La seule baisse est celle des chiffres

Quand sortir du chômage ne veut pas dire retravailler

27 juillet 2006

À La Réunion, quand un chômeur retravaille, plus de trois disparaissent des statistiques sans avoir eu la possibilité de retrouver un travail. Cela relativise tout de suite la baisse du chômage.

Depuis son entrée en fonction, le gouvernement a fait de sa priorité la bataille pour l’emploi. Et pour le moment, le premier résultat obtenu est une diminution des chiffres du chômage.
En France, le ministère du Travail annonce une baisse de 10% du nombre de chômeurs entre mai 2005 et mai 2006, ce qui donne 2 millions 213.100 chômeurs. En appliquant les mêmes règles de calcul à La Réunion, la Direction du Travail annonce 58.269 chômeurs, et note une baisse de 8,6% sur la même période.
Mais loin de recenser tous ceux qui sont privés d’emplois, ce chiffre ne comptabilise que les "personnes sans emploi immédiatement disponibles, tenues d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi, à la recherche d’un emploi à durée indéterminée à temps plein". Ceux que l’on regroupe dans la catégorie 1.
Or, les demandeurs d’emplois sont divisés en 8 catégories. Les 1, 2 , 3 et 4 recensent ceux qui sont sans travail au moment du comptage. La 5 regroupe des salariés qui recherchent un autre emploi. Quant aux catégories 6, 7 et 8, elle regroupe des travailleurs qui cherchent un autre emploi, qui ne sont pas "immédiatement disponibles" et qui ont eu une activité de plus de 78 heures dans le mois.
En cumulant le nombre de toutes celles et ceux qui sont à la recherche d’un emploi en mai 2006, mis à part la catégorie 4, on arrive à 94.122 demandeurs d’emplois inscrits. Pourquoi pas la catégorie 4 ? Ce sont ceux qui sont "sans emploi non immédiatement disponibles, non tenues d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi, à la recherche d’un emploi".
Enfin, sur la base du cumul des catégories 1, 2, 3, 5, 6, 7 et 8, la Direction du Travail annonce une baisse de 7%.
Mais peut-on vraiment dire que la baisse du nombre de chômeurs comptabilisés dans les statistiques correspond à autant de créations d’emploi ?

Démographie et radiations

Dans “le Journal du management”, organe dont on devine qu’il n’est pas le relais des opinions des syndicats de travailleurs, Aurélie Fardeau donne des explications à cette inflexion bien venue dans les statistiques.
Le premier facteur est la démographie. "L’augmentation du rythme des départs à la retraite a provoqué une diminution de 63.000 chômeurs en 2005 et ce chiffre est en constante augmentation : près de six millions de personnes prendront leur retraite d’ici 2020".
Le deuxième cité est "le durcissement de la politique de radiation des listes de l’ANPE". Résultat d’une mesure du Plan Borloo, mise en application par le décret du 2 août 2005, cette batterie de mesure "a souvent été évoqué pour expliquer l’embellie des statistiques". En France l’an dernier, 417.685 personnes ont été radiées, et selon les syndicats d’agents de l’ANPE, "95% d’entre elles ont visé des chômeurs n’ayant pas répondu à des convocations, sans se justifier". Toutefois, il faut limiter la portée de ces radiations qui touchent également des personnes qui retrouvent du travail sans l’aide de l’ANPE (la moitié, selon les syndicats d’agents).
Le “Journal du Management” évoque aussi "la Convention de reclassement personnalisé (CRP)" qui "offre aux salariés licenciés pour motif économique de bénéficier d’un ensemble de mesures parmi lesquelles un stage professionnel d’une durée de huit mois maximum".
Enfin, Audrey Fardeau relève qu’en France, "parallèlement à l’amélioration de la situation de l’emploi, le nombre de bénéficiaires du Revenu Minimum d’Insertion a augmenté de 4,7% en 2005".

4.779 disparus en mai 2006

À La Réunion, le facteur retraite-diminution des entrées dans la population active pèse moins, car à La Réunion le nombre d’habitants continue à augmenter de manière importante, avec pour conséquence un nombre très nettement supérieur de jeunes qui entrent dans la vie active par rapport aux nouveaux emplois disponibles.
Si elle était utilisée par tous ceux qui y ont droit, la CRP n’aurait concerné que 179 personnes en mai 2006, c’est très peu.
C’est plutôt du côté des radiations que l’on trouve le plus fort contingent de chômeurs sortis des statistiques. Selon la Direction du travail, en mai 2006, ce sont 3.733 Réunionnais qui ne sont plus officiellement demandeur d’emploi pour cause d’"absence au contrôle". 731 autres ont subi une "radiation administrative", et 315 ont décidé d’être en "arrêt de recherche". Cela fait un total de 4.779 chômeurs qui n’apparaissent plus dans les statistiques sans avoir retrouvé un travail. Quand on constate que sur la même période, on a 1.400 demandeurs d’emploi qui ont réussi à retravailler, on se rend compte de la froide efficacité de cette machine à rayer les chômeurs. Puisque pour un Réunionnais qui retrouve du travail, trois disparaissent des comptes tout en restant au chômage.

Manuel Marchal


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