : "communautés ethniques venant du Pacifique" ; au quatrième paragraphe, il faut lire "si les communautés non originaires du Pacifique" et non de la zone ; et à l’avant dernier paragraphe, il faut lire : "Les conditions sont réunies pour que la Calédonie..." et non pas l’île.
Enfin, triste privilège, La Réunion y est citée : au troisième paragraphe, il faut lire "ou originaire des Départements d’Outre-Mer (Réunion)".

(2)
Témoignages du 9 décembre 2004


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