Difficultés de recrutement dans des métiers du BTP

Propositions pour valoriser le potentiel des Réunionnais

24 février 2007

L’enquête annuelle sur les besoins en main d’œuvre à La Réunion, réalisée par les ASSEDIC, confirme le dynamisme du secteur du BTP et souligne également que dans ce secteur, une part importante des recrutements est difficile. Comment expliquer qu’avec le taux de chômage massif que connaît La Réunion, autant d’entreprises annoncent avoir des difficultés à embaucher ? Pour Jacky Balmine, Secrétaire général de la CGTR-BTP, derrière ces chiffres, se cache une autre réalité. La pression du chômage est utilisée pour négocier des salaires à la baisse, ce qui fait dire au syndicaliste que certains n’hésitent pas à « profiter de la misère des gens ».

76,9% d’embauches difficiles à La Réunion pour les entreprises qui cherchent à recruter un électricien qualifié du bâtiment. C’est ce qu’annonce l’enquête annuelle de l’ASSEDIC sur les besoins de main d’œuvre. Résultat du dépouillement de 5.276 réponses d’entreprises au questionnaire envoyé par l’ASSEDIC, l’enquête relève que des patrons ont des difficultés à recruter dans certains métiers. C’est notamment le cas dans le dynamique secteur du BTP, l’exemple des électriciens qualifiés est révélateur. Car, comment se fait-il qu’il manque autant d’électriciens réunionnais formés capables d’occuper ces postes à La Réunion ?
Pour Jacky Balmine, Secrétaire général de la CGTR-BTP, une explication réside dans la politique de recrutement menée par beaucoup d’entreprises. Utilisant à leur profit le chômage massif, ces patrons rechignent à rémunérer les travailleurs à la hauteur de leur expérience et de leur qualification. Jacky Balmine prend l’exemple d’un électricien qui, au bout de 15 années d’expériences, a pu, à force de batailler, être rémunéré en fonction de l’indice 145, soit 11,62 euros brut comme salaire horaire. Lorsque ce travailleur cherche un autre emploi à la suite de la fermeture de son chantier, un patron lui propose l’indice 112, soit un salaire horaire de 9,32 euros.

Respecter qualifications et expériences

Si le travailleur accepte que ses compétences soient payées au rabais, alors son nouveau salaire est inférieur au montant de l’allocation chômage qu’il perçoit, explique Jacky Balmine. La pénurie d’emploi à La Réunion permet à des patrons de mener une telle politique salariale, car le chômage massif a pour conséquence une mise en concurrence des travailleurs. Ce qui rend plus difficile la reconnaissance à sa juste valeur de ce qu’un ouvrier du BTP apporte à la richesse de l’entreprise. Pour le syndicaliste, il est clair que certains « profitent de la misère des gens ». Si les qualifications des travailleurs étaient systématiquement reconnues par un salaire plus juste, nul doute que les difficultés de recrutement seraient beaucoup moins importantes et que dans le même temps, la motivation des salariés ne pourrait qu’augmenter.
L’autre levier sur lequel il est possible de peser est celui de la formation, poursuit Jacky Balmine. Le syndicaliste rend d’ailleurs un hommage appuyé aux jeunes Réunionnais nouvellement formés qui arrivent sur les chantiers. « Par exemple, à la GTOI, nous sommes passés de 700 à 1.400 salariés en 3 ans », souligne-t-il, « et les chantiers avancent toujours aussi vite ». Ce qui ne peut que vouloir dire que les jeunes sont motivés et compétents.

Phasage et anticipation

Or, d’autres grands chantiers sont programmés. Le Secrétaire général de la CGTR-BTP insiste sur 2 points indispensables pour maintenir le dynamisme : le phasage et l’anticipation.
« Si on ne pousse pas pour que le chantier du tram-train commence au plus tard tout de suite après la fin de celui de la route des Tamarins, alors beaucoup de travailleurs formés à ces grands chantiers iront voir ailleurs pour ne pas rester 6 mois au chômage », précise-t-il. Quant à l’anticipation, le responsable syndical relève qu’un projet comme le tram-train nécessitera l’utilisation de compétences maintenant inconnues à La Réunion. « Qui sait poser des rails ? Il faudra anticiper pour que des Réunionnais puissent occuper ces postes ». Autrement dit, les efforts mis en œuvre pour que des Réunionnais puissent travailler sur le chantier de la route des Tamarins devront être amplifiés, en proposant notamment des formations à des nouveaux métiers. Cette anticipation est une nécessité pour avancer. C’est d’ailleurs dans le prolongement de cette idée que conclut Jacky Balmine : « Avec le nombre de chômeurs qu’il y a ici, si on pousse tous ensemble, alors nous serons capables de répondre à toutes ces demandes, car à La Réunion, nous avons le potentiel ».

Manuel Marchal


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