Réforme des retraites : 2008 ou jamais

« Remettre en marche l’unité d’action »

31 mars 2008

A l’appel des syndicats CGT-Sud-FSU rejoints par Attac, salariés et retraités ont manifesté samedi en métropole contre l’allongement à 41 ans de la durée de cotisation retraite. A La Réunion, CGTR et FSU tenaient un point presse pour afficher leurs convergences et appeler à l’unité syndicale.

Si l’allongement de la durée de cotisation à 41 ans est aujourd’hui sur la table des négociations, suscitant de vives contestations de la part des syndicats comme des salariés, il constitue un des rendez-vous d’étape important dans ce virage dangereux et crucial qu’emprunte en 2008 la réforme des retraites, mais pas le seul.

«  Régime par capitalisation : un piége à cons  »

Au premier trimestre de cette année, la question des régimes spéciaux a été tranchée, non sans douleur. Salariés du public comme du privé sont aujourd’hui sur un même pied d’égalité. L’égalité, un principe républicain fondamental, mais un argument démagogique quand elle induit un tirage vers le bas des retraites. Car la réforme Fillon de 2003 sur le financement n’a pas eu les effets escomptés. Les sacrifices imposés aux salariés ne sont pas payants : cotiser plus et plus longtemps n’a pas favorisé le rééquilibrage du système ni le maintien dans l’emploi des seniors. Certes, au vu du déficit affiché de 3,5 milliards d’euros de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, le gouvernement focalise le débat sur la question comptable, une exigence certes, mais pas l’unique. Comme le rappelle Ivan Hoareau, « il est important pour nous de passer par un pacte intergénérationnel. On pousse les jeunes vers un régime par capitalisation, un piège à cons qui instaure l’individualisme et veut faire jouer les retraites sur les marchés financiers. » Peu assurés de la pérennité du système de retraite, de la viabilité d’une pension qui relèverait d’un minima, on veut inciter les jeunes actifs à épargner tout au long de leur vie pour financer leur retraites. CGT(R) comme FSU s’oppose à cette « retraite par capitalisation qui n’offre en outre aucune garantie sur le montant des rentes futures et dont le coût de gestion est de 2 à 3 fois supérieur », soutient Ivan Hoarau. « Il faut dire que la capitalisation n’est pas une fatalité, elle est évitable. Si l’on fait appel à la participation des grosses entreprises, on peut prendre les sous là où ils sont », poursuit le représentant FSU Réunion, Christian Picard.

«  La France veut passer par des mesures plus draconiennes  »

Les négociations sur le montant des pensions et les retraites complémentaires vont successivement s’engager dans le courant de l’année avec un gouvernement qui veut réformer vite, s’appuyant sur le retard en la matière de la France par rapport à ses homologues européens. « La France veut passer par des mesures plus draconiennes (voir par ailleurs) sans solliciter aucun effort de la part des entreprises », explique Ivan Hoareau qui soutient que face à la menace, l’union des forces syndicales doit être plus que jamais de mise. « Tous les salariés sont au même régime et tous refusent le passage à 41 ans. Nous sommes face à une nouvelle donne qui devrait faciliter la mobilisation. En 2003, il y a eu rupture de l’unité qui a laissé des traces profondes (...) Il y a toujours des divergences mais les convergences peuvent remettre en marche l’unité d’action. » La CFDT signataire des accords de 2003 révise aujourd’hui ses positions sachant qu’aucune des deux contreparties qu’elle avait exigé n’a été respectée : le plan senior et la prise en compte des carrières longues pour les salariés ayant commencé à travailler dès 14 ans. L’unité est possible et plus que souhaitable, mais le gouvernement va tenter de casser la mobilisation en mettant sur la table le réajustement des basses pensions, le cumul emploi-retraite, l’épargne retraite ou encore le fameux plan seniors qui n’a pas porté ses fruits. Sur cette question du cumul emploi-retraite, Ivan Hoareau précise que la CGT n’est pas opposée au principe à condition qu’il s’applique sur la base du volontariat et non de la contrainte. Si en raison du paupérisation des pensions, les retraités sont obligés de retourner au travail pour avoir un salaire plus acceptable, « on abolit la frontière entre travail et retraite et l’on supprime le seuil de 60-65 ans. »

Financement : l’évolution de l’emploi est décisive

Ivan Hoareau rappelle les priorités que la CGT veut défendre. D’abord « garantir un niveau correct de pension avec un taux de remplacement de 75% (soit un niveau de pension rapporté au dernier salaire d’activité), que les petites pensions ne soient pas inférieures au SMIC et que la réindexation se fasse sur les salaires et non sur les prix. » CGT et FSU défendent encore la prise en compte des périodes d’études, de formation et de recherche d’emploi dans le calcul des pensions. Avec une entrée dans la vie active plus tardive, il est difficile de concevoir qu’un jeune doive travailler jusqu’à près de 70 ans pour espérer percevoir sa retraite. Autre priorité : les négociations sur la pénibilité et l’espérance de vie, là où « le MEDEF avance d’un pas mais recul de deux. » « La pénibilité est un mouton à 5 pattes car on veut lui apposer des conditions rédhibitoires, explique Ivan Hoareau. Elle est pourtant posée au regard de l’équité et de l’égalité. L’espérance de vie des travailleurs doit être prise en compte dans l’age de la retraite. »
Enfin, la question du financement n’est pas résolue. Les besoins sont importants et tous les leviers doivent être pris en compte si l’on veut éviter une dégradation du niveau des retraites et un allongement de la durée de cotisations. Pour arriver à l’équilibre du système d’ici 2020, l’évolution de l’emploi est décisive. « Plus d’emplois égal plus de cotisations sociales, d’ou la nécessité de revoir à court terme la politique de l’emploi bridée par les éxonérations fiscales et sociales », défend le responsable CGTR.

L’égalité au coeur de la bataille

Depuis 20 ans, la contribution des entreprises au financement de la protection sociale n’a pas bougé. Selon les secteurs et les entreprises, des marges de manoeuvres sont possibles, des modulations de taux de cotisation sont souhaitables. Dans un contexte de mondialisation ou le coût du travail est brandit comme un frein au développement économique et à la création s’emploi, les syndicats auront fort à faire pour défendre cette voix. La pérennité des garanties collectives, des systèmes de retraite par répartition est mise à mal. Le thème de l’égalité face à la retraite est au coeur de la bataille pour la CGT. Consciente de la diversité des vécus d’un secteur à l’autre, entre les générations, mais aussi des réalités sociales, elle ne défend pas la mise en place d’un régime unique, mais revendique pour la définition de principes communs dont pourraient se prévaloir tous les salariés. C’est sur la base de ce constat que les syndicats doivent trouver des convergences, ne pas céder aux pressions de désunion, mais bien jouer à fonds la carte de l’unité : l’enjeu 2008.

Stéphanie Longeras


MEDEF et gouvernement : même combat

Les pouvoirs publics semblent vouloir prolonger l’orientation de 2003 en essayant de replacer ce qui n’avait pu passer il y a 4 ans. Selon le rapport du Conseil d’Orientation sur les Retraites publié le 11 janvier, l’allongement de la durée de cotisation est de mise : 41 en 2012, 42 en 2020. L’âge ouvrant le droit au départ à la retraite (60 ans) et celui permettant l’accès à une retraite de base Sécurité sociale à taux plein (65 ans) ne doivent plus être des repères. Enfin, il souligne qu’il faut réduire le rôle du taux de remplacement comme outil de pilotage du système et lui substituer d’une approche plus contributive « le rendement d’une retraite pour chaque cotisant. »
Le gouvernement se positionnerait ici dans l’esprit des préconisations du patronat. En effet, le MEDEF souhaite accélérer l’évolution de la retraite vers un système à trois piliers, comme le relève Ivan Hoareau. « Un pilier obligatoire, composé de la retraite de base et des complémentaires, le taux à taux de cotisation constant. » Ce pilier engendrerait un taux de remplacement de 66% en 2020 et de 50% à terme pour une carrière complète au lieu de 75% aujourd’hui. Considérant dès lors la paupérisation attendue des retraites engendrée par ce pilier, les deux autres axes du MEDEF sont “logiques”. D’une part, il s’agit de favoriser l’épargne individuelle ou collective et d’autre part, le cumul emploi-retraite.

SL


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