Centrale du Gol : déficit réunionnais de compétences ?

Prendre en compte le chômage dans toutes les décisions

16 avril 2005

La venue annoncée de travailleurs thaïlandais sur le chantier de la centrale du Gol soulève plusieurs questions. Alors que ce chantier était prévu de longue date, comment peut-on alors laisser passer l’argument selon lequel à La Réunion, il n’existe pas suffisamment de compétences au point que l’on ait recours à une main d’œuvre importée, alors que chacun peut constater que notre société est confrontée à un chômage de masse.

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La venue de 150 travailleurs thaïlandais payés 200 euros par mois pour travailler sur un chantier à La Réunion ne cesse d’être la raison de réactions indignées, notamment de la part des élus, et en particulier à la Région, collectivité qui est, rappelons-le, une des initiatrices du Comité de vigilance pour l’emploi.
Au-delà du fait que cette tentative d’application avant la lettre de la réglementation du pays d’origine, qui n’est pas sans nous rappeler la “directive Bolkestein”, est un avant-goût de ce qui nous attend si jamais le traité établissant une Constitution pour l’Europe est ratifié, et qu’elle est de fait, un nouvel argument de poids pour les partisans du “non” au traité soumis au vote le 29 mai prochain. Ceci est un sujet important sur lequel nous reviendrons ultérieurement.
La question que nous souhaitons poser aujourd’hui est celle du manque de compétence supposé des Réunionnais pour réaliser l’extension de la centrale du Gol. Elle montre combien il est important pour nous d’être vigilants et d’être capables d’anticiper.
En effet, selon le “Journal de l’île” d’hier, "le directeur de la centrale thermique du Gol justifie ces embauches étrangères par, dit-il, un “déficit local de compétences”". Ce raisonnement expliquerait alors pourquoi l’entreprise italienne bénéficiaire du marché est allée chercher en Thaïlande des travailleurs qui ont les compétences pour mener à bien le chantier. C’est un argument surprenant.

Recenser les compétences réunionnaises

Tout d’abord, un chantier d’une telle ampleur nécessitant la présence de plusieurs dizaines de soudeurs qualifiés pendant plusieurs mois ne se programme pas du jour au lendemain. Les commanditaires des travaux et l’entreprise bénéficiaire du marché savaient donc depuis longtemps quels étaient les besoins en main d’œuvre et ils pouvaient donc, sans doute plusieurs mois avant le début du chantier, savoir si ces compétences existaient ou pas à La Réunion.
Alors que notre société vit un chômage de masse, pourquoi les entreprises impliquées dans l’extension du Gol n’ont elles pas eu le réflexe d’agir en fonction de ce contexte ? Les commanditaires de la venue des travailleurs thaïlandais ont-ils eu l’intention de former des Réunionnais afin que ces derniers puissent acquérir les compétences nécessaires pour réaliser le travail demandé ?
Rappelons que pour la route des Tamarins, la Région et ses partenaires n’ont pas hésité à envoyer se former en France plus de 300 Réunionnais aux métiers spécifiques de ce grand chantier de BTP, afin que les entreprises bénéficiaires des marchés puissent trouver, à La Réunion, des compétences locales.

Précédent de Bois-Rouge

On peut également se souvenir que la construction de la centrale thermique de Bois-Rouge a donné lieu à un tollé de même nature. En effet, à l’époque, on avait fait venir 110 travailleurs indiens pour les mêmes raisons officielles. Résultat : lorsque l’on a construit la première tranche de la centrale du Gol, la mobilisation a débouché avec l’aide de la Région sur la formation de Réunionnais, pour que les chômeurs de notre pays ne soient pas exclus de cette opportunité d’embauche qui se présentait.
Ayant en tête ce précédent, comment se fait-il que les entreprises impliquées dans les travaux du Gol n’en aient pas tiré les enseignements ? Surtout qu’il s’agit quasiment du même type de chantier. Comment ont-elles pu imaginer que la venue de “nouveaux engagés” dans une société ravagée par le manque de travail allait passer “comme une lettre à la poste” ?
C’est à se demander si l’argument du déficit de compétence locale, sous-entendu du manque de formation, est la véritable raison de ce recours à des travailleurs thaïlandais. Car à La Réunion, les autorités et collectivités compétentes dans le domaine de la formation ont montré depuis qu’elles sont capables de créer l’adéquation entre les besoins d’un chantier et l’existence d’une compétence locale. Le chantier de la route des Tamarins en est l’illustration quotidienne.

Manuel Marchal


Comité de vigilance pour l’emploi

Réunion d’urgence mercredi 27 avril

Suite à l’information concernant la venue d’ouvriers thaïlandais pour l’usine du Gol, la Région organise une réunion d’urgence du Comité de vigilance pour l’emploi. Voici son communiqué.

Lors de sa réunion constitutive, le 7 avril, le Comité de Vigilance pour l’Emploi avait fixé sa prochaine séance de travail au 12 mai, l’objectif fixé étant d’approfondir les problèmes posés dans le domaine de l’emploi, en vue d’atteindre une position partagée entraînant un plan d’actions concret. Ainsi, il a été proposé de travailler sur l’évaluation qualitative des dispositifs existants en matière d’aides à l’emploi, et sur l’identification des secteurs en difficulté et des secteurs émergents. Un principe a également été acté : celui de confier à ce Comité une action de veille et vigilance par rapport à l’évolution de la situation économique, notamment en matière d’emploi.
Cette mission de veille et cette vigilance est aujourd’hui activée. En effet, une information donnée par un journal réunionnais indique que 150 Thaïlandais vont arriver dans les prochains jours dans l’île, pour y travailler, dans le cadre de l’extension de l’unité de production de l’usine du Gol. Ces "nouveaux engagés", comme les appelle le journal, toucheraient une rémunération variant entre 200 et 300 euros par mois. Cela serait rendu possible par l’application du principe du pays d’origine, sans doute au titre des prérogatives laissées dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce.
Devant la gravité de la situation, le Comité de Vigilance pour l’Emploi a été invité à se réunir le mercredi 27 avril à 16h 30 au Conseil régional.


Réactions

Voici un second communiqué de la Région et un de la Chambre de métiers réagissant au sujet de l’emploi de 150 Thaïlandais à l’usine du Gol.

o Conseil régional

L’annonce par un journal réunionnais de la venue dans notre île de 150 travailleurs thaïlandais a suscité un émoi légitime tant auprès de la population que des responsables syndicaux ou politiques.
Cet événement pose un certain nombre de questions et de problèmes, parmi lesquelles celle de la gestion des ressources humaines. En effet, lorsqu’une entreprise, quelle qu’elle soit, envisage de procéder à des travaux d’une telle ampleur, nécessitant la mobilisation de compétences particulières, il aurait été logique de s’adresser en premier lieu aux différents services de l’emploi dans l’île, afin de recenser les salariés offrant un profil professionnel se rapprochant des capacités demandées. Si sur le marché réunionnais, il n’existe pas d’hommes ou de femmes possédant le profil recherché, il y a la possibilité de former - ici ou ailleurs - des Réunionnais demandeurs d’emplois.
C’est la démarche qu’avait initiée la Région Réunion lorsqu’elle a lancé les travaux de la Route des Tamarins. Très en amont des premiers marchés, avec l’ensemble des partenaires concernés (services de l’emploi, entreprises ou syndicats du bâtiment, organismes de formation...), une démarche d’analyse des besoins avait été lancée, donnant naissance à un parcours de formation. Cette anticipation a eu pour conséquence de préparer les Réunionnais à occuper les postes à pourvoir.
La Région Réunion déplore que la situation observée au Gol ait pu voir le jour. Elle rappelle qu’elle reste disponible pour travailler avec les commanditaires du chantier et l’ensemble des partenaires, afin d’examiner, s’il en est encore temps, toutes les pistes de solutions locales, à partir de la mobilisation des outils de formation, afin de mettre en adéquation les compétences réunionnaises avec les besoins en main d’œuvre du chantier.

o La Chambre de métiers

Suite à l’information donnée dans la presse sur la prochaine venue de 150 ouvriers thaïlandais pour la construction de la centrale thermique du Gol, le bureau de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat exprime son indignation et sa totale désapprobation devant cet acte de concurrence déloyale et de mépris vis-à-vis des professionnels locaux.
Les élus de l’artisanat s’interrogent sur la légalité de telles pratiques, notamment au niveau des rémunérations, et proposent de faire plutôt appel à la sous-traitance des entreprises locales spécialisées dans ce secteur et à la main-d’œuvre réunionnaise dont les compétences techniques sont reconnues.
Enfin, ils rappellent que le développement durable comporte un critère social. Celui-ci doit donc être respecté et réellement pris en compte dans cette affaire, d’autant qu’il s’agit de construire une unité de production électrique bagasse charbon indispensable pour répondre à la consommation locale.


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