Daniel Rallet, membre du Conseil d’orientation des retraites

Réfléchir à de nouveaux mécanismes de solidarité

7 mars 2007

Pour Daniel Rallet, représentant de la FSU au Conseil d’orientation des retraites (COR), un « diagnostic partagé » s’impose : travailler et épargner plus pour compenser la baisse des pensions imposée par la loi Fillon, cela ne marche pas. Cette réforme effectuée voici 3 ans n’a fait qu’amplifier les inégalités et a conduit à la paupérisation des retraités. Continuer dans cette logique, c’est accentuer encore davantage cette iniquité subie en particulier par celles et ceux qui sont touchés par le chômage, les emplois précaires et sous-payés. Pour le responsable syndical, il est essentiel de créer les conditions d’un large débat public démocratique pour réfléchir à des mécanismes de solidarité capables de faire face à l’augmentation des besoins de financement.

Le Conseil d’orientation des retraites a pour mission d’apporter une expertise sur ce dossier sensible. En France comme à La Réunion, la tendance est au vieillissement de la population, c’est-à-dire à l’augmentation de la part des plus de 60 ans. Représentant de la FSU au Conseil d’orientation des retraites, Daniel Rallet participait hier à un stage syndical sur cette question. Comment peut-on évaluer la réforme votée en 2003, quelles sont les questions qui restent à approfondir ? Autant de sujets sur lesquels Daniel Rallet apporte un éclairage.

Quelles sont les missions du Conseil d’orientation des retraites ?

- Le COR n’est pas un lieu de décision, c’est un outil de débat et d’expertise. Pour ce faire, il recourt notamment à des projections démographiques à l’horizon 2020-2050 afin d’étudier les financements possibles. C’est une institution paritaire où sont représentés les partenaires sociaux. Diagnostics et pistes proposées sont exprimés dans un rapport établi par consensus.
Un rendez-vous important a lieu en 2008, 5 ans après la mise en œuvre de la loi Fillon. C’est là que doivent être décidés plusieurs ajustements à la réforme.

Que pouvez-vous dire de la réforme des retraites mise en place depuis 2003 ?

- Au niveau du COR, c’est un diagnostic partagé. La conséquence de la loi Fillon, c’est de travailler plus longtemps pour financer les retraites. Pour le COR, cela ne marche pas.
Nous constatons que les salariés ne souhaitent pas cotiser plus longtemps. Au contraire, dès qu’ils en ont la possibilité, ils partent le plus tôt possible. Le dispositif carrière longue, qui permet à un salarié de prendre sa retraite dès qu’il atteint 40 ans de cotisation, a ainsi connu un succès pour le moins inattendu.
Mais certains veulent aller plus loin, allonger encore la durée de cotisation, voire remettre en cause les bornes d’âge. Autrement dit, revenir sur le droit de prendre sa retraite à 60 ans et sur l’âge maximal de départ en retraite qui est fixé à 65 ans.

Quelles sont les principales critiques émises, 3 ans après cette réforme controversée ?

- La solution masquée dans la loi Fillon pour régler le problème des retraites, c’est la baisse des pensions. Cela veut dire que les inégalités s’amplifient puisque la baisse des pensions implique l’augmentation de la part d’épargne personnelle. Cette épargne retraite ne bénéficie qu’à ceux qui peuvent épargner. Si cette logique de baisse des pensions continue, alors nous risquons un retour à un passé révolu, où financer sa retraite passait par l’acquisition d’un patrimoine.
Les femmes sont plus particulièrement désavantagées par cette réforme inéquitable car elles ont souvent des carrières moins longues, et pour le même travail, elles touchent un salaire inférieur. Par conséquent, leurs pensions sont moins élevées que celle des hommes.
Quant à la liberté de choix, elle ne vaut que pour une minorité. Un cadre peut envisager de prolonger son activité au-delà de 60 ans, il peut également épargner, tout cela pour toucher une pension plus élevée, mais pour un ouvrier qui travaille dans des conditions difficiles, cela n’est pas possible. La réforme Fillon évacue d’ailleurs complètement la question de la pénibilité du travail. Au final, au niveau national, à 60 ans, deux tiers des femmes et la moitié des hommes ne sont plus en emploi. Dire que ce sont les personnes qui ont mis en place un système aussi inégalitaire qui prétendent s’attaquer aux régimes spéciaux au nom de l’équité.

Qu’en est-il de l’évolution du pouvoir d’achat des retraités ?

- La tendance est à la paupérisation des retraités, car les pensions ne sont plus indexées sur les salaires mais sur les prix. La conséquence est une stagnation du pouvoir d’achat. Et quand les retraités auront besoin de services comme l’accès à une maison de retraite ou une aide à domicile, pourront-ils se les payer ?

Quelles sont les autres questions qui doivent être abordées ?

- Quelle sera la retraite des allocataires du RMI ? Combien percevra un travailleur pauvre ?
La loi de 2003 fixe comme objectif une contribution minimale égale à 85% du SMIC, mais cela n’est valable que pour un salarié qui a cotisé 40 ans et qui a travaillé à temps plein. Or, beaucoup de salariés gagnent moins que le SMIC. Avec la multiplication des emplois à temps partiel, ce sont les travailleurs pauvres. Avec des salaires sous le SMIC, et la hausse du chômage, il est très difficile d’atteindre le nombre de trimestres nécessaires au versement d’une pension complète. Ces travailleurs vont commencer à prendre leur retraite en 2015-2020, à quoi auront-ils droit ?
Il est nécessaire de réfléchir à de nouveaux mécanismes de solidarité pour financer les régimes de retraite. Cette question se pose avec encore plus d’acuité à La Réunion, car l’île est massivement touchée par le chômage, et la proportion d’allocataires du RMI est plus importante qu’ailleurs.

Comment réfléchir à ces mécanismes de solidarité ?

- Chacun doit être conscient que les besoins de financement vont aller en augmentant. Un débat public et démocratique, auquel doivent participer les salariés, est essentiel. Des choix sont à faire.

Entretien Manuel Marchal


Principales mesures de la loi Fillon

- Pour aller vers l’équilibre, la réforme mise sur un allongement de la durée de cotisation, soit 40 ans en 2008 pour les fonctionnaires ainsi alignés sur le régime général. La durée de cotisation va s’allonger progressivement pour l’ensemble des actifs à 41 ans en 2012. De plus, la loi lie cette durée aux gains d’espérance de vie dans les prochaines années. Il s’agit de la mesure phare, l’allongement de la durée de cotisation comme levier étant un point particulièrement contesté.

- Les pensions sont indexées sur les prix et non plus sur l’évolution des salaires. Au niveau des pensions, les partenaires sociaux et le gouvernement se réunissent au moins tous les 3 ans pour formuler des propositions qui doivent néanmoins tenir compte de la situation économique du pays et de la santé financière des régimes.

- Un ensemble de mesures est instauré afin de favoriser l’activité des seniors avec le système de surcote/décote (majoration de 3% de la pension par année supplémentaire pour la surcote, minoration de la pension lorsque le nombre de semestres est insuffisant, le taux de décote étant fixé à 5% en 2008), des mesures facilitant la retraite progressive (cumul emploi/retraite) et durcissant les conditions d’octroi de pré-retraites.

- Le Plan d’Épargne pour la Retraite Populaire (PERP) est créé. Il s’agit d’un système de retraite par capitalisation individuel, assorti d’une exonération d’impôts sur les versements. Il permet de viser la constitution d’une rente viagère, qui sera liquidée au départ de la retraite.

- En complément, un nouveau plan d’épargne salariale a été créé, le Plan d’Épargne Retraite Collectif (PERCO). Alimenté par les entreprises, en franchise de charges et d’impôts, et leurs salariés, il offre encore plus de souplesse et d’avantages fiscaux.

- Les salariés peuvent obtenir une retraite à taux plein dès qu’ils obtiennent le nombre requis de trimestres (et ne sont donc plus tenus d’atteindre l’âge de 60 ans).

- L’information régulière des actifs - quels que soient les régimes de retraites auxquels ils ont cotisé - devient obligatoire. Cette mesure - extrêmement complexe à mettre en œuvre - est à la charge des 36 régimes de retraite concernés.


Conséquence des réformes successives

La baisse des pensions

Les conditions d’obtention d’une pension à taux plein sont rendues plus difficiles d’accès lorsque la durée de cotisation est augmentée. En effet, appliquer une décote pour chaque année de cotisation manquante va réduire parfois fortement les pensions de certains retraités.
Dans le secteur privé, la garantie de l’emploi est faible surtout pour les salariés de plus de 50 ans. Cette catégorie d’actifs pâtit profondément (mise en pré-retraite, licenciements économiques...) du constat selon lequel les employeurs cherchent de plus en plus à avoir un effectif jeune. Les plus de 50 ans sont touchés par l’allongement de la durée de cotisation, mais ce ne sont pas les seuls.
En effet, les salariés précaires vont voir leurs pensions diminuer de manière très importante, car d’une part, ils touchent des revenus faibles et enchaînent des périodes d’inactivité pendant lesquelles ils ne cotisent pas. En dernier lieu, les femmes seront, elles aussi, victimes de cette politique pour différentes raisons. Les carrières des femmes sont à la fois plus courtes, plus fractionnées et sont jalonnées de salaires, en général inférieurs à ceux des hommes. Tout miser sur un allongement de la durée de cotisation ne va donc certainement pas aider à réduire les discriminations que subissent les femmes vis-à-vis de leur retraite.
Mais c’est surtout l’indexation sur les prix et non plus sur l’évolution générale des salaires qui va réduire considérablement le niveau général des pensions. En effet, il est démontré que du fait de l’augmentation du pouvoir d’achat sur le long terme, l’évolution des salaires est meilleure que celle de l’indice général des prix. Il a été constaté qu’après la réforme Balladur, le niveau des pensions des salariés du privé a diminué de manière importante (à peu près 10% en moyenne). Par les projections des instituts de statistique, il est probable que cette indexation sur les prix, confirmée par les réformes Fillon-Balladur, va conduire à une baisse des pensions de plus en plus progressive, et qui pourrait atteindre à terme 20% pour le public et 27% pour le privé.

(Source Wikipédia)


2008 : un rendez-vous important

La loi du 21 août 2003 organise un processus d’ajustements du système de retraite à l’horizon 2020, assorti de rendez-vous réguliers. Le premier est prévu pour 2008, 4 ans après l’entrée en vigueur de la réforme. Il concerne le calendrier de mise en œuvre de l’allongement de la durée d’assurance requise pour l’octroi du taux plein.
En 2008, la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein sera alignée à 40 ans dans les régimes de base concernés par la réforme (régime général, régimes alignés, régime des professions libérales, régime des exploitants agricoles et régimes de la fonction publique). La loi de 2003 pose également le principe de l’allongement de cette durée en fonction des gains d’espérance de vie à la retraite, de façon à maintenir constant le ratio entre durée d’assurance et durée moyenne de retraite.
Elle prévoit en particulier une hausse de la durée d’assurance d’un trimestre chaque année, de 2009 à 2012, mais à partir du rapport que le gouvernement doit élaborer avant le 1er janvier 2008, conformément à la loi de 2003, il peut être décidé d’en ajuster le calendrier.
La loi de 2003 prévoit également le principe général de revalorisation des pensions sur les prix. Par dérogation à cette règle, une correction du taux de revalorisation du montant des pensions peut être proposée par une conférence tripartite, qui doit se réunir tous les 3 ans. La première réunion aura lieu en 2007.
Enfin, l’exposé des motifs de la loi de 2003 prévoit de réexaminer en 2008 l’objectif d’accorder, lors de la liquidation en 2008, un montant total de pension égal à 85% du SMIC net aux personnes ayant eu une carrière complète, à temps complet, et rémunérée au SMIC.

(Source : Conseil d’orientation des retraites)


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