JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA FEMME
Chômage, emplois précaires : les femmes surreprésentées

Quelle égalité ?

8 mars 2008

Les femmes sont les premières victimes de la politique ultra-libérale de l’emploi. Si l’égalité professionnelle entre hommes et femmes est aujourd’hui au point mort, par contre, la précarisation du travail féminin est passée, elle, à la vitesse supérieure. Le marché du travail compte de plus en plus de travailleuses pauvres, de mères isolées astreintes aux temps partiels subis.

Emploi précaire, sous-emploi, sous-rémunération, chômage : les femmes sont ici surreprésentées. Si l’insécurité de l’emploi touche les deux sexes, il faut arrêter de prétendre que le travail à temps partiel permet aux femmes de concilier vie professionnelle et vie familiale. Il a surtout ouvert la brèche à la flexibilité de l’emploi, permis de tirer l’égalité vers le bas, de freiner leur autonomie, d’étouffer leur volonté d’émancipation.

Les premières bénéficiaires du RMI

Dans notre département, ce sont les jeunes de moins de 25 ans, hommes et femmes, qui connaissent les situations les plus difficiles face à l’emploi : la moitié des jeunes actifs est confrontée au chômage. « Ce constat est plus marqué chez les jeunes femmes, pour lesquelles les taux sont supérieurs à ceux rencontrés pour les hommes ». Même si ces 50 dernières années, le marché du travail s’est féminisé, aujourd’hui, la part des femmes occupant un emploi reste stable. Elles sont seulement 33% vivant en couple et 30% mères de famille monoparentale à occuper un emploi à La Réunion. Mais de quels emplois s’agit-il ? Comme en Métropole, différentes études conduites localement (INSEE et al., 2004 ; Mekkaoui, 2002) ont mis en lumière la croissance de la précarité des emplois à La Réunion ces dernières années, avec une extension des CDD, du temps partiel et une forte progression des contrats aidés depuis 1990. « Entre 1990 et 1999, les emplois aidés (CES et CEJ) ont représenté près de 40% de la croissance de l’emploi ».* Puis, à partir de 2001, ils n’ont cessé de diminuer. Autre indicateur important à souligner, « depuis sa création en 1989, les femmes sont majoritaires dans le dispositif RMI et leur part parmi l’ensemble des bénéficiaires continue de progresser : en décembre 2003, 59% des allocataires du RMI sont des femmes, contre 53% en 1989 ». « Leur taux d’activité plus faible que les hommes, leur plus grande vulnérabilité au chômage, mais aussi le fait qu’elles gèrent traditionnellement plus souvent les ressources du ménage expliquent cette surreprésentation ».

Faute d’emploi durable, l’emploi précaire

Nicolas Roinsard, auteur de plusieurs travaux sur l’allocation du RMI et ses effets sociaux à La Réunion (Roinsard, 2003), souligne que certains bénéficiaires sont obligés de jongler avec l’emploi aidé pour maximiser leurs ressources. Le RMI représente pour eux une béquille qui leur permet de pallier leurs difficultés d’accès à l’emploi durable. Ce comportement concerne toutes les classes d’âges d’allocataires, autant les pères que les mères de familles monoparentales ou les primo demandeurs d’emplois. Mais compte tenu des contraintes imposées par le marché du travail local, ces allocataires du RMI n’accèdent le plus souvent qu’aux seuls emplois aidés et sont ainsi amenés à combiner les périodes d’emplois atypiques et d’indemnisation du chômage, dans l’objectif affiché de maximiser leurs revenus. Les contrats aidés constituent la principale possibilité d’accès à l’emploi pour les allocataires du RMI. Ils constituent un moyen de régulation important sur le marché du travail local. L’étude de Nicolas Roinsard met ainsi en évidence que « la combinaison Emploi aidé - Assedic - RMI, etc... figure parmi une des stratégies essentielles des populations défavorisées ». C’est dans ce contexte que les femmes sont contraintes d’accepter ou de demander, faute d’emplois stables, de petits contrats pour assurer la solvabilité financière de leur famille. Elles sont contraintes d’occuper des emplois précaires marqués par une courte durée (CES, CIA et bientôt CUI) qui permet certes de toucher un plus grand nombre de bénéficiaires des minima sociaux, mais limite les chances d’insertion durable.

Précarité et santé : les jeunes mamans fragilisées

Cet engrenage dans la précarité, la fragilité financière et sociale n’est pas sans incidence sur la santé.
Les jeunes femmes issues de milieux modestes décident de se mettre plus souvent et précocement en couple que les jeunes garçons et envisagent très tôt la maternité pour accéder à leur indépendance. Ce choix les conduisent à quitter prématurément le système scolaire, avec de plus grandes difficultés pour accéder à l’emploi par la suite, faute de qualification. « Une analyse récente de l’évolution du nombre de décès avant 1 an indique que les problèmes de santé périnatale se rencontrent plus souvent en milieu défavorisé (Barbieri, 2002). Les femmes en situation de précarité économique (allocataires du RMI, de l’API, au chômage) sont plus fréquemment hospitalisées au cours de leur grossesse (une sur trois, contre une sur quatre pour les autres). En outre, le suivi de la grossesse est moins systématique pour les femmes en situation précaire, qui renoncent plus souvent aux soins et examens prénataux pour des raisons économiques. Les facteurs de risques à la naissance sont donc plus importants ».

Stéphanie Longeras

(Source : Synthèse des études existantes sur la pauvreté à La Réunion, Franck Temporal, 2005-2006)


Rapport 2007 de la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale

Les femmes sont les premières victimes de la précarité

Selon un rapport de la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale rendu public en avril 2007, les femmes sont les premières victimes de la précarité. Ce rapport nous apprend que la majorité des allocataires des minima sociaux sont des femmes et que le taux de pauvreté des plus de 75 ans est deux fois plus élevé chez les femmes que chez les hommes. « Le rapport dénonce en particulier la persistance des inégalités et la fragilité des femmes sur le marché du travail, masquées par l’essor du travail féminin depuis les années 1950. Cet essor s’est ralenti depuis une quinzaine d’années et un écart significatif demeure entre le taux d’emploi des hommes et celui des femmes. Par ailleurs, les emplois dont bénéficient les femmes sont souvent des emplois atypiques (temps partiels, précaires) et dans les secteurs dits “féminins”, donc mal rémunérés et fragiles ».* Rejoignant le constat établi à plusieurs reprises, le présent rapport confirme que par faute de places en structures d’accueil, les travailleuses précaires font majoritairement le choix d’abandonner leur emploi à la naissance de leur enfant. Le rapport constate dès lors l’apparition de « nouvelles inégalités » entre les femmes elles-mêmes : avec, d’un côté, celles bénéficiant d’un emploi stable et bien rémunéré et, de l’autre, les victimes des temps partiels et du travail sous-rémunéré. Le taux de chômage chez les mères des familles monoparentales qui occupent principalement les emplois à temps partiel subi est deux fois plus élevé que celui des mères en couple. Le rapport souligne encore que cette précarisation de l’emploi chez les femmes « conduit légitimement à craindre une nouvelle dégradation de la situation des femmes retraitées » dont le montant des retraites dans le secteur privé est déjà inférieur de 38% à celui des hommes.

SL avec AFP
* Extrait, journal “Libération” du 21 février 2007


Femmes au travail

Le calendrier est un gros macho. Commémorer la Journée internationale de la Femme du 8 mars un samedi relève de la pure provocation. C’est vrai : comment peut-on organiser un tel événement (international, s’il vous plait) un jour certes ouvré, mais si peu travaillé ? Surtout que c’est bel et bien dans le domaine du travail qu’il reste le plus de boulot à accomplir pour que les filles soient à la hauteur des garçons, financièrement et hiérarchiquement parlant. Pour ce qui est des compétences, elles se débrouillent parfaitement. Mais côté parité, rien n’est gagné. (...)

De son côté, le très prudent Insee (Institut national des statistiques et études économiques), spécialisé depuis quelque temps dans les scoops à l’eau tiède sur notre pouvoir d’achat, rappelle que tout n’est pas rose sur le chemin de l’égalité entre les hommes et les femmes. Son étude récente passe en revue ce qu’on savait déjà. Mais c’est vrai qu’en collant des chiffres nationaux sur quelques faits que l’on a pu observer localement, ça vous fait son petit effet. Concernant l’écart des salaires entre les hommes et les femmes, il est de 26%, tous secteurs confondus, toutes professions aussi. Le temps partiel (parfois souhaité et souvent subi) ? Il touche 30% des femmes et 6% des hommes. Quant aux non-salariés (entrepreneurs, professions libérales et autres), moins d’un tiers d’entre eux sont des filles.

Stop. N’en jetez plus. Halte au lamento. Plutôt que de continuer à se désespérer, tentons de positiver. (...) Présomptueux ? Et comment ! Persuadés nous sommes, en tous cas, qu’à force d’expliquer que les femmes dans l’entreprise sont des hommes comme les autres, elles le deviendront vraiment. Bien plus vite qu’en se lamentant sur les chiffres de la fatalité.

(Sources : Cadremploi)


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