Les décrets d’application sur le revenu minimum d’activité sont parus mais la question reste entière

Quelle sera la position du Département sur le R.M.A. ?

6 avril 2004

En France, les présidents de gauche de Conseils généraux ont demandé le gel du dispositif sur le revenu minimum d’activité. Quelle va être la position du Conseil général de La Réunion ?

Il aura fallu plus de trois mois pour que les décrets d’application du revenu minimum d’activité (RMA) soient publiés au Journal Officiel (c’était le mardi 30 mars dernier). Mais même avant cette publication, les présidents des Départements de gauche avaient montré leur hostilité à ce dispositif. Aujourd’hui, après le bouleversement entraîné par les élections des 21 et 28 mars, il se pourrait bien que ce dispositif ne soit appliqué que dans un Département sur deux : ceux qui sont gérés par des présidents (ou présidente) de droite.
À gauche, la fronde pourrait bien connaître un nouvel essor. En effet, lors de la réunion de son Conseil national samedi à Paris, le PS a fait savoir qu’il compte s’opposer à ce dispositif "dangereux", pour reprendre l’expression de François Hollande.
La position de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains (FNESR) devrait être la même. La réponse définitive sera apportée à l’issue de la réunion du Bureau, demain mercredi. Mais on ne voit pas comment la Fédération pourrait opter pour une autre position que celle du refus, puisque, bien avant les consultations de mars 2004, elle avait déjà demandé le report de la mise en œuvre de la loi.

Inadmissible

Ce "contrat de travail au rabais" fait que l’heure de travail - sur la base d’un SMIC à 5,56 euros - ne coûte que 2 euros à l’employeur. La différence est payée par le Conseil général. Et donc par les contribuables du département.
Cela est moralement inadmissible. Tout comme il est inadmissible que les destinataires des contrats RMA ne bénéficient pas des garanties sociales liées à tout contrat de travail : comme la retraite, par exemple. Ou l’indemnisation du chômage.
Comme l’ont souvent répété les associations réunionnaises de lutte contre la précarité ou l’exclusion, ce dispositif est une légalisation pure et simple de la précarité.

Et le financement ?

Une autre question se pose : combien de Conseils généraux en France et Outre-mer pourront supporter la charge financière liée à la gestion du RMI et à la création du RMA ?
Car c’est bien sur les fonds liés à la décentralisation du RMI que les Départements financeront la mise en place (éventuelle) du RMA.
Comme les crédits versés ont été calculés au minimum, il est bien évident que cela aura pour conséquence la création de seulement un tout petit nombre de contrats RMA. Certaines estimations laissent penser que les “prévisions” du gouvernement quant à la création de contrats RMA seraient revues de moitié.

Et à La Réunion ?

Le transfert de la gestion du RMI et du RMA au Département aura pour effet d’augmenter de 70% les dépenses de la section de fonctionnement. Un chiffre avancé lors de la présentation des orientations budgétaires de la collectivité. Comment financer cette augmentation ? La nouvelle majorité tiendra-t-elle la position expliquée par l’équipe de Jean-Luc Poudroux : "la compensation de ce transfert sera assurée par une partie d’un impôt d’État"... ?
Lorsque les députés ont évoqué la question des responsabilités locales, la question du RMI - et du RMA - est venue sur le devant de la scène. À droite, comme à gauche, des remarques ont été faites, des inquiétudes ont été exprimées.
Dans leurs déclarations, les députés ont affirmé que les dépenses de 2003 avaient déjà augmenté automatiquement - de 1,5%, au 1er janvier - du fait de l’indexation. Mais à cette augmentation, il fallait ajouter les effets de l’exclusion des ASSEDIC - quand bien même la réforme de l’ASS serait "reportée".
Des députés ont fait les calculs : chaque contrat RMA va entraîner - si le Département met en place le dispositif - une augmentation de près de 15% des coûts de gestion supplémentaires, lesquels seront effectivement à la charge des Départements. Car ceux-ci ne recevront pour toute compensation que la part du produit de TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) correspondant à la dépense de RMI en... 2003.
Bon nombre de députés avaient également souligné qu’il y a un risque de voir, dès 2004, les impôts locaux augmenter de plus de 2% !
Même Pascal Clément, pourtant président UMP de la commission des lois de l’Assemblée nationale, s’était inquiété en ces termes : "Nous aurons tous à cœur que le RMA - contrairement au RMI - marche, mais nous ne savons pas combien cela coûtera".
S’il y a inquiétude dans les Départements de France métropolitaine - où le nombre d’allocataires du RMI est sensiblement inférieur à celui que nous connaissons à La Réunion -, ici ce ne devrait plus être de l’inquiétude mais de l’angoisse.
Voilà donc un dossier sur lequel Nassimah Dindar devra se pencher. Figurera-t-il au menu de la première réunion de la nouvelle Commission permanente du Département de La Réunion, ce mercredi ? Les élus de droite vont-ils tenir les engagements pris au soir des 21 et 28 mars, à savoir de mieux écouter les Réunionnaises et les Réunionnais qui, à de très nombreuses reprises, se sont prononcés contre la décentralisation du RMI et surtout la création du RMA ?
Leur prise de position sera un élément révélateur de la fiabilité de leurs promesses.

Dominique Besson


Ancienneté dans le RMI et cumul d’activité en France

Des disparités entre départements

Dans le numéro 21 de sa revue “L’e-ssentiel”, la Direction des statistiques, des études et de la recherche de Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) dresse le bilan de la situation des bénéficiaires du RMI au regard de leur ancienneté dans le dispositif et du cumul de l’allocation avec une activité rémunérée. À l’heure de l’entrée en vigueur du RMA, cette étude révèle d’importantes disparités départementales sur la situation des bénéficiaires du RMI.
Si au 1er janvier de l’an dernier, 32% des 951.000 allocataires étaient dans le dispositif depuis cinq ans ou plus, cette proportion varie en réalité de 17% dans le Jura à plus de 43% en Corse du Sud. Ces différences s’expliquent en partie par la corrélation de cette donnée avec le niveau de chômage et la proportion de la population âgée de moins de 65 ans couverte par le dispositif.
En effet, les territoires où une part importante de la population subsiste grâce au RMI sont souvent durement frappés par le chômage.
La situation est également contrastée en matière de cumul d’activité : si 18% des allocataires cumulent RMI et activité rémunérée, cette proportion varie de 11% en Corse à 27% dans le Limousin. Comme le souligne la CNAF, "le contexte économique et les caractéristiques individuelles n’expliquent pas tous les écarts. Les spécificités des politiques menées par les départements de résidence des allocataires sont également à prendre en compte".


Le nombre d’allocataires du R.M.I. en augmentation

Au cours du quatrième trimestre 2003, le nombre d’allocataires du RMI
dans les Caisses d’allocations familiales (CAF) métropolitaines a augmenté de 1,4%. Sur l’ensemble de l’année, la progression s’élève à 5,3%.
Cette évolution confirme la tendance observée depuis le début du troisième trimestre 2002, en lien avec celle du marché du travail. L’augmentation observée en 2003 concerne plus particulièrement les hommes âgés de moins de 30 ans, tandis que celle de 2002 avait plutôt touché l’ensemble des allocataires âgés de plus de 50 ans.
Fin 2003, le nombre d’allocataires effectivement du revenu minimum d’insertion, en métropole et dans les départements d’outre-mer, s’élève en données brutes à plus de 1,1 million, soit une augmentation de 4,9% par rapport au 31 décembre 2002. Elle intervient après une hausse modérée en 2002 (+1,6%) et deux années de diminution (2000 et 2001). Parallèlement, les dépenses versées en 2003 au titre du RMI, qui représentent 4,8 milliards d’euros (hors prime de Noël), progressent de 4,6% par rapport à 2002.
Le nombre d’allocataires du RMI, diffusé jusqu’à présent à un rythme semestriel par la CNAF, fera désormais l’objet d’une publication trimestrielle élaborée conjointement par la CNAF et la DREES (Direction des études statistiques du ministère). Cette publication présentera en outre chaque trimestre, dès qu’elles seront régulièrement disponibles, les données relatives aux bénéficiaires du Revenu minimum d’activité (RMA) ainsi qu’aux bénéficiaires des contrats d’insertion du RMI.


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